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Ni gauche, ni droite !
«L’amour est ma seule idéologie», Gabriel Garcia Marquez
Il faut fédérer la gauche mauricienne!Ah bon ? Mais qui ferait ce travail impossible ? Est-ce, du reste, un sujet toujours d’actualité? À Maurice, ou ailleurs, nous sommes de plus en plus nombreux à revendiquer une idéologie qui serait «ni à gauche, ni à droite», ou encore «et à gauche et à droite». C’est dire que les frontières idéologiques sont encore plus floues qu’hier. Auparavant, la gauche avait le «monopole du cœur», du social et de la collectivité, tandis que la droite rimait surtout avec ordre, autorité et individualité. De tous les pays, c’est sans doute la Chine qui aura le mieux compris le besoin de déconstruire le clivage droite-gauche; et aujourd’hui l’Empire du Milieu suit scrupuleusement une ligne de développement qu’on pourrait qualifier à gauche sur le plan politique et à droite sur le plan économique. Soit two in one !
Sir Gaëtan Duval a pendant longtemps incarné la droite mauricienne. Mais selon ses propres aveux (dans Le droit à l’excès, par Alain Gordon-Gentil), il aurait pu tout aussi bien être un homme de gauche. En 1956, frais émoulu de ses études en Europe, lorsqu’il retourne au pays natal, il flaire que la libération du pays – un combat de gauche – était déjà l’affaire de Ramgoolam («la place est occupée»), alors, pragmatique, Duval (Sr) prend le pari de la réaction, en devenant l’avocat de ce combat de résistance, allant plus tard jusqu’à grappiller 44 % des votes (grâce au soutien d’André Masson). L’ex-leader du PMSD confiera, d’ailleurs, son affection pour la posture des gauchistes :«Regardez mon action. J’ai toujours été contre la peine de mort, pour les libertés, la marginalité, les libertés sexuelles. Des chasses gardées de la gauche depuis toujours.»
En France, le clivage droite-gauche, à bien des égards, devait vivre son âge d’or au début des années 1980. «Une chanson le proclamait : prendre un bain dans une baignoire est de droite, prendre une douche est au contraire de gauche...» fait ressortir Gilles Finchelstein, de la Fondation Jean-Jaurès, dans son essai Piège d’identité. Mais depuis, comme l’atteste le slogan d’Emmanuel Macron, c’est une époque révolue. La gauche-caviar boit du champagne et la droite milite dans des ONG contre la déforestation.
Les déterminismes idéologiques ont vacillé. Et ils sont appelés à disparaître, ou à se rebaptiser. Si beaucoup pratiquent encore le clivage droite-gauche, la plupart des jeunes n’y croient plus vraiment, surtout ceux qui n’ont pas connu la naissance du MMM. Statistiques pour la France : en 1980, 30 % d’entre eux considéraient le clivage droite-gauche dépassé. En 2011, la proportion monte à 58 % et ils sont aujourd’hui 73 % à ne plus faire aucune différence entre la droite et la gauche. Un tiers des Français refuse désormais de se ranger dans l’un de ces deux camps, récusant ce clivage ou se réfugiant sur une position centrale, voire centriste.
La gauche et la droite du pareil au même ? Chez nous, Gaëtan Duval voulait dissoudre son parti à un moment pour demander à ses partisans d’intégrer le MMM. Il avait choisi Bérenger, avant Xavier Duval, pour être son héritier politique, afin de piloter la relance économique. Pour nombre d’observateurs, y compris moi, le clivage droite-gauche n’est pas un clivage philosophique mais une politique circonstancielle. En d’autres mots, il ne faut pas rechercher une origine du clivage droite-gauche dans le champ de la philosophie parce qu’il n’a, sans doute, de sens que dans celui de la politique. Dans le monde, ce clivage a, certes, structuré la vie politique depuis 1789. Mais depuis 1989, nous sommes dans un entre-deux, une laborieuse période de renouvellement de la problématique politique. Il y a un brouillage idéologique lié au glissement simultané de la gauche et de la droite vers des positions libérales avec la mondialisation. Nous sommes au terme de cette période et un clivage nouveau se forme depuis plusieurs années déjà : celui qui oppose les partisans d’un monde ouvert et unifié (ce grand marché mondial) à ceux qui préfèrent un monde entrouvert et divers dans lequel les communautés nationales préserveraient leurs cultures enracinées et leurs solidarités internes (dont le porte-drapeau est Trump). Chez nous, il est clair que les partis de la gauche, et/ou ceux de la droite, sont surtout guidés par des besoins de coalitions politiques qui ne durent que le temps des alliances, le temps d’une survie, ou d’une raclée électorale.
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