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Ubérisation ou la fin des lobbies réactionnaires

20 octobre 2018, 07:05

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C’est manifeste. Maurice est dirigée par un PM et un gouvernement faibles, qui craignent de prendre des mesures courageuses susceptibles de faire progresser notre pays et de nous projeter dans le futur. Face à un tel gouvernement, le moindre lobby réactionnaire de n’importe quel tartempion qui fait surface devient plus fort qu’il ne l’est réellement. Nous faisons alors du surplace quand nous ne reculons pas. Une situation qui contredit les promesses électorales.

Même s’ils partagent le même patronyme, il existe une différence fondamentale entre sir Anerood, qui n’a que faire de son image et de la vulgarité de ses propos, et son fils Pravind, qui demeure un pur produit de com, aseptisé, dont les derniers discours – par exemple sur «comment infuser le thé» ou «garder son épouse» – sont éloignés des préoccupations réelles des Mauriciens qui veulent moins de népotisme et de corruption, et davantage de transparence et de modernité. C’est pour cela que nos dirigeants actuels, au mieux, n’arrivent pas à susciter l’adhésion du public et, au pire, s’attirent tous les quolibets possibles.

Ayant en ligne de mire le procès MedPoint et les prochaines législatives, le gouvernement Lepep, fragilisé par la série ininterrompue de scandales, et le départ du PMSD dans le sillage du dangereux Prosecution Commission Bill, s’avère incapable d’entreprendre des réformes pouvant faire grimper la croissance et muer Maurice en une économie à haut revenu. Avec un seul et dernier Budget dans sa sacoche, il ne faut pas s’attendre que Pravind Jugnauth, qui va briguer, pour la première fois de sa vie, le poste de PM, se transforme en un PM qui bousculera les traditions et coutumes. Au contraire, au détriment de la relance économique, il va claironner l’augmentation de la pension de vieillesse, vanter l’élargissement de l’espace démocratique en octroyant trois nouvelles chaînes de radio (tout en conservant le monopole sur la télévision) et chanter les louanges de tous les socioculturels du pays, faisant ainsi fi de la consigne de son père de ne plus prendre la parole sur les plateformes religieuses et sectaires.

Il y a plusieurs exemples concrets qui indiquent que l’intérêt des Mauriciens passe après celui des politiciens au pouvoir et de leur garde rapprochée qui ne se prive pas pour s’en mettre plein les poches. Dernier exemple en date : Uber. Alors que nous, consommateurs, avons tout à gagner avec un tel modèle économique, soit un système de transport à la fois moderne et transparent, qui aurait pu complémenter le Metro Express, le gouvernement choisit d’embrayer la marche-arrière face aux lobbies rétrogrades. Si le gouvernement Lepep a fait pas mal de concessions aux compagnies d’autobus afin qu’elles acceptent le projet de métro, il se met, cette fois-ci, à dos tous les Mauriciens qui ont utilisé et apprécié le service d’Uber à l’étranger, dont nos nombreux jeunes qui y étudient. À bien voir : la logique qui interdit l’implantation d’Uber est la même qui décourage tant de nos jeunes à rentrer au bercail après leurs études.

En Europe, aux States et en Asie, Uber est devenue, en peu de temps, l’une des plateformes numériques les plus utilisées et les plus appréciées. Bien entendu, il y a eu des grincements de dents, mais ceux-ci ont été contenus et le grand public est sorti gagnant de la fin du monopole des taxis. Ce qui est formidable avec Uber, c’est que cette technologie de mise en contact permet des gains d’efficience. Grâce à la géolocalisation, les clients potentiels sont mis en contact avec des chauffeurs et vice versa. C’est du gagnantgagnant. On peut aller encore plus loin : UberPool est un système dérivé qui permet à des passagers qui ne se connaissent pas mais qui vont vers la même destination de cofinancer le voyage. Donc, les gains sont à la fois économiques et écologiques.

Uber est devenue tellement populaire dans des sociétés modernes qu’elle a légué un néologisme : ubérisation (qui fait partie de l’économie collaborative). Ce terme, inventé par le publiciste Maurice Lévy, à la mode dans les capitales d’ailleurs, signifie le processus par lequel un modèle économique basé sur les technologies digitales entre en concurrence directe avec les usages de l’économie traditionnelle. L’ubérisation repose principalement sur la constitution de plates-formes numériques qui mettent en relation directe prestataires et demandeurs, ainsi que sur des applications dédiées qui exploitent la réactivité en temps réel de l’Internet mobile.

L’ubérisation qui, pour exister, doit se défaire des réactionnaires, désigne la nouvelle concurrence qui s’installe dans un contexte déjà difficile pour les acteurs historiques. Ainsi, on dit que le secteur de l’hôtellerie se fait «ubériser» par Airbnb – concept qui réviolutionne l’hôtellerie. Le processus d’ubérisation va certes générer des bouleversements sociétaux tant à court terme qu’à long terme. Le hic : c'est que nos politiciens court-termistes, pour grapiller quelques votes, vont court-circuiter le progrès, au détriment du bien-commun…