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Pension: bombe à retardement

24 février 2018, 07:26

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La réforme du système des pensions s’avère-t-elle davantage, un problème politique ou économique ? Certes, le vieillissement de la population locale, couplé à notre décroissance démographique, constitue un vrai défi sociétal, un problème qu’on continue à repousser sous le tapis, et qui sera, d’ici 15 ans, une bombe qui (si on persiste à jouer à l’autruche) nous explosera à la face, avec des répercussions sociales graves. Mais la solution ne peut pas venir des comités techniques, ou des actuaires, aussi pointus soient-ils. La solution, tant pour la pension non contributive que pour la pension contributive, ne peut être que politique. Il s’agit non pas de simple volonté politique - puisque tout le monde veut solutionner la problématique des pensions - mais plus précisément de courage politique.

Posons la question autrement. Il reste deux ans à Pravind Jugnauth avant d’affronter les prochaines élections. Il fait tout entre-temps pour améliorer son image : il consulte largement, il court en survêtement sophistiqué, il marche avec les pèlerins, et il se la joue moralisateur moderne - mais, malgré toute la com à la Macron, pourra-t-il prendre la décision économique qui va dans le bon sens : c’est-àdire repousser l’âge de la pension universelle à 65 ans ? Et ainsi corriger une hérésie : ces fonctionnaires qui touchent leur pension de vieillesse, qui voyagent gratuitement et qui continuent à travailler - bref, pour reprendre une des formules fétiches de son père : ki apé manz banane dan de boute. Et maintenant on songe à les faire travailler jusqu’à 70 ans ! Comment diable va-t-on financer tout cela ?

En phase avec une tendance mondiale, Rama Sithanen avait eu le courage politique, en 2007, de repousser, graduellement à 65 ans l’âge de la retraite et celui pour l’obtention de la pension de vieillesse. Malgré sa politique progressiste, il s’est fait descendre par ses propres collègues au Conseil des ministres, en particulier par Sheila Bappoo. Et du coup, l’âge de la pension non contributive a alors été ramené à 60 ans. Ce retour en arrière provoque le débalancement qu’on connaît. Si, à l’époque de Sheila Bappoo, les gens entraient dans la fonction publique relativement tôt et l’espérance de vie tournait dans les 55-65 ans, aujourd’hui elle est au-delà de 70 ans. Plus les années passeront, plus les gens vont vivre longtemps.

Si les politiciens démissionnent aujourd’hui, en rejetant, comme Sinatamboo, le blâme sur les hauts fonctionnaires, si des économistes compétents et patriotes comme Pierre Dinan jettent l’éponge en raison de l’inertie gouvernementale, c’est que le problème est bien plus grave que le public ne l’imagine. Les populistes qui ont augmenté les pensions ne pourront pas régler le problème, mais ils peuvent le compliquer davantage…C’est le dilemme auquel nous faisons face.

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L’âge de la retraite va-t-il augmenter parallèlement avec les progrès de la médecine ? Les opinions divergent de par le monde : certains actuaires pensent que l’économie va «s’écrouler», d’autres estiment au contraire que des gains de productivité et une croissance économique plus forte vont nous permettre de financer ces dépenses engendrées par le vieillissement de la population.

En Europe, les dépenses de retraite représentent en moyenne 8 % du PIB. Ces dépenses de retraite sont appelées à augmenter de 3 à 4 points du PIB d’ici 2050. Les décideurs peuvent combler ces nouveaux besoins de financement avec un train de mesures - qui seront, par ailleurs, jugées impopulaires. Impopulaires mais indispensables.

Parmi ces mesures : la hausse des cotisations et des taxes, la diminution des dépenses et des prestations de retraite et de santé, les réductions d’autres dépenses et investissements publics. L’économie étant un choix entre différentes options.

Si, dans certains pays de l’OCDE, l’âge de la retraite varie entre 60 et 65 ans - des systèmes ont été mis en place pour pouvoir favoriser la retraite avant l’âge normal, selon la logique «puisque nous vivons de plus en plus vieux et partons à la retraite de plus en plus jeunes.» En France, Emmanuel Macron avait promis, lors de sa campagne, que l’âge légal restera à 62 ans. Ailleurs, comme aux États-Unis, l’âge de la retraite atteint les 67 ans. D’autres pays développent des mesures pour décourager les départs anticipés à la retraite.

Le cas japonais mérite que l’on s’y attarde. Au début de l’année, pour sauver son système des pensions, le gouvernement de Shinzo Abe a décidé de repousser de 70 à... 80 ans l’âge limite auquel les fonctionnaires sont autorisés à travailler. Certes, cette mesure ne s’appliquera qu’aux fonctionnaires volontaires. Les autres pourront continuer à prendre leur retraite quand ils le souhaitent à 70 ans, voire avant. Et, au final, toucher une pension dont le montant augmente plus ils ont travaillé longtemps.

La décision japonaise d’étendre l’âge jusqu’à 80 ans est due au fait que le budget des retraites est exsangue. Précisément en raison de l’allongement de l’espérance de vie (87 ans pour les femmes et 81 pour les hommes). Sur le plan strictement financier, le Japon a intérêt à ce que ses agents restent le plus longtemps possible en activité : ça retarde le moment où il doit leur verser une pension. Cette réforme est aussi motivée par la grave pénurie de main-d’oeuvre que connaît le Japon : le taux de chômage n’est que de 2,8 %. Il existe aussi peu d’immigrés.

Et, parce que le taux de remplacement est inférieur au taux de natalité (comme c’est le cas à Maurice), il n’y a pas assez de jeunes pour remplacer les vieux qui partent à la retraite. Donc, on doit garder les vieux le plus longtemps possible en activité…De quoi faire bondir Rashid Imrith !