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Coupe du monde ou budget: demandez le programme !

27 mai 2018, 09:48

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14 juin. La date est désormais connue. Ouverture de la Coupe du monde en Russie ou grand oral de Pravind Jugnauth ? Anooj Ramsurrun, le nouveau DG par intérim de la MBC, a, sans doute, la contrainte du choix – comment faire du Premier ministre une star bien plus admirée que, disons, Paul Pogba ? Bien plus qu’ailleurs dans le monde, à Maurice, la retransmission en direct du discours du Budget national prend des allures disproportionnées – alors que c’est d’abord et surtout un exercice comptable, et quand même pas le mariage du prince Harry et de Meghan Markle... Même si celle-ci a un petit air de ressemblance avec Kobita Jugnauth.

Chez nous, on pense que le Grand argentier possède une sorte de baguette magique dans sa poche – qu’il brandit à chaque Budget. Cette fois-ci, tout le monde s’attend à ce que, face à la pression grandissante de la rue, le gouvernement baisse les prix (récemment augmentés) des carburants, en diminuant les taxes locales alors que le prix mondial flambe. L’imprévoyance d’un Lepep populiste, en cette période de post-bonanza, se paie cher et ne pourra, par conséquent, qu’alourdir notre dette publique.

Il s’avère, en effet, difficile de rester populaire s’il faut trancher entre les employeurs et les employés, entre les investissements et les remboursements. Le problème avec nos politiciens, c’est que leur vision s’étend que sur cinq ans – celle du leader du MSM nous semble être braquée sur l’horizon 2019. Leur «vision» commence avec des promesses électorales – souvent irréalisables – pour finir avec un chapelet de prétextes pour justifier leur inaction et rejeter le blâme sur le régime d’avant. Comme Pravind Jugnauth le fait face au leader de l’opposition (par ailleurs son ancien allié) sur l’imposition des taxes sur les carburants.

Le raisonnement de Lepep durant la campagne électorale était simpliste : il faut être au pouvoir pour initier des réformes. Et pour être au pouvoir, il faut être populaire, voire populiste, quitte à plomber les finances publiques. Pareille survie politicienne n’est pas compatible avec le présent contexte économique. Car le discours nécessaire pour un développement durable s’inscrit dans la durée, et c’est peut-être pour cela qu’on l’entend davantage, chez nous, dans les sphères citoyennes que politiques. Après leur mandat, les politiciens vont s’en aller, le pays, lui, sera toujours là. Avec ses dettes et ses capacités limitées à se développer, se transformer.

Avec le temps, tout s’en va, dit-on. Ce n’est pas vrai. La flamme s’éteint peut-être, mais les créances, elles, restent et se transmettent aux générations futures…

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En 2015, le ministre des Finances de l’époque, Vishnu Lutchmeenaraidoo, annonçait «une phase de croissance économique accélérée atteignant 5,3 % en 2016». Et cerise sur le gâteau : «Le plein-emploi en 2017.» Trois années se sont écoulées depuis ces projections de l’ex-Grand argentier, mais toujours pas de croissance de 5 % en vue et encore moins de plein-emploi.

Mais relevons que le chômage recule. À 7,1 %, il est actuellement à son plus bas depuis 2007. Le bureau des statistiques souligne qu’une décennie plus tôt, le taux de chômage était à 8,5 %. Mais doiton pour autant bomber le torse ? Les chiffres sont clairs et nets : le chômage a tourné, en moyenne, autour de 7,6 % entre 1983 et 2017. Le plus fort taux jamais atteint est de 19,7 % au quatrième trimestre de 1983 tandis que le plus bas a été chiffré à 2,7 % au dernier trimestre de 1991. Mais là où le bât blesse c’est qu’en dépit de la tendance baissière, ceux âgés entre 16 et 24 ans sont toujours «dans la plaine» (pour ne pas dire peine). Pour cette catégorie de Mauriciens, la courbe ne s’est nullement inversée. Le taux est, certes, passé de 24,7 % à 19,3 % en 2008, mais il a bondi à 26,3 % en 2015 avant de se stabiliser, l’année dernière, à 24,9 %

Nous sommes, hélas, un pays politisé à outrance. Ainsi, lorsqu’une critique, comme celle contenue dans le paragraphe précédent, est émise sur la gouvernance, l’on ne s’attarde pas autant sur le fond du sujet que sur la personne – ou le journal – qui formule cette opinion. C’est ainsi que beaucoup d’avis sont escamotés, sur l’autel de la démagogie. Et l’on continue alors notre chemin, tranquillement, sans nous remettre en question, en prônant la politique de l’autruche.

C’est triste que personne, au final, n’assume ses positions. Lepep a été élu pour soi-disant mettre fin au pillage des fonds publics par le régime travailliste. C’est vrai que sous Ramgoolam, les propriétaires de la BAI, d’Airway Coffee, des boutiques Ralph Lauren, entre autres, ont été favorisés pour proximité politique (au nom d’une démocratisation de l’économie de triste mémoire), mais en essayant de limiter la casse, le gouvernement du jour a, surtout, corsé l’addition du contribuable, en se mettant lui-même à table. L’émotion dégagée par un désir de vengeance ayant aussi pris le dessus sur la raison. Au final, Budget ou pas, c’est nous, et nos enfants, qui allons casquer pour financer les fausses manœuvres politiciennes, comme nous l’a rappelé le Singapore Arbitration Center dans l’affaire Betamax.

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Pour changer la donne, le Premier ministre n’aura pas les coudées franches, si l’on se base sur la qualité des hommes qui l’entourent. Le remplacement de Ramesh Basant Roi par Yandraduth Googoolye nous semble problématique.

Pravind Jugnauth est conscient qu’il joue sa carrière politique et qu’outre les possibilités d’alliances stratégiques, les indicateurs économiques dessineront son avenir. C’est, sans doute, pour cela que nonobstant certains autres indicateurs, il aime se flatter en rappelant que les investissements directs étrangers sont en hausse cette année : «Il y a un climat favorable aux investissements, un leadership à la tête du gouvernement. Zot (NdlR, les investisseurs) inn trouvé éna enn gouvernman ki pé travay, ki pé amélior les affaires.»

Mais en relisant le manifeste électoral de Lepep, on retient surtout que l’on nous a vendu le tandem SAJ et Vishnu Lutchmeenaraidoo comme les faiseurs d’un 2e miracle économique, qui s’est évaporé comme un mauvais rêve. Et que, désormais, Pravind essaie de changer la donne en s’agitant de toutes ses forces et faiblesses.

Si, en politique, tous les coups et permu-tations s(er)ont désormais permis, en revanche, sur le plan économique, il n’y a pas 10 000 recettes pour changer la donne : il faut obligatoirement stimuler l’investissement (local aussi !) afin de faire repartir l’activité économique. Les dernières années ont été décevantes, beaucoup d’occasions gaspillées. Le focus n’était clairement pas sur l’économie. Et le taux de croissance n’arrive toujours pas à dépasser les 4 %. C’est certes mieux que les 3 – 3,5 %, comme cela a été le cas durant la dernière décennie. Mais pas assez.
 

Pour 2017-2018, il ne faut pas se voiler la face : si on veut devenir ce pays à revenu élevé, il nous faut une croissance dans les 5 – 6 % au moins (mais pas que !). Ce qui ne risque pas d’arriver avec un climat politique incertain, tant sur le plan local (trois ministres des Finances en trois ans de Lepep) qu’international (Brexit, Trump, abolition des quotas sucriers, prix du pétrole)…