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Les deux faces de Janus: le PC et le Basic Instinct

21 avril 2018, 13:47

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Comme le dieu romain Janus, le Mauricien moyen porte deux visages différents, l’un arborant l’avenir, le politiquement correct (PC), l’autre le passé, le basic instinct, l’instinct primaire. Cette dichotomie déroute, année après année, élections après élections, les grands spécialistes des sondages d’opinion et les observateurs politiques.

Une voix presque unanime qu’on a entendue, surtout après les premières grandes déceptions causées par les scandales successifs et les dérapages de l’alliance Lepep, c’est une condamnation générale des partis politiques traditionnels. Dans ce contexte, les Mauriciens ont souhaité un renouveau radical, Janus contemplant résolument l’avenir  et c’est ainsi que Rezistans ek Alternativ est devenu séduisant et Kugan Parapen avec sa barbe à la Karl Marx, la nouvelle coqueluche.  

Quand ils sont interrogés par sondeurs ou journalistes, les Mauriciens prennent toujours des positions politiquement correctes et ils rejettent avec force le communautarisme, le castéisme et toutes les pratiques jugées éhontées du pays. On  enregistre ainsi un large rejet des partis traditionnels, avec un grand nombre de non-affiliés à quelconque formation. Ce qui laisse croire que l’avenir est prometteur pour tout mouvement qui représente le renouveau. On ne voit que le visage positif, axé sur l’avenir, de Janus.

Puis vint l’élection partielle dans la circonscription de Belle-Rose–Quatre-Bornes  (no18).  Quelle belle occasion pour mettre en pratique tous les souhaits de renouveau et du rejet avec dédain des forces du passé. Quand les clairons annoncèrent le début de la bataille, les forces du renouveau, avec le révolutionnaire Parapen en tête, promirent une nouvelle ère. 

Le no18 s’offrait en champ de bataille idéal car la circonscription représentait, comme un reflet de miroir, toutes les composantes de la société mauricienne, dans plus ou moins leur quote-part. De plus, avec un revenu par tête d’habitant supérieur à la moyenne des autres circonscriptions et un électorat qu’on dit plus «éduqué» formellement que les autres, le no18 s’offrait en terrain idéal pour la bataille d’idées, au grand plaisir des «intellectuels».

La liste des candidats symbolisant l’avènement des jours meilleurs pour les Mauriciens était impressionnante. Si la tête marxisante de Parapen pouvait faire tiquer, il y avait toujours l’incorruptible combattant Jack Bizlall. Ou encore deux jeunes technocrates qui représentaient parfaitement la nouvelle île Maurice exorcisée du démon du communautarisme et des pratiques obscures du passé. Il s’agissait de l’expert de la Banque mondiale, Yuvan Beejadhur, et d’Alexandre Barbès-Pougnet, dont l’engagement politique avec son impressionnant double-barrelled name, faisait penser à Anthony Neil Wedgwood-Benn, cet aristocrate britannique devenu révolutionnaire.  

Pour faire concrétiser ce penchant de renouveau des Mauriciens, il y avait aussi la charismatique et pimpante Tania Diolle, en qui un «nouveau» parti avait vu une gagnante combinaison de «beauty and brains». Le MMM et le PMSD, en alignant les jeunes Nita Jaddoo et Dhanesh Maraye, entendaient eux aussi, profiter de cette soif de s’abreuver à de nouvelles sources. 

Roshi Bhadain, associé à certaines des décisions les plus controversables du MSM après les élections de 2014, se présenta néanmoins comme une force révolutionnaire déterminée à démolir les partis traditionnels. Dans la pure lignée de la face positive de Janus. 

Estimant qu’il était plus facile de gérer l’acte de lâcheté de ne pas aligner un candidat que de trainer la «queue de ferblanc» d’une défaite, le MSM déclara forfait. Le Parti travailliste choisit, lui, d’aligner un candidat tout à fait vieux et traditionnel en la personne d’Arvin Boolell. Membre du Parlement de 1987 à 2014, Boolell symbolisait parfaitement le passé et tout ce qui pouvait être de plus vieux dans l’establishment politique. 

D’ailleurs, comme le lieutenant Colombo, Arvin Boolell se faisait délibérément vieux dans son apparence. Ce candidat représentait  l’autre face de Janus, le retour au passé, l’appel à l’instinct primaire. Et il l’emporta. Leçon de l’histoire : il faut toujours compter avec les deux différentes faces du Mauricien moyen.