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Réciproquer les bons vœux du Premier ministre

25 décembre 2017, 07:18

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Après avoir été pris pour cibles durant une année, avouons qu’il est assez surprenant, pour nous journalistes, d’entendre le Premier ministre discourir, en substance, le propos suivant samedi à Camp-Thorel : «Je souhaite une bonne année aux camarades journalistes aussi (…) Je sais que vous ne faites pas un travail facile, et que vous êtes toujours là…» Est-ce que le Premier ministre serait revenu à de meilleurs sentiments eu égard à la remontée, à travers le pays, du Parti travailliste et de son rival Navin Ramgoolam ? Ce ne serait pas correct d’y voir un lien direct de cause à effet. Ce serait, peut-être, davantage dû à la magie de Noël, qui, apparemment, rendrait les gens meilleurs, momentanément. 

Si l’année 2017 aura été une bonne année pour Pravind Jugnauth qui a hérité, en janvier 2017, sans passer par les urnes, du poste suprême, en revanche, les journalistes de la presse libre et indépendante ont, eux, eu droit à une année des plus tumultueuses, surtout en l’absence de cette Freedom of Information Act pourtant tant promise en décembre 2014. Outre les secousses engendrées par la passation des pouvoirs à la tête du gouvernement, et la transition des conseillers et des suiveurs, les scandales gouvernementaux se sont enchaînés à un rythme effréné, provoquant pas mal de tension entre l’Hôtel du gouvernement, les Casernes centrales et la presse non partisane, c’est à-dire celle que le PMO n’arrive – et n’arrivera – pas à mettre sous bol, à l’instar de la MBC qui a essayé maladroitement d’étouffer la victoire d’Arvin Boolell lors de la proclamation des résultats le 18 décembre.  

Même si nous ne sommes pas dans le cas de figure de ces confrères d’ailleurs qui sont assassinés parce qu’ils enquêtent sur des réseaux de corruption ou de trafic de drogue – (en 2017, 65 journalistes ont été tués de par le monde), à Maurice, nous avons vécu, ainsi que nos proches, avec le Yerrigadoogate, des moments difficiles, où les autorités, avec la complicité de certains confrères et autres mercenaires qui se reconnaîtront, ont tenté le tout pour le tout afin de nous réduire au silence. Au plus fort de la crise du reste, faisant une lecture malhonnête du communiqué de soutien de La Sentinelle, Pravind Jugnauth a même été jusqu’à réclamer publiquement ma suspension, ainsi que celle de mes collègues, Axcel Chenney et Yasin Denmamode, sur la base du fait que nous faisons l’objet d’une enquête policière tout comme Ravi Yerrigadoo qui a eu, lui, à démissionner. Celui-ci avait promis, après quelques larmes versées en direct sur les ondes de Radio Plus, de revenir au pouvoir, sauf que l’enquête sur le Yerrigadoogate semble ne pas pouvoir aboutir, et ce malgré les tentatives liberticides de nous intimider et d’avoir accès à nos téléphones portables et à notre liste de contacts. De telles manœuvres de la police de Mario(nette) Nobin, manifestement aux ordres de politiciens souhaitant régler leurs comptes, font fi du sacrosaint principe de la liberté de la presse et de la protection des sources des journalistes. 

Dénoncer des actes malveillants ou s’attaquer aux dérives pouvoiristes fait partie de notre cahier des charges. Nous savons (puisque nous les vivons) les risques que nous prenons en faisant notre métier. C’est ainsi que nous avons compris que le leader de l’opposition jouait un rôle dangereux avec la bande sonore séditieuse de Soodhun (qu’il nous a remise pour être diffusée). Au lieu de faire le jeu communal du leader du PMSD, nous avons choisi, non pas de publier les propos communaux du VPM Soodhun, mais d’aller à la rencontre du même Pravind Jugnauth qui réclamait nos têtes. Heureusement que nous sommes tombés sur un leader, cette fois-ci, réceptif qui a compris le danger de tels propos par un de ses ministres et a choisi de le sanctionner (quitte à le consoler par la suite pour son rôle dans l’approvisionnement des produits pétroliers). 

Il reste deux ans à Pravind Jugnauth avant d’affronter l’électorat. Il est évident qu’entre le pouvoir et le contre-pouvoir, il y aura des secousses. Nous ne voulons pas les prévenir car cela fait partie du jeu démocratique. Nous voulons juste que le gouvernement et la presse puissent travailler dans le respect des lois pour le bien du pays (et sans que la police ne persécute les journalistes). Donc, merci pour vos bons vœux, Monsieur le Premier ministre. On vous les réciproque. En espérant que vos ministres seront davantage à la hauteur en 2018.