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On peut laver sa robe mais non sa conscience *
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On peut laver sa robe mais non sa conscience *
Aujourd'hui s’ouvre une commission d’enquête historique. C’est la première fois qu’un(e) président(e) de la République, qui a eu à démissionner après des révélations de la presse, l’express notamment, fera l’objet d’une enquête. Afin de situer s’il y a eu entrave à cette même Constitution qu’Ameenah Gurib-Fakim devait, aurait dû, précisément «uphold».
Ce sera intéressant de suivre si les trois sitting judges (le Puisne Judge Asraf Caunhye et les juges Gaitree Jugessur-Manna et Nirmala Devat) vont pouvoir surfer entre l’Official Secrets Act et la notion d’intérêt public – qui nous avait poussés à faire fi de la Banking Act et à publier, envers et contre tous, les relevés de la carte bancaire Platinum de Mme la présidente ; carte de crédit gracieusement offerte par sieur Àlvaro Sobrinho, s.v.p.
Loin de nous l’intention, ici, de commenter ce qui devrait relever ou non du secret – thème latéral qui a, du reste, préoccupé notre ami KC Ranzé cette semaine – PleaseTurn Over. Mais il est de notre devoir journalistique de préciser notre position : pour nous à l’express, il est clair que les hommes et les femmes publics n’ont plus vraiment de vie privée quand ils sont en fonction, manettes du pouvoir en main, avec des employés-toutous qui font presque tout pour plaire à leurs maîtres et maîtresses. Je sais que c’est contraignant (autant pour eux que pour nous du reste), mais c’est la règle du jeu démocratique. Lorsqu’Ameenah Gurib-Fakim a succombé aux sirènes d’Ivan Collendavelloo ou de Sobrinho, elle a, en toute liberté, fait le choix de sortir de ses laboratoires peuplés de plantes et d’abdiquer une large part de son droit à une vie privée. Les leaders politiques, comme Bill Clinton, François Hollande ou Navin Ramgoolam, en sont devenus conscients au plus fort de leur mandat même si eux n’ont pas eu à démissionner. Les citoyens aussi sont de nos jours plus conscients – avec ou sans Freedom of Information Act.
Lorsque l’express révèle une information que des politiques veulent garder secrète, il y a forcément conflit, tension et représailles. À nos yeux, pourtant, il n’y a pas d’intrusion dans la vie privée. Pour nous, tous les aspects de l’exercice du pouvoir des hommes et femmes doivent être ouverts à l’investigation. C’est, selon notre expérience, le seul moyen en démocratie d’empêcher les abus. Mais les politiques ne sont pas du même avis. Avec le temps et le recul, ils peuvent changer d’avis. Navin Ramgoolam, j’en suis presque convaincu, ne nous tiendra pas/plus rigueur d’avoir évoqué l’affaire Macarena et publié des photos de la soirée-séga chez Nandanee Soornack. Du moins, il nous l’a dit. En Grande-Bretagne, il sait que la règle est connue de tous les politiciens : «Even a public figure is entitled to respect for his privacy, except where circumstances relating to his private life could affect the performance of his duties or public confidence in him or his position.»
À Maurice, nous n’en sommes pas encore là. Ameenah Gurib-Fakim est toujours fâchée et refuse de nous parler. Peut-être qu’un jour elle comprendra qu’on n’a rien contre elle en tant qu’experte en botanie. C’est juste qu’on n’arrive pas à tomber d’accord sur le troublant fait que des fonds occultes de l’Angola financent les achats personnels de celle qui était censée être garante de notre Constitution…
* * *
La guerre contre la mafia. La vraie. Pas celle que nous connaissons déjà et qui sévit depuis des années dans plusieurs de nos institutions (police, barreau, prisons, port, etc.). Pas celle des Mes Jadoo-Jaunbocus, Teeluckdharry et Gulbul, qui ne savent plus s’il faut une Judicial Review ou non, s’il faut sauver leur peau ou celle du MSM ?
Pas celle d’un commissaire de police incapable de suspendre le moindre policier malgré tout ce que contiennent le rapport Lam Shang Leen et ses annexes – Pravind Jugnauth, au contraire, flatte l’ADSU et son chef ; ce qui devrait décourager Hector Tuyau et sa courageuse équipe d’enquêteurs. Pas celle d’un ministre dit mentor qui a refusé la démission d’un parlementaire ayant tué au volant de sa voiture et ayant avoué avoir menti à la police. La guerre, la vraie, pas celle que mènerait ce soi-disant comité interministériel que présidera Pravind Jugnauth pour relire Lam Shang Leen afin de faire passer le temps. Pas non plus, enfin, celle qu’on doit mener contre le financement politique occulte… Par beaucoup de trafiquants/gro palto qui demeurent loin des filets de nos autorités. Still at large…
En attendant que la justice officielle fasse son oeuvre, du moins celle que nous promet un Pravind Jugnauth qui semble déjà dépassé par les actualités, (en attendant le dénouement de la sienne : l’affaire Medpoint au Privy Council), le tribunal de l’opinion publique doit exercer la plus grande vigilance et soutenir le juste et difficile combat initié par la commission Lam Shang Leen, malgré ses limites. Tout n’est pas vraiment perdu à Maurice si l’on arrive à embrayer la marche arrière à temps, c’est-à-dire tout de suite. Le Britannique Somerset Maugham écrivait que dans sa lutte contre l’individu, la société dispose de trois armes : loi, opinion publique et conscience.
Si l’on note des manoeuvres pour ne pas réaliser les promesses de transparence sur lesquelles Lepep avait pourtant été élu, il est hors de question qu’on assiste impuissant aux pourritures qui prennent leur quartier et qui périclitent nos institutions. Au contraire, nous voyons de plus en plus notre rôle comme des lanceurs d’alerte pour un public exaspéré par les dérives et autres excès des politiciens. À défaut de pouvoir influer sur la conscience des gouvernants, nous pouvons, heureusement, agir sur l’opinion publique en faisant remonter des FAITS que le pouvoir, lui, veut étouffer – à tout prix !
* Proverbe persan
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