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Nǐ hǎo Xi Jinping

27 juillet 2018, 09:33

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L’appétit de la Chine pour l’Afrique, qui n’est pas nouveau, se révèle grandissant. Le résultat paraît probant : aujourd’hui, après des stocks d’investissement par milliards de dollars disséminés à travers le continent, dont à Maurice, la dépendance grandissante des Africains vis-à-vis des Chinois est manifeste et semble avoir franchi le seuil du non-retour. L’arrivée, ce soir, de Xi Jinping chez nous, après le sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et une tournée africaine savamment planifiée, se veut un geste d’amitié entre le géant asiatique et le Petit Poucet que nous sommes, mais aussi et surtout une consolidation des relations dans un contexte où Beijing multiplie les prêts à faible taux d’intérêt en échange de projets de construction (à l’exception notable du Metro Express, projet resté en travers de la gorge des Chinois, car mis à l’écart par les Indiens…).

Si ce n’est pas (encore) le cas chez nous, la Chine se positionne déjà comme le premier partenaire commercial de l’Afrique, devançant l’Union européenne (enlisée par les challenges du vieux continent liés à la sécurité et à l’immigration), les ÉtatsUnis (qui subit la politique de repli et le langage ordurier – «shithole countries» – de Donald Trump) et l’Inde (dont l’ouverture économique de Modi s’opère surtout vers l’Ouest et les pays arabes pour le moment).

La Chine avait surtout faim des matières premières africaines, nécessaires pour son développement gargantuesque. D’où les injections massives de capitaux en Zambie ou en Angola par exemple, alors que c’est moins le cas en Côte d’Ivoire ou au Sénégal. Les données du commerce extérieur démontrent cependant qu’à mesure que les parts de marché françaises déclinent dans les pays du vieillissant Françafrique (de manière constante depuis ces 20 ans), les parts de marché chinoises, elles, progressent de façon spectaculaire.

Sous la pression des autres bailleurs de fonds, qui pointent le doigt aux pratiques douteuses des Chinois en matière d’écologie, les gouvernements africains tentent de faire fléchir la Chine en mettant l’accent sur le droit au travail des locaux. Même si l’on peut noter quelques concessions, le gros des emplois créés va, en priorité, à la main-d’œuvre chinoise. Il suffit d’aller visiter le chantier Jin Fei, à Riche-Terre, pour s’en convaincre. Le résultat est, du reste, visible : les ouvriers ont une productivité remarquable. Le charmant ambassadeur Sun Gongyi, francophone jusqu’au bout des ongles, s’enorgueillit que la coopération économique et commerciale entre nos deux pays n’est pas que Jin Fei mais aussi le New Airport Terminal Building et le Bagatelle Dam. Et que la question de la main-d’œuvre et la culture font désormais partie du débat bilatéral.

Quoiqu’en disent les discours de circonstance, ne soyons pas dupes pour autant : les États n’ont pas vraiment d’amis. Les États n’ont que des intérêts. C’est un principe de base en relations internationales – et c’est pour cela, entre autres, que l’on a institué, depuis 1945, une cour internationale de justice à La Haye, afin de «régler, conformément au droit international, les différends entre États». Ce principe perdure à travers un monde en perpétuelle mutation, d’où les jeux d’alliances qui se nouent et se dénouent au gré des intérêts des nations à court, moyen et long termes. C’est ainsi. Comme l’émergence des BRICS face aux institutions de Bretton Woods.

Ainsi, sur la question des Chagos, devant la Cour internationale de justice, contrairement au soutien affiché de l’Inde, il ne faut pas s’attendre  que Xi Jinping dévie de la politique étrangère du parti communiste qui pousse pour sa One Belt and One Road Initiative (en traversant l’espace Indian Ocean Rim). Si les Chinois disent nous comprendre en privé, il est clair qu’ils ne peuvent pas nous soutenir officiellement sur la question de décolonisation, étant euxmêmes en conflit sur les dossiers périphériques : Taiwan, HongKong, Mer de Chine, Tibet… La Chine ne pourra donc que nous encourager à résoudre le désaccord chagossien sur un plan purement bilatéral avec les Britanniques. Ce qui n’a rien donné jusqu’ici. Au-delà de l’incontestable dimension humaine et des actions diplomatiques et juridiques portant sur la souveraineté ou d’autres aspects, il ne faut pas occulter de l’analyse l’importante question géostratégique – la géostratégie, qui est une branche de la géopolitique, focalise essentiellement sur les implications politiques et guerrières de situations géographiques (ressources naturelles, espaces frontaliers, espaces maritimes).

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Alors que Beijing prépare activement le sommet du Forum de coopération Chine-Afrique, en septembre prochain, auquel Pravind Jugnauth participera, Xi Jinping, connu comme «The Boss», entend asseoir les ambitions chinoises sur le continent. Le Sénégal et le Rwanda sont deux pays qui ont un poids diplomatique important sur le continent et connaissent une réussite économique relative. À la tête de l’Union africaine depuis janvier 2018, le Rwandais Kagame cultive une vision panafricaine – d’ailleurs mise en œuvre par la création de la ZLEC (Zone de libre-échange continentale) qu’ont signée pas moins de 49 pays…

À l’heure où se met en place le projet Safe City, Jugnauth fils pourrait se promener dans les rues de Beijing pour mieux comprendre comment fonctionne un «surveillance state» où les citoyens sont contrôlés pas à pas, grâce à un impressionnant réseau de caméras CCTV – où l’accent est mis sur la reconnaissance faciale et l’intelligence artificielle afin de ficher tout un chacun : du touriste au dissident politique en passant par les étudiants. C’est aussi cela la Chine. Un géant économique, agressif, expansif, qui n’a que faire de la démocratie occidentale (style westminsterien) et de la liberté individuelle. Du moment que le pouvoir demeure inébranlable. Et que la sécurité (de qui ?) prime…