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Pas encore le Cameroun !

27 octobre 2018, 06:59

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Nous nous enorgueillissons d’être parmi les meilleurs élèves africains en termes de démocratie. C’est sûrement vrai dans une large mesure même si le terme «démocratie» demeure à géométrie variable. Si l’absolutisme de Lepep ne s’est pas (encore) totalement mué en régime autoritaire comme celui du Tchad, de la République centrafricaine, ou du Cameroun, cela ne signifie pas qu’on soit, pour autant, à l’abri des dérives pouvoiristes grandissantes, à mesure que s’approchent les prochaines législatives.

Tout est en fait relatif. La longévité des dynasties, comme le verre à demivide, ou, au choix, à moitié rempli. À Maurice, depuis 1968, nous avons connu 28 ans de règne des deux Ramgoolam et 23 ans sous le régime des deux Jugnauth. Aux dernières nouvelles, les deux fils vont encore s’affronter lors des prochaines législtatives. Un combat à coupe-gorge qui laisse peu de place aux autres acteurs. Les pessimistes vont se plaindre de cette main-mise des deux dynasties, alors que les optimistes se disent soulagés que Navin Ramgoolam n’ait pas de fils pouvant épouser l’une des trois filles de son rival. Vous imaginez une troisième génération de Ramgoolam ou de Jugnauth ? Ou les deux noms combinés, trait-d’unionés…

Quel que soit le pouvoir en place, l’on nous reproche souvent d’être un peu trop critique, dans nos écrits, par rapport à l’absence de limitation du mandat de PM ; au poids trop important de l’ethnicité au détriment de la méritocratie, au népotisme, au transfugisme, au système électoral inique que nous ont légué les Britanniques, au design artificiel de nos circonscriptions, au financement politique occulte et au manque de transparence du gouvernement, etc.

Étant incapables de nous contrôler, les cercles du pouvoir désapprouvent notre tendance à critiquer notre parcours de décolonisation ainsi que notre niveau de développement économique qui sont, par ailleurs, brandis, en exemple, en Afrique par bien des organisations internationales, souvent en quête de modèles et de classements. Mais au royaume des aveugles, devraiton célébrer le fait qu’on soit borgne, d’autant que la MBC et d’autres médias font, déjà, ad nauseam, ce travail ? Ou devrions-nous, plutôt, essayer d’utiliser nos deux yeux critiques afin de voir plus clair, plus large ?

Si nous n’ouvrons pas l’autre oeil, alors que le monde s’adapte à la réalité virtuelle avec des casques dignes de Star Trek, nous allons finir par devenir comme nombre de nos voisins du continent, où les patronymes et dynasties forts dictent leur loi, et persécutent les journalistes indépendants et les cyber-activistes. Par exemple, on pourrait glisser, glisser pour devenir le Cameroun, où la vie politique est tellement sclérosée que la majorité s’y complaît. Est-ce par fatalisme ? Ou par peur de provoquer le changement à tous les niveaux ? Rendez-vous compte : le président autoritaire Paul Biya, du haut de ses 85 ans, dont pas moins de 35 au pouvoir, vient d’être réélu pour un… septième mandat avec 71,28 % des voix. Cette longévité politique pourrait, à tort, conforter les deux dynasties qui nous gouvernent et leurs suiveurs. Ils pourraient croire qu’ils ont encore de la marge tant qu’ils arrivent à réduire au silence la dissidence qui s’organise sur la Toile… Et qui a fait tomber bien des régimes.