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Commission drogue: la «cuisine» utilise des parachutes de freinage
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Commission drogue: la «cuisine» utilise des parachutes de freinage
Le rapport Lam Shang Leen (LSL), hautement «damning» pour le pouvoir, a été publié le 27 juillet. Presque trois semaines après, le gouvernement annonce l’institution d’une Task Force pour prendre des mesures suivant la publication du rapport de la commission d’enquête sur la drogue.
Trois semaines déjà de gagné pour le pouvoir. Il est clair qu’on essaie de s’acheter du temps. La Task Force elle-même serait à la base d’un deuxième exercice de buying time. Après tout, quelle crédibilité accorder à cette entité dont tous les membres, à l’exception d’un seul, sont nommés par des hommes politiques au pouvoir ?
Dès le départ, cette instance recèle une grave anomalie. Ce n’est pas le Solicitor-General Dhiren Dabee qui y siège, mais son no2. Craint-on que le brillant avocat Dabee, certainement pas un yes-man, soit un empêcheur de tourner en rond car il s’était opposé à l’octroi d’une licence bancaire à Álvaro Sobrinho ?
Gagner du temps et s’engager dans des manoeuvres de damage control car il serait impératif de neutraliser autant que possible ce rapport dont les conclusions ont dû sans doute consterner les dirigeants gouvernementaux. On a ouvert la boîte à Pandore. Pendant ces trois semaines, quelques initiatives, tant juridiques que politiques, ont bien été menées pour s’attaquer à la crédibilité du rapport et à celle du président lui-même, l’ancien juge Paul Lam Shang Leen.
Parallèlement à l’initiative de Raouf Gulbul et de Roubina Jadoo-Jaunbocus, le gouvernement a institué un comité ministériel sur le rapport. Donc, si quelqu’un s’interrogeait sur ce que fait le gouvernement, la réponse était toute trouvée : laisser travailler le comité ministériel.
Même la police a participé à cette mascarade de gagner du temps. Quand on a interpellé les chefs sur l’action à prendre contre des membres de la force policière qui ont été blâmés dans le rapport LSL, on a répondu qu’on attendait les conclusions de ce comité ministériel.
Or, cette posture de la police va à l’encontre de la Constitution, qui garantit l’indépendance totale du commissaire de police (CP) au niveau de son organisation opérationnelle. Le CP n’est pas supposé recevoir des directives d’hommes politiques. Le ministre de l’Intérieur, responsable de la police, ne peut que discuter des questions de policy avec le CP. Ce dernier doit agir en toute indépendance s’il y a soupçon de violation de la loi de la part d’éléments de la police. C’est ainsi que suivant la publication du rapport Rault en 1986, sous le Primeministership de sir Anerood Jugnauth (SAJ), plusieurs officiers de police, qui avaient été dénoncés comme complices des trafiquants de drogue, avaient été suspendus en attendant d’autres mesures.
Le CP ne devrait pas attendre des directives formulées par le comité ministériel pour agir. Il n’est pas supposé attendre des instructions des politiciens. Quand il a enfin agi, il n’a fait que transférer les éléments blâmés, d’un département à un autre. En 1986, SAJ avait réussi à impressionner l’opinion publique quant à sa détermination à éliminer la mafia de la drogue. Cela fut un facteur positif qui l’aida à remporter les élections générales de 1987.
En 2018, l’exercice de buying time contraste singulièrement avec le style Anerood Jugnauth de 1986. L’idée de mettre sur pied un comité ministériel pourrait être perçue comme une manoeuvre visant à réduire l’impact psychologique de la publication du rapport LSL. Ce fut d’ailleurs le premier parachute de freinage qui fut déployé. Comme on le fait pour ralentir des appareils aériens atterrissant sur un porte-avions ou les dragsters sur des pistes de courses automobiles.
On déploie maintenant un deuxième parachute, avec l’institution de la Task Force. Or, un tel comité ne pourrait agir vite car il faudrait bien que les membres consultent leur agenda respectif avant de trouver une date commune pour chaque réunion. Pourtant, il aurait suffi que deux hommes, qui font partie de cette instance, se mettent au travail en toute indépendance, sans subir des entraves.
Il s’agit du directeur-général de l’ICAC, Navin Beekarry, un professionnel d’expérience, certes critiqué, et de Sudhamo Lal, qui a fait de la MRA l’une des institutions les plus efficaces et performantes du pays. Ils sont capables, chacun à partir de son institution, de recueillir toutes les données sur les individus pointés du doigt dans le rapport LSL et d’entreprendre des poursuites nécessaires après avoir fourni au Directeur des poursuites publiques toutes les preuves d’incrimination.
La MRA, pour sa part, dispose de tous les pouvoirs pour amener les fraudeurs à l’impôt, ou des gens ayant amassé des fortunes, à s’acquitter de leurs redevances et à s’exposer aussi à diverses autres sanctions. Contrairement à la situation qui prévalait en 1986, des sommes colossales sont en jeu en 2018.
Si le gouvernement de 1986 ne manqua pas d’audace et de détermination pour prendre des mesures énergiques pour combatte les trafiquants de drogue, celui de 2018 est plus actif au niveau de la rhétorique. Depuis deux ans, on entend ad nauseam des expressions du genre «sans pitié contre les trafiquants de drogue» et «casser les reins de la mafia». Gianchand Dewdanee, momentanément privé d’accès aux camarons, brède-songe, homards, ourite, chevrettes-la-rivière, sacréchien et autres produits exotiques de grande valeur, doit sûrement rire sous cape en entendant de telles professions de foi.
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