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Qu’est-ce qui nous vaut l’arrogance du pouvoir ?

6 mai 2018, 09:28

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Par quelle magie est-ce que des hommes, apparemment normaux, qui arrivent à se hisser au pouvoir, se voient soudain pousser des ailes et, dans beaucoup de cas, tombent soudain sous l’illusion qu’il leur est aussi poussé de la cervelle ? Ce qui leur donnerait, de facto, des droits bien particuliers!

Croyez-vous normal, par exemple, que tous les partis politiques prônent la bonne gouvernance et la transparence des opérations, notamment financières, des compagnies mauriciennes, qu’ils votent des lois pour s’en assurer, qu’ils installent des autorités de régulation et de contrôle pour surveiller et punir, mais qu’ils n’ont jamais trouvé le temps ou ressenti le besoin d’avoir ce même souci pour leurs propres comptes de parti ?

Par quelle logique devrait-on conclure que la gestion des fonds de partis politiques doit rester opaque ? D’autant que, ce faisant, on finit généralement non pas avec des partis démocratiquement gérés, ce qui permettrait à des challengers d’émerger, mais avec des partis totalement centralisés, parfois même des fonds de commerce familiaux, dont les chefs (pas même les trésoriers de service !) concentrent tous les pouvoirs entre leurs mains.

Il n’y a pas de logique. Il n’y a que l’arrogance du pouvoir pour expliquer cet extraordinaire comportement.

Trump n’est pas bien différent, sauf pour son narcissisme affligeant. N’a-t-il pas, d’ailleurs, rompu avec la tradition démocratique de rendre publiques ces fiches de déclaration fiscale ?

Est-ce la même suffisance d’être des hommes «à part» qui les mènent à systématiquement intervenir dans les institutions, y compris celles qui sont, a priori, indépendantes?

Comment conclure autrement quand on voit les grosses berlines noires, sous escorte policière, demander un droit de passage privilégié et ne pas se sentir concerné par les caméras de surveillance de vitesse qui nous contraignent, nous, simples mortels ? N’y a-t-il pas aussi une importante part d’arrogance – la cupidité pure étant présente aussi, bien sûr – dans le fait que les gouvernements fraîchement élus trouvent invariablement nécessaire de licencier ceux qui sont alors aux affaires pour les remplacer par «les leurs»?

Qu’est-ce qui explique que les enquêtes demandées sur les hommes du pouvoir traînent alors que celles diligentées sur leurs adversaires méritent, apparemment, plus de zèle ? Pour les sommes de travail enregistrées et les objectifs atteints, est-il toujours normal, au pays du salaire minimum à Rs 9 000, de réserver des salaires, plus allocations, de Rs 330 000 à un ministre, de Rs 246 000 à un secrétaire parlementaire et de Rs 158 000 à un simple parlementaire ? Y a-til autre raison que l’arrogance du pouvoir pour trouver normal et se délecter de revenus multiples, concurremment, sous forme de salaires ET de pensions «au service de l’État» ? Ou pour se payer une retraite dorée, même après seulement trois années de «travail», comme notre ex-présidente, ou deux mandats pour nos parlementaires, alors que le commun des mortels travaille au moins 40 ans avant de mériter sa retraite à lui ?

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Ne parlons ni de Poutine, ni de Xi, mais cette arrogance du pouvoir permet, dans le pire des cas, à des chefs politiques de se considérer irremplaçables et «essentiels» au point où ils truandent les élections, empêchent leurs adversaires politiques d’établir leurs candidatures et/ou modifient la Constitution afin de prolonger le nombre de mandats dont ils pourraient encore disposer. D’autres, à l’instar du président Zuma ou de la présidente Park Geun-hye, l’ont joué plus ouvertement «démocratique», tout en abusant outrageusement de leur position pendant leurs mandats.

À l’autre extrême de l’éventail, les démocraties libérales qui affichent une moins bonne santé en général, si l’on se réfère à la mise en examen de Sarkozy, au vote Brexit, sur des bases mensongères et à l’élection de Trump. La situation aux États-Unis, ces jours-ci, est vraiment parlante. Sous le prétexte de se défaire du marigot (drain the swamp), le but de Donald Trump est, en fait, de soigner la fortune de ses amis (ainsi que la sienne grâce à la baisse importante de la fiscalité), d’assouvir son narcissisme démesuré et d’installer, de manière hégémonique, la supériorité de «son» jugement, au point de se débarrasser de ses conseillers les plus précieux s’ils ne sont à 100 % en phase avec lui. Aucune nuance, aucune contradiction, aucune opinion alternative ne saurait être tolérée par celui qui, sorti des cuisses de Jupiter, prend invariablement le crédit de tout ce qui réussit et blâme ses prédécesseurs pour ce qui va mal…

La conséquence aujourd’hui est que l’arrogance Nixonienne est de retour, avec force, et qu’elle tente de mettre au pas le FBI, le département de la justice, le congrès, le Sénat, la presse, les globalistes, la COP21, l’Iran... le monde, quoi !

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À Maurice, la situation est assez panachée, encore que les avancées démocratiques ont été plutôt minces récemment: une réforme électorale dont on ne voit toujours pas les contours, pas de Freedom of Information Act, pas encore de nouvelles licences de radio ou de télé privée, des tentatives musclées de mettre le DPP sous bol, des règlements de comptes politiques qui n’augurent rien de bon pour l’avenir, de nouvelles amendes de Rs 1 million pour les radios qui déraperaient, des provisional charges arbitraires qui restent possibles, même si moins fréquentes...

Notre démocratie souffre déjà d’une bonne dose d’arrogance du pouvoir et, malheureusement, ça glisse… Notre démocratie a, évidemment, besoin de plus de démocrates militants ! Ici, comme ailleurs, il est à espérer que l’opinion publique saura continuer à s’investir suffisamment fortement pour préserver ses libertés face à l’arrogance du pouvoir et à la mollesse complaisante de ses partis d’opposition !