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Déverrouiller le système
50 ans et 2 mois. C’est le temps qui s’est écoulé depuis l’accession de Maurice à l’indépendance. Célébré avec faste, ce jubilé d’or tient surtout à rappeler le parcours économique et social du pays. Mais qu’en est-il de l’avenir ? Y pensons-nous sérieusement ?
Des questions légitimes dans la mesure où l’avenir est surtout synonyme de jeunes. Or, 45,5 % de la population âgée entre 15 et 20 ans exprime aujourd’hui sa désaffection pour la politique. Plusieurs raisons expliquent ce mépris. D’abord, parce que cette catégorie de Mauriciens – appelée à prendre des responsabilités voire nous diriger dans un futur pas très lointain – estime qu’il n’y a pas grand-chose à attendre de la sphère politique.
Ces chiffres émanent d’un sondage intergénérationnel réalisé récemment par la firme VERDE et diffusé dans Business Magazine. Ils rejoignent l’analyse du cardinal Maurice Piat selon laquelle notre système démocratique montre des signes d’épuisement. Certes, le peuple jouit de la liberté d’exercer son droit civique tous les 5 ans, comme le préconise la Constitution, encore heureux d’ailleurs, mais il se trouve, comme le souligne avec raison le religieux, que dans l’intervalle, le citoyen n’a pas voix au chapitre. «Il est relégué au statut de spectateur ou de consommateur.»
Dès lors, il est permis de s’interroger : comment encourager les jeunes à s’engager, surtout si c’est pour être confinés au statut de groupie ou encore pour être placés sous éteignoir par ceux qui sont supposés leur ouvrir les portes de l’arène ?
Ce que nous décrivons n’est pas de la fiction, mais bel est bien une triste réalité dont malheureusement nous n’arrivons pas encore à mesurer l’impact sur notre devenir commun.
Le système est verrouillé de l’intérieur. C’est un fait difficilement contestable. Ceux qui sont à la tête des principales organisations politiques diront certainement le contraire mais dans la pratique, ils ne font rien pour permettre un renouvellement des cadres. La démocratie, celle que l’on dit vouloir défendre et promouvoir à tout prix, n’est qu’un vain mot. Il suffit de suivre l’actualité politique pour se rendre à l’évidence.
Pourtant, tous, autant qu’ils sont, hier au pouvoir et aujourd’hui dans l’opposition, et vice versa, ils ont eu la possibilité d’aplanir les obstacles afin de faciliter l’engagement de la jeunesse. Au lieu de s’y consacrer, ils préfèrent se livrer à un jeu de dupes sur la réforme électorale à la veille de chaque consultation populaire. Ce débat, stérile jusqu’ici, qui vient d’ailleurs d’être relancé, s’est révélé un excellent appât pour attirer l’adversaire.
Entre-temps, l’accès à l’espace démocratique demeure obstrué. Le sang neuf ne parvient toujours pas à se frayer un passage. D’autant plus que l’argent est le nerf de la guerre. Ne parlons pas des idéaux que les partis politiques brandissaient jadis pour se démarquer. Comme le Dodo, ils ont disparu du discours électoral. Désormais, il n’y a plus que le symbole et la couleur comme signes distinctifs entre les partis traditionnels.
Les effets de ce contrôle quasi monarchique qu’exercent les chefs sur l’appareil de «leurs» partis et sur les leviers du pouvoir, une fois aux affaires, ne manquent pas de rejaillir sur le pays. La fragilisation des institutions, du tissu social et économique est la conséquence directe des années de pratiques politiques qui sont loin de refléter nos aspirations comme un pays moderne.
Cinquante ans après l’indépendance, il est temps d’arrêter de fantasmer sur Singapour. Des années-lumière nous séparent de la cité-État. Plutôt que de faire miroiter à la population un rêve impossible, nous gagnerons à remplacer les fondations pourries qui constituent aujourd’hui l’ossature de notre système politique.
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