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L’épine Gurib-Fakim et les autres

7 mars 2018, 07:38

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Il est dommage au moment où le pays s’apprête à célébrer la Journée mondiale de la femme, qu’Ameenah Gurib-Fakim, – qui, depuis juin 2015, a valeur de symbole comme la première femme présidente de la République –, ait brisé le plafond de verre et se retrouve en disgrâce.

Cette scientifique de renom, qui incarnait jusqu’à récemment l’espoir des professionnels à servir le pays, nage aujourd’hui dans le désespoir d’une sortie ignominieuse. Celle qui se targue de ses origines modestes, de son parcours académique et universitaire sans faute et de son trajet Plaine-Magnien – State House, doit certainement s’en prendre à ellemême pour son sort. Celui de n’avoir pas su préserver la confiance de la population et d’avoir confondu son rôle de garante de la Constitution avec celui de PRO d’un affairiste étranger douteux.

Cette affaire arrive à un mauvais moment pour Pravind Jugnauth, qui tente timidement de refaire son image auprès d’une population désabusée dont les lendemains ont cessé de chanter. Alors qu’il semblait avoir réussi à mettre de l’ordre dans sa maison avec le départ du sulfureux Showkutally Soodhun, connu pour ses nombreuses frasques, voilà qu’il doit subir les dommages collatéraux de son voisin, le Muvman Liberater d’Ivan Collendavelloo avec le boulet que représente sa nominée, Ameenah Gurib-Fakim.

Aujourd’hui, le tandem Arian-Meetarbhan croit encore dans le destin de Jugnauth fils de réussir à légitimer son poste premier ministériel et d’aspirer à un second mandat dans une configuration politique qui reste encore à s’éclaircir. Et ce, en s’appuyant sur un bilan qu’il espère présenter fin 2019 avec dans le sac : l’achèvement de la première phase du Metro Express, le réaménagement de la place Victoria, la réalisation de gros projets d’infrastructures, etc. et, cerise sur le gâteau, une croissance économique de plus de 4 % tirée par l’industrie du bâtiment.

Face à cette ambition, le Premier ministre n’a pas droit à l’erreur. C’est d’ailleurs pourquoi il ne compte pas laisser traîner l’affaire Gurib-Fakim, conscient que dans un climat malsain, les spéculations malveillantes empoisonneront la sérénité de ses actions. Du coup, il ne tardera pas à passer à l’action pour enlever cette épine de son pied, quitte à provoquer des remous au sein du gouvernement.

Pravind Jugnauth joue actuellement son va-tout afin de ne pas quitter le bâtiment du Trésor, et encore moins le partager dans l’éventualité d’une réélection (en alliance politique ou pas), contrairement à son père. S’il soigne son style et se montre proche de la masse – à l’instar des images généreuses le montrant faire du jogging à Rodrigues, marchant pendant quatre heures de Vacoas à Grand-Bassin ou s’affichant fièrement avec des enfants –, il ne veut pas que des actions inconsidérées de ses ministres ou de leurs proches viennent mettre en péril toute sa stratégie de reconquête du pouvoir. La convocation du ministre Sudhir Sesungkur au bâtiment du Sun Trust, samedi dernier, qui s’est fait savonner la tête, suivant l’implication de son fils dans un accident, témoigne de son intolérance face aux actes d’indiscipline.

Un avertissement à peine voilé, donc, aux membres de son gouvernement qu’il «means business», même si on aurait souhaité qu’il ait appliqué la même discipline dans un passé récent à l’égard d’autres dirigeants et nominés de son parti. Dont Maya Hanoomanjee avec les fameux biscuits de sa fille ; Anil Gayan et le salaire princier accordé à une de ses protégées, Vijaya Sumputh ; Kalyan Tarolah pour les actes indécents au Parlement relayés par les réseaux sociaux ; ou encore Ivan Collendavelloo pour sa proximité avec Alvaro Sobrinho, l’homme d’affaires angolais, celui-là même qui fait trébucher Ameenah Gurib-Fakim. Mais c’est tant mieux que ce soit le cas aujourd’hui.

Bien entendu, le Premier ministre a un devoir de résultats, tant sociaux qu’économiques. Pour le moment, on ne peut affirmer qu’il ait excellé à son poste de Grand argentier. Trop pris par ses responsabilités de PM, il n’a pas le temps de s’impliquer dans les grands enjeux économiques.

Pravind Jugnauth ne fait que gérer le quotidien de son gouvernement alors qu’il est appelé à définir une feuille de route crédible pour le pays avec des objectifs réalistes et non des hypothèses de croissance folles de 5 % ou 6 % ou encore l’annonce en 2015 de la construction de huit Smart Cities et de cinq technopoles.

On lui demande d’avoir les pieds bien posés sur terre et d’agir – même à l’encontre de la locataire de la State House … !