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Les femmes, la moitié du ciel…

1 août 2018, 00:16

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La place des femmes dans la société actuelle et de demain est multidimensionnelle et civilisationnelle. Elle est d’abord une question de droits humains, conformément au principe fondamental de l’égalité citoyenne qui s’inscrit en faux contre la discrimination selon le genre. La place des femmes est qualitative, reposant sur une sensibilité alignée sur une philosophie de développement respectueuse de la nature.

La problématique féministe de par le monde, y compris à Maurice, vit un tournant. Un vent réactionnaire souffle tant dans les sociétés démocratiques que dans celles qui traditionnellement traitent les femmes comme citoyennes de seconde zone ou qui sont ouvertement répressives envers elles. Mais heureusement, peut-être comme jamais auparavant, les femmes se mobilisent dans le monde pour crier et dénoncer les inégalités, les injustices et les discriminations dont elles sont victimes.

L’histoire des femmes et leurs combats à Maurice, riches et profonds lors des différentes phases de notre histoire – de l’esclavage aux avancées démocratiques plus récentes en passant par l’engagisme –, reste à être écrite. Sachons, tout en étant vigilants et critiques, apprécier les avancées. Quel est le profil de la population féminine mauricienne ?

Profil

En 2016, la population était composée de quelque 638 000 femmes, contre une population de quelque 625 000 hommes. Cette différence est due au fait que les femmes vivent en moyenne sept ans de plus que les hommes. Les femmes continuent à donner naissance à moins d’enfants que par le passé. Les hommes comme les femmes se marient à un âge plus avancé et la différence d’âge entre les deux est en train de diminuer. Il y a plus de femmes que d’hommes inscrits dans des institutions tertiaires, mais elles sont moins nombreuses dans le domaine de la recherche.

Les femmes qui travaillent sont plus susceptibles que les hommes d’être des employées, ou des collaboratrices à l’entreprise familiale, que de diriger des entreprises. Bien qu’étant moins nombreuses au sein de la population officiellement dite active, les femmes sont cependant plus touchées par le chômage. Les femmes au chômage étaient généralement plus qualifiées que leurs homologues masculins. Toutes professions confondues, les femmes tendent à percevoir des salaires inférieurs à leurs homologues masculins. La proportion de femmes occupant les postes les plus élevés dans le secteur public a progressé de 23 % en 2001 à 40 % en 2016.

Sur le plan international, le Global Gender Index qui vise à mesurer l’égalité des genres dans quatre domaines clés que sont la participation et l’opportunité économiques ; le niveau d’éducation ; la santé et la survie ; et l’empowerment politique. Entre 2015 et 2016, Maurice a grimpé du 120e rang au 113e sur 144 pays en ce qui concerne le Global Gender Gap Index du World Economic Forum. Sur la base de cet index, nous prenons conscience de tout ce qui reste encore à faire pour parvenir à la parité !

Un long combat

L’instauration des droits de la femme à Maurice a été un parcours difficile. C’est après l’abolition de l’esclavage que les droits progressent. Un temps fort a été le droit de vote en 1948. C’est un grand pas pour les femmes car leur expression devient aussi importante que celle des hommes. Il y a eu de nombreuses avancées, notamment les droits sociaux : droit à l’éducation et au travail, protection contre la violence.

Bien qu'à Maurice il existe plusieurs textes de lois pour protéger les droits de la femme, il reste énormément à faire car c'est au niveau des mentalités et des pratiques que la femme est la plus discriminée. Ce constat établi, il faut sérieusement voir comment faire concrètement bouger les lignes. Ceci est un axe de cette révolution culturelle tant nécessaire pour que le pays avance – voir Pour une révolution culturelle (https://www.projetdesociete.org/une-revolution-culturelle).

Inégalités

La question des inégalités est centrale. La première inégalité est l’accès au travail, car l’indépendance de la femme y est attachée. La faible participation des femmes au travail constitue une faiblesse structurelle, comme le montre la féminisation du chômage ces dernières années.

L’économiste Pierre Dinan est revenu récemment sur la question des femmes et des inégalités en termes de revenus et salaires. Les chiffres sont révélateurs. Dans le secteur privé, l’écart salarial homme-femme est important. Une femme qui assume le poste de manager touche en moyenne Rs 29 100, alors que son collègue masculin perçoit Rs 40 200. Concernant les postes élémentaires, la femme est encore plus discriminée car elle ne gagne en moyenne que Rs 6 500 contre Rs 14 500 pour un homme.

Bien qu’occupant les mêmes postes, les femmes touchent en moyenne seulement 50 % (emplois élémentaires) à 70 % (emplois de managers et autres professionnels) du salaire de leurs collègues masculins, relève Statistics Mauritius dans son dernier rapport sur les genres. L’écart des revenus entre hommes et femmes est donc flagrant. Ce constat doit constamment nous interpeller. Dans le monde des entreprises, il existe le plafond de verre au niveau des conseils d’administration.

Selon une enquête du Mauritius Institute of Directors, la présence féminine stagne à 7 % dans les conseils d’administration des entreprises privées. À titre de comparaison, la présence féminine dans les conseils d’administration est de 40,1 % en Norvège et de 33,5 % en France. Il faudrait aussi en finir avec les secteurs d’activités qui restent encore des chasse-gardées pour les hommes.

Violences

Disons-le d’emblée : dans une société où le développement se veut centrer sur l’humain, la lutte contre la violence envers les femmes et la violence domestique doit être une des priorités. L’actualité ne cesse de nous rappeler son ampleur. 1 483 nouveaux cas de violence domestique à l’encontre des femmes ont été rapportés en 2017 au ministère de l’Égalité du genre (Gender Statistics 2017). 36 % des victimes ont été agressées physiquement par leur époux ou partenaire ; 20 % ont subi des agressions verbales (mauvais traitement, harcèlement, humiliation) ; 9 % ont été menacées par leurs conjoints ; et près de 6 % ont été victimes d’agressions physiques par des proches vivant sous le même toit.

Les facteurs principaux déclenchant ces types de violence sont : l’argent, l’alcool, les biens familiaux et les tâches ménagères. Personne n’est à l’abri ; cette violence sévit dans toutes les catégories sociales, économiques et culturelles, en milieu urbain ou rural et quel que soit le contexte éducatif ou religieux. Difficile pour les femmes de fuir cette violence pour des raisons d’ordre économique, social et psychologique.  

Femmes et développement

L’importance des femmes dans la construction et le fonctionnement de la société, à commencer au sein de l’institution familiale, et dans tous les domaines est aujourd’hui connue et reconnue. Peut-on pour autant dire qu’elle soit appréciée à sa juste valeur ? Les femmes sont présentes dans pratiquement tous les secteurs de l’économie, sans compter les tâches ménagères et le soin aux enfants qui sont non-comptabilisés.

Il serait temps que le ministère de l’Égalité du genre fasse un état des lieux de la contribution des femmes dans la société mauricienne pour voir comment augmenter la flexibilité qu’offrent les nouvelles technologies pour le travail à domicile. Cependant, si pas correctement réglementé, ce genre de travail peut empirer la situation précaire des femmes et les exposer à des abus. Dans la sphère politique, tant au niveau national qu’au niveau des partis, aussi bien que dans le secteur public et au gouvernement, les femmes sont plus nombreuses. Mais la parité quantitative est loin d’être acquise et encore moins la parité qualitative en termes de niveau de responsabilité.

Les femmes mauriciennes sont très actives dans la vie sociale et culturelle. Elles le sont sur plusieurs fronts : l’environnement, la lutte contre la pauvreté, l’alphabétisation, l’éducation des enfants, l’éveil artistique. Sur le front de la lutte contre la pauvreté, comme elles sont les premières victimes de nombreuses familles déstructurées, elles sont les premières à vouloir s’en sortir. C’est ce qui remonte du terrain dans plusieurs régions du pays. Elles militent avec courage dans différentes organisations telles que le Muvman Liberasion Fam, SOS Femmes, Chrysalide, Passerelle, pour ne mentionner que quelques-unes ; et aussi au sein de partis politiques. Il est crucial de commencer par reconnaître et valoriser les belles initiatives dont les femmes sont initiatrices et/ou actrices de développement. L’avenir est dans l’empowerment des femmes comme le démontrent de nombreuses initiatives à travers le monde et à Maurice.

Il y encore du chemin à faire pour s’aligner avec les objectifs de développement durable de l’Organisation des Nations unies, dont est signataire Maurice. L’instauration de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes fait partie intégrante de chacun des 17 Objectifs : «Ce n’est qu’en garantissant les droits des femmes et des filles dans l’ensemble des objectifs que nous parviendrons à assurer la justice et l’inclusion, à développer des économies qui bénéficient à toutes et tous et à préserver l’environnement que nous partageons, aujourd’hui et pour les générations futures» (http://www.unwomen.org/fr/news/in-focus/women-and-the-sdgs).

L’avenir au féminin

Il ne faut pas baisser la garde sur les avancées, car elles sont menacées par les forces réactionnaires et intégristes anti-femmes. Sur bien des fronts, les avancées relatives ne doivent pas masquer les inégalités criantes, persistantes, dont, en premier, les inégalités d’accès au travail et de salaires et de revenus. Il y a bien entendu toutes les questions propres aux femmes : grossesse, congé de maternité, infrastructures telles que crèches de proximité, entre autres. La question des filles-mères est d’une brulante actualité.

Les tendances démographiques avec un taux de divorce en hausse et les familles monoparentales qui en résultent posent dorénavant de nouveaux problèmes auxquels il faut réfléchir à des solutions car ce sont les femmes essentiellement qui en portent le fardeau. Allons-y pour une approche intelligente pour de belles avancées qui bénéficieront à la société dans son ensemble. Les ingrédients sont là pour un avenir au féminin, sommes-nous tente de dire !

Cette mobilisation s’inscrit dans le long combat contre la patriarchie dont sont aussi victimes les hommes. Tout projet de société doit tout mettre en œuvre pour réaliser la richesse que porte une révolution féministe en marche.