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Il suffit d’expliquer, madame… complètement !

4 mars 2018, 13:24

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J’ai fait partie de ces nombreux Mauriciens qui furent convaincus et, dans certains cas, passablement éblouis, par la nomination d’Ameenah Gurib- Fakim comme présidente de la République. Cette rubrique fut même en première ligne pour féliciter Ivan Collendavelloo, leader du ML, pour cette trouvaille. Première femme à ce poste, scientifique d’une certaine renommée de surcroît – même si les plus chiches lui faisaient, sans jamais vraiment le démontrer, le reproche de ne pas avoir été toujours originale – cette femme d’une élégance certaine avait, en plus, la grâce de ne pas sortir du sérail politique.

Cependant, assez rapidement, elle se démarquait de manière assez nette de ces prédécesseurs. Chacun a son style évidemment. Kailash Purryag, était assez peu visible et se contentait de ses avis légaux et politiques. Cassam Uteem a été celui qui a transfiguré la fonction à son époque pour se rapprocher des soucis quotidiens du peuple. Il a aussi joué un grand rôle pour calmer le jeu lors des émeutes Kaya et a souligné sa conscience et son indépendance en refusant d’approuver la loi antiterrorisme – ce qui mena à sa démission.

Madame Gurib-Fakim disait vouloir mettre Maurice sur la mappe mondiale et, ce faisant, se mettait souvent au centre d’un réseau mondial aussi, qui l’encensait, prenait son opinion, la valorisait. Ça semblait lui convenir, car, ainsi, elle voyageait, rencontrait des personnes qui lui étaient bienveillantes, opérait au sein des élites, de L’Oreal à la Bill Gates Foundation, de TedX au Planet Earth Institute (PEI), ce qui faisait autant de bien à son CV qu’à la notoriété de son pays. Je me souviens l’avoir vue face à des étudiants de Harvard, je pense, buvant son introduction à l’audience comme du petit lait et acceptant avec bienveillance et sans correction, l’admiration d’une jeune fille la félicitant d’être l’une des rares femmes présidentes élues de la planète ! Élue ? Ça m’a alors fait tiquer…

C’est lors d’une de ces coquetteries sans doute, entre petits fours et coupes de champagne, qu’on a dû lui présenter le «philanthrope» Álvaro Sobrinho. Entre deux couplets où chacun vante sans doute ce qu’il ou elle a accompli ou ce qu’il ou elle souhaite léguer à l’humanité, émerge donc, apparemment, une convergence d’intérêts, notamment celle de soutenir les études scientifiques de jeunes Africains, et notamment d’un chapitre mauricien. Ce n’est pas l’unique intérêt de Sobrino. Les annonces sont prometteuses, vivifiantes, mais sonneront creuses quelques mois plus tard puisque les miroirs aux alouettes qui devaient mener à Édimbourg, Cape Town ou Oxford se révèlent être de véritables attrape-nigauds. Les explications n’ont jamais été tout à fait satisfaisantes, mais les moyens de Sobrinho et de Gates ont dû faire rêver bien des jeunes du pays…

Madame la présidente, au début de sa collaboration avec Sobrinho, s’active pour l’aider. Et va loin. Que ce soit avec la FSC et notamment Deerpalsingh, que ce soit avec la banque centrale, elle se sent investie d'une mission, à la recherche d’une licence bancaire. Son innocence face à ce monde angolais pourri, d’où émerge Sobrinho, est palpable au début, mais elle choisit de ne pas s’émouvoir même quand commencent à surgir les premiers signes de souffre, notamment quand la banque centrale refuse un permis bancaire qui pourrait servir davantage de blanchisserie que de générateur de marges et de commissions légitimes. D’ailleurs, le passé de Sobrinho comme directeur de banque, notamment à la branche angolaise d'Espírito Santo, ne peut rassurer personne de raisonnable et de prudent. Elle démissionne éventuellement du PEI, mais ce sera tardif. Elle promet une enquête, mais s’il y en a eu, on n’en partage pas les résultats, comme dans les cas de Choomka ou de Sumputh. Tous ceux qui défendent Sobrinho s’accrochent au fait qu’il n’a pas encore été condamné, mais l’odeur du scandale est partout et suggère une prudence et une retenue que n’auront pas certains plus motivés à faire l’arithmétique des avantages et notamment des pourcentages qui découlent d’un investisseur aussi fortuné.

La carte de crédit de platine émise au nom de Madame la présidente est au mieux très embarrassante et au pire une forfaiture de son rôle de présidente de la République. Madame la présidente a sûrement une carte de crédit personnelle depuis longtemps déjà et on peut imaginer que sa limite de crédit ne la cantonne pas dans le camp des modestes. Quand elle est devenue présidente, elle a, de plus, très certainement hérité d’un «expense account», agrémenté ou pas de carte de crédit. Une carte de crédit d’un million de roupies est vraiment plutôt rare. Elle est sertie du prestige de cette platine qui faisait, d’ailleurs même, rêver Navin Ramgoolam à l’époque. Cette carte ne devait-elle pas servir qu’à la promotion de la fondation prétendant soutenir des études de PhD ? Cela n’a pas été le cas pendant les quatre derniers mois de 2016…

On peut imaginer Madame la présidente tentée par un achat au Duty-Free de Dubayy, alors que sa carte de crédit personnelle est insuffisamment approvisionnée. Dans ce cas, exceptionnellement, elle est peut-être tentée de ne pas rater l'occasion, d’utiliser la carte platine de Rs 1 million du PEI et de rembourser aussitôt son retour à Maurice. Est-ce le cas ? Comment alors expliquer l’usage répété de cette carte pendant au moins quatre mois, y compris pour de montants plus modestes pour des chaussures ou des robes, que sa carte de crédit personnelle aurait dû pouvoir accommoder séparément ? De toute manière, ce train de vie quelque peu outrancier semble même ne pas cadrer avec ses salaires de présidente. Remarquez qu’elle a peut-être ses économies à elle, mais choisir d’afficher son train de vie, comme ça, à l’ONG de Sieur Sobrinho, est un acte au moins irréfléchi qui porte atteinte à sa fonction.

Si elle choisit de ne pas démissionner face à ces documents qu’elle sait authentiques, elle doit des explications claires et complètes à la nation ! Elle doit assumer ses responsabilités comme nous assumerons les nôtres face à l’intérêt public. L’intérêt public, voilà bien notre seul souci en la circonstance.

Il faut espérer que ce soit aussi celui de la présidente.

KC RANZÉ