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Tiens, tiens, mars 2017, vous dites ?!

10 mars 2018, 07:28

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Tiens, tiens, mars 2017, vous dites ?!

Quel peut bien être ce pouvoir de marchandage de la présidente de la République ? Où puise-t-elle sa force secrète, celle qui lui permet de developper un tel amour-propre...

Osons la question qui est sur toutes les lèvres : Ameenah Gurib-Fakim (AGF) serait-elle l’arbre qui cache la forêt des affaires à Maurice ? Aurait-elle des dossiers sur des ministres de l’alliance Lepep qui auraient également bénéficié des millions détournés par Álvaro Sobrinho pour que les Jugnauth n’arrivent pas à la déboulonner ? Une chose est devenue claire : AGF ne veut pas payer seule le prix fort ? Quand elle dit qu’elle a tout remboursé, vise-t-elle ces politiciens - elle tient à se démarquer d’eux : «I’m not a politician» - qui traînent des casseroles ?

Et en parlant de remboursement, attardons-nous sur ce fameux mois de mars 2017 - qu’elle mentionne sans préciser la date et sans fournir les détails des transactions bancaires. Un rappel de notre combat pour cerner les multiples ramifications de ce qu’est devenue aujourd’hui l’affaire Platinum Card s’avère utile. Car aujourd’hui, nous comprenons mieux certaines choses.

Le 1er mars 2017, en éditorial, je pose les questions qui sèment la panique : «Pour qui et pourquoi a-t-il acheté, à Maurice, sept voitures de luxe (quatre Range Rover et trois Jaguar) au prix de Rs 40 millions ? Pour des politiciens ou des hauts fonctionnaires qui l’ont aidé à tisser sa toile ou pour ses proches amis ? Pourquoi voulait-il, à tout prix, une licence bancaire – et ce, dans le sillage de la fermeture de la Bramer Bank ? Pourquoi, après une due diligence, la Banque centrale a refusé de lui octroyer une Banking Licence alors que la Financial Services Commission (FSC) lui a octroyé deux licences pour opérer deux fonds d’investissement, le 27 août 2015, en moins de quinze minutes ?»

Ce même 1er mars 2017, on ajoute : «Sur les conseils de qui Pravind Jugnauth a-t-il introduit le concept d’une Investment Banking and Corporate Advisory License dans son discours du Budget en 2016 ? Est-ce pour contourner la Banque centrale ? Pourquoi toutes les banques commerciales du pays – à l’exception de deux banques – ont-elles refusé d’avoir le Dr Sobrinho comme client ? Et pourquoi, comme dans le cas de la BAI, la FSC ferme les yeux ou donne sa bénédiction ?»

4 mars 2017 : L’express revient à la charge en décortiquant le communiqué émis le 2 mars 2017 par la FSC. Ce communiqué, en dix points, frise l’absurdité quand il admet : 1) Que la FSC a remis plusieurs licences – dont une «Investment Banking Licence» le 29 septembre 2016 – aux sociétés de Sobrinho, mais que ces «licencees have been requested NOT to start operations (…)». C’était comme si les Casernes centrales octroyaient des permis de conduire à des chauffeurs, puis leur disaient : vous avez vos licences, mais vous n’avez pas le droit de conduire pour le moment ! 2) La deuxième absurdité du communiqué de la FSC : pour réfuter les informations qui circulaient sur Álvaro Sobrinho, la FSC lui demande d’enquêter sur... lui-même : «The Commission requested the Management Company for an enhanced due diligence to be conducted on Mr. Sobrinho, and requested the applicants to provide their comments with respect to the adverse opinion.»

5 mars 2017 : On utilise l’ironie : paradoxalement, il nous faut remercier Álvaro Sobrinho. Il a agi vite, comme un stratège militaire sur un théâtre d’opérations. Aussitôt le projet de la licence refusé par la Banque centrale, celuici, par des raccourcis innommables, s’est retrouvé dans le discours de Budget et dans les amendements subséquents du Finance Bill de 2016 – proposés par Pravind Jugnauth (sur les conseils de Manraj ?) avant qu’il n’obtienne sa licence, en bonne et due forme, en septembre 2016. La FSC du tandem Bhadain-Manraj a ainsi fait un doigt d’honneur à la Banque de Maurice (...) Sobrinho, qui pratique les gouvernements africains, savait qu’au sein de Lepep, beaucoup ont compris que c’est «their time to eat». Alors, il a arrosé, à coups de millions et de voitures. Des hauts fonctionnaires ont aussi été choyés. Sobrinho a soudoyé les cercles du pouvoir, comme de l’opposition. Au final, l’on ne devrait pas tarder à savoir si Sobrinho a de bonnes intentions ou pas.

8 mars 2017 : On ne comprend plus, alors on s’interroge : quel crédit peut-on vraiment accorder au politicien Ivan Collendavelloo, qui se serait empressé de «mener une enquête» sur les liens entre la présidente de la République et Álvaro Sobrinho ? «Mr Clean» (disait-on jadis) s’en ficherait-il, à ce point, de la perception de conflit d’intérêts, étant donné que c’est le ML qui a placé Ameenah Gurib-Fakim au Réduit, en remplacement de Kailash Purryag ? C’est un peu comme si, n’est-ce pas, on demandait à Anil Gayan de faire une enquête sur son amie Vijaya Sumputh au Cardiac Centre. Ou à Maya Hanoomanjee d’enquêter sur les fournisseurs de biscuits au Duty Free Paradise. N’est-ce pas le meilleur moyen d’apporter de l’eau au moulin de ceux qui vont immanquablement crier au «cover-up» ? Et puis, l’on s’étonne que le public croit de moins en moins aux discours de ses représentants politiques et de leurs relais complaisants qui ont fait de «moralité pa ranpli vant» leur hymne. La troublante affaire Sobrinho et les tentatives de «damage control» auxquelles on assiste ces jours-ci s’encastrent dans cette dynamique.

Le 12 mars 2017 : Alors que Sobrinho dit n’avoir rien à cacher ou à craindre, hier, il a invité la presse parlée et a évité la presse écrite – qui, pourtant, avait des questions à la pelle à lui poser. Sobrinho, qui veut promouvoir la connaissance scientifique, a lu, à la hâte, une déclaration. Et a refusé de répondre aux questions. Un peu comme Ameenah Gurib- Fakim face aux questions de l’express depuis la semaine dernière ou Pravind Jugnauth face à la presse - voir plus loin.

Le 17 mars dernier, l’avoué Narendra Appa Jala nous a envoyé la veille du papier timbré avec une réclamation de Rs 150 millions, soit l’équivalent de trois villas au luxueux Royal Park. «Plaintiff (Álvaro Sobrinho) avers that the acts and doings of the Defendants (NdlR, dont La Sentinelle et l’auteur de ces lignes) constitute a ‘faute’ and/or negligence and/or imprudence in the circumstances and as a result of which Plaintiff has suffered damage and prejudice which cannot be estimated in monetary terms, but for the sake of the present action, the damages are estimated at Rs 150 million and which the Defendants are jointly and in solidarity bound in law to make good to Plaintiff.»

Le 19 mars 2017 : L’express insiste : qu’à cela ne tienne, nous, on ne compte ni présenter des excuses ni s’incliner devant Sieur Álvaro Sobrinho, dont on sait que le père ne possédait qu’un modeste supermarché, à Luanda, et qui, aujourd’hui, jongle miraculeusement avec des milliards, qu’il veut investir à Maurice, avec la bénédiction d’Ivan Collendavelloo.

Retenez bien son nom : Rafael Marques, journaliste angolais, poursuivi par sept généraux du président Dos Santos, et condamné à six mois de prison avec sursis après la publication de son livre sur des violences commises dans une région de mines de diamants. Collendavelloo et consorts réalisent-ils seulement ce qu’un Rafael Marques pourrait révéler sur Sobrinho et consorts ?

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Le compromis de Pravind Jugnauth a cassé l’unité contre Ameenah Gurib-Fakim. On a aujourd’hui l’impression qu’un deal secret a été conclu dans le dos de la population.