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Mal policier: causes et conséquences

12 septembre 2018, 07:31

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Il s’avère parfois difficile de distinguer la cause de la conséquence. Pourquoi avons-nous l’impression que l’uniforme de la police est de moins en moins respecté ? Est-ce à cause d’une société décadente et de dysfonctionnements politiques ou plutôt la conséquence de ceux-ci ? Plusieurs études insistent que les bavures policières ou celles du public contre les policiers ne résulteraient pas tant de comportements plus ou moins pathologiques que de l’organisation de la société et du (dys)fonctionnement même de la police.

D’abord la cause première de la débandade de la force : l’exécutif ne respecte pas les institutions et a une mainmise sur la police même si la Constitution garantit l’indépendance du commissaire de police. Si au sommet de la pyramide, il y a un flou quant au donneur d’ordre, il est manifeste que le désordre va s’installer.

Alors que nous célébrons le premier anniversaire du Yerrigadoogate, affaire révélée le 11 septembre 2017, il importe de souligner que si l’ancien Attorney General a eu à démissionner devant les faits mis en avant par l’express, Ravi Yerrigadoo n’a toujours pas été interrogé par la police ou par l’ICAC malgré tous les éléments versés contre lui. Sa maison n’a pas été perquisitionnée, contrairement aux nôtres. Le voisin de Ravi Yerrigadoo, Sylvio Sundanum, n’a pas été interrogé non plus. Encore moins interpellé. Même chose pour Me Dick Kwan Tat. Le plus révoltant doit bien être la protection policière dont semble jouir le self-confessed swindler Husein Abdool Rahim, qui a essayé, en vain, de retourner sa veste et l’opinion publique, avec l’aide complice d’une radio privée, pour tenter un impossible cover up afin que Yerrigadoo retrouve sa place au conseil des ministres. Impossible car tous les faits et documents sont là. Têtus. Indéniables.

Après avoir essayé de nous arrêter, la police, aujourd’hui, ne semble aucunement pressée de boucler le dossier Yerrigadoo. Trois jours dans les locaux de la Central CID, alors qu’Ivan Collendavelloo assurait l’intérim au PMO, nous ont permis de constater à quel point certains policiers attendent les directives de l’hôtel du gouvernement afin d’orienter une enquête, dans un sens ou un autre. Estce parce que des politiciens font pression sur les policiers en brandissant la carotte (promotion, stages à l’étranger, VIPSU, etc.) et le bâton (transferts punitifs/mise au garage de la SSU ou de la SMF), sans que le CP puisse dire le moindre mot, que la police a perdu une bonne partie du respect dont elle jouissait jadis ?

Ou plutôt la conséquence d’une société qui ne respecte plus rien ? Est-ce parce que la société est en décadence que l’image de la police est aussi entachée car les policiers sont eux-mêmes des produits sociétaux ? Est-ce parce que la politique infiltre, telle une mafia, toutes les institutions et qu’elle dicte tout qu’un haut gradé comme l’ASP Luchan ne voit aucun problème à prendre part aux discussions internes du comité central du parti au pouvoir ?

En Afrique, il est connu que la police n’est autre que le reflet de la société. Elle représente l’ordre ou le désordre public. Le manque de leadership politique ; le manque de dotations, le détournement de celles-ci et la situation socioéconomique d’un pays impactent sa police et dégradent la valeur symbolique de l’uniforme.

La bonne tenue du policier contribue durablement à l’image de la force. Des motards qui mentent, sous serment, pour piéger un automobiliste, mais qui n’écopent d’aucune sanction de leur hiérarchie, vont certainement récidiver. Les circonstances des faits autour des incidents de Goodlands entre jeunes et policiers sont difficiles à éclaircir et ne permettent pas de parvenir à des conclusions tranchées relatives aux responsabilités des uns et des autres.

On le disait récemment : fanfare, uniformes d’apparat, discours élogieux, tout cela ne fait pas briller l’uniforme. Derrière les feux d’artifice et les sourires factices, il y a un découragement qui règne aux Casernes centrales. Beaucoup confient devoir faire un deuxième job pour joindre les deux bouts...

Du coup, l’indiscipline et la division ont gagné les rangs de la police. Comme en attestent les nombreux cas liés surtout au trafic de drogue qui sont remontés à la surface dans le rapport Lam Shang Leen.

Il y a, au final, plusieurs sources et conséquences au mal policier. Mario Nobin sait très bien que la hiérarchie n’est plus respectée. Mais il n’y peut rien. La police est plus que jamais au service des occupants de l’hôtel du gouvernement, utilisée comme un outil de répression contre les opposants au régime, dont des journalistes, ou pour exécuter des missions secrètes. Par exemple, quand Navind Kistnah avait été intercepté par Interpol au Mozambique, c’est l’ASP Deeal (du bureau du Premier ministre) qui est parti l’interroger en catimini. Nobin, apparemment, n’était même pas au courant de cette mission secrète. Encore moins l’ADSU. Quelle a bien pu être la teneur des discussions entre Kistnah et l’ASP Deeal ? Ces discussions autour de la saisie record d’héroïne sont cruciales pour comprendre le modus operandi de Peroomal Veeren et de ses complices et bailleurs de fonds. Même la commission Lam Shang Leen semble avoir fermé les yeux sur la mission secrète de l’ASP Deeal à Maputo. Pourquoi a-t-on promis le statut de «State Witness» à Kistnah ? Chercherait-on à protéger quelqu’un ? Pourquoi après plus de 15 mois, Navind Kistnah demeure dans une police cell alors que la procédure voudrait qu’il soit transféré ailleurs… ?