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Améliorer notre democratie: la responsabilité citoyenne

2 septembre 2018, 08:08

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Améliorer notre democratie: la responsabilité citoyenne

La démocratie ne doit pas être seulement l’affaire des politiciens, mais doit SURTOUT être l’affaire des citoyens. C’est évident quand on y pense, mais on n’y pense pas assez justement et on laisse alors trop de choses entre les mains de ceux qui font de la politique. C’est sûrement plus confortable pour l’électeur, mais c’est aussi une forme de démission. Car, LEURS INTÉRÊTS de politiciens, trop souvent occupés à protéger leurs intérêts personnels ou leurs intérêts de parti plutôt que ceux du pays et de ses habitants, SONT DIFFÉRENTS ET DIVERGENT MÊME de ceux des citoyens, si on leur file trop de marges de manœuvre !

Thurgood Marshall, avocat pour les droits civiques et le premier Afro-américain nommé à la Cour suprême des États-Unis en 1967, implorait, à cet effet, ses concitoyens, comme suit :

«La où vous voyez quelque chose qui ne va pas, comme une inégalité ou une injustice, parlez-en, fort, parce que ceci est VOTRE pays ! Ceci est VOTRE démocratie aussi ! Construisez-la. Protégez-la. Pour pouvoir la léguer à vos enfants !» Et il aurait pu avoir ajouté : «Sans rougir ! Sans avoir honte de n’avoir pas assez fait !»

La démocratie, à la base, est une façon de garantir une voix au peuple et à ses aspirations communes. Notez l’accent mis sur le mot «communes» ! Trop de citoyens pensent que la démocratie se résume à aller dans des meetings, agiter des pavillons, demander une faveur et voter tous les 5 ans. Les élections, c’est souvent seulement le côté spectacle. C’est le moment où nous votons pour nos représentants au Parlement et c’est ce qui est privilégié comme le plus important par les politiciens, parce qu’ils veulent gagner, aller (ou rester) à l’Assemblée, gagner un salaire, ou un poste de ministre ou de PPS, voyager, toucher des per diem, acheter une voiture duty free et «grimper» dans l’estime des gens. Ils y investissent d’ailleurs, de manière non transparente, des centaines de millions ! Pourquoi, vous croyez ? Être ministre, cela me paraît être difficile et plutôt stressant ! Pourquoi donc veulent-ils du job, encore et encore ? Les élections, c’est le moment où les promesses fusent, où l’on promet de changer nos vies en 100 jours, où les programmes suintent de bons sentiments et de promesses de toutes sortes. Cependant, entre deux élections, ils sont moins motivés et ils le resteront si le citoyen électeur ne s’engage pas plus à les lui rappeler… !

Ils ne sont pas tous pareils, mais leur pacte avec le diable est en fait souvent avec l’électeur : votez pour moi et vous aurez votre «boutte» pendant que je me servirais le mien. Ce pacte est un mensonge et il est globalement impossible parce que l’électeur a des intérêts étroits, souvent personnels et qu’à chaque fois qu’un de ceux-là est assouvi par faveur, il y a généralement 10 ou 100 autres électeurs pas contents et déçus. Ce pacte, il est donc mathématiquement intenable. On pourrait même arguer qu’il aide à la défaite électorale ! En plus, il souille et rabaisse les comportements, voire la mentalité même de la population à tout soupeser sur la base du «Qu’est ce qu’il y a pour MOI» plutôt que d’un «Qu’est ce qui est bien pour NOUS…» et donc pour le PAYS, ce dernier souci se retrouvant dans le manifeste électoral, toujours publié très tard et invariablement pas respecté dans sa totalité !

L’argument communal plutôt que national est évidemment un autre leurre pour l’électeur. Un ministre de ma communauté ne pourra jamais s’occuper de moi, comme de tous les autres membres de ma communauté (qu’est-elle, en fait ?) de manière équitable, sauf si je suis juif (ils sont 43) ou bahaï (ils sont 645) ! Le citoyen engagé est là pour rappeler à ceux se disant représentants de tribus divers d’abord, leurs obligations envers le bien commun et le principe d’équité…

La pratique des «bouttes» se fait, de toute manière, toujours aux dépens du bien national commun. Un contrat de drains à un protégé qui construit n’importe comment, c’est un problème commun qui ne se règle pas. Des centaines d’emplois pour des parents, amis ou connaissances plutôt qu’aux plus méritants, handicapent la productivité, rendent cyniques les méritants ou les poussent à émigrer.

La démocratie n’est pas une manière de garantir ou d’obtenir des avantages personnels, mais doit plutôt être vue comme un moyen de mettre les citoyens mieux en contrôle ou de s’assurer qu’ils soient plus écoutés par rapport à ce qui se passe au pays, pour le bien commun. C’est là où la démocratie mauricienne est vraiment un peu primaire. Manifester pour ses droits comme les LGBT ou pour être réembauché à la CWA, ou parce que sa communauté n’est plus présente sur un billet de banque ou encore pour que son salaire soit relevé, reste égoïste, ou au moins clanique. C’est un geste de démocratie pour sûr, mais c’est un geste incomplet et potentiellement exclusionniste.

Imaginez si on pouvait organiser une journée de manif pour TOUS CEUX qui désireraient voir asphalter/ réasphalter la route devant chez eux, PARTOUT dans le pays, en même temps. Imaginez si au lieu de protester contre le dumping illégal d’ordures près de sa maison, on pouvait organiser une manif de TOUTES les personnes concernées par cette même question et qu’elles transportaient leurs ordures symboliquement devant le ministère des Administrations régionales, ce jour-là. Imaginez la puissance de réunir TOUS les chômeurs en un lieu visible ou sur un site internet COMMUN. Ça aurait au moins le mérite de faire bouger et faire régler des problèmes de manière systémique… et commune.

Il y a des questions plus pointues, plus difficiles. La plupart des citoyens ne se sentiraient pas concernés par le choix du gaz plutôt que du charbon pour produire de l’électricité, mais dans une démocratie qui marche, TOUS les citoyens qui ont quelque chose à dire sur la question devraient pouvoir se réunir et s’exprimer de manière structurée et ne pas laisser la voie libre aux seuls technocrates du gouvernement. Il faudrait suffisamment d’engagement citoyen pour que l’on vienne systématiquement nous expliquer les grands projets et que l’on puisse poser des questions, en toute bonne foi. Il ne faut pas se contenter d’un cours magistral à la télé…

Ne pas s’engager en démocratie c’est donner aux politiciens TROP de pouvoir pour faire des bêtises de toutes sortes EN NOTRE NOM, alors qu’ils ne sont définitivement pas Superman. Il faut qu’ils se sentent surveillés ! Il faut qu’ils sachent qu’ils n’ont qu’un mandat temporaire de nous ! Il faut en plus qu’un maximum de citoyens s’informe correctement pour pouvoir s’engager de manière aussi fiable et respectée que possible.

Car comme le dit Amin Maalouf, «s’accommoder de l’ignorance, c’est renier la démocratie. C’est la réduire à un simulacre». On en est là aujourd’hui dans notre pays. Il faut surmonter nos peurs et se faire entendre de manière raisonnée et pour l’intérêt national. Et, ne sombrons surtout jamais dans le cynisme, comme Georges Bernard Shaw qui soumettait : «Qu’à la nomination corrompue (du système royal), la démocratie substitue l’élection par une masse incompétente»… Ce serait désespérant !

(L’essentiel de cet article a fait partie d’une présentation, mercredi, lors d’un forum du groupe «Smart Citizens», à Rose-Hill, et intitulé «Réinventer notre démocratie»)