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Divali politique et autres discours populistes

30 octobre 2018, 07:54

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Gare à l’overdose de discours et de gâteaux sirupeux. Les Divali Nites vont s’enchaîner à un rythme infernal jusqu’à la mi-novembre. Le coup d’envoi a été donné, durant le week-end, par Pravind Jugnauth, qui succombe mollement aux invitations des lobbies sectaires. Du coup, il troque son costume (trop grand pour lui) de Premier ministre pour enfiler celui (bien plus étriqué) de leader du MSM. Et il lance, sur les conseils des fossoyeurs de l’unité nationale, la campagne électorale sur des bases ethniques. La victoire de Ram sur Rawan est ainsi racontée à toutes les sauces, selon les recettes du Vaish Common Front, de la Hindu House ou celle, encore inconnue, de la Sanatan Dharma Temples Federation qui serait d’allégeance plutôt travailliste…

Que serait Ram (le bien, la lumière) sans Rawan (le mal, ou l’obscurité) ? Mais d’abord qui est ce fameux Rawan tant invoqué par Pravind Jugnauth ou Navin Ramgoolam ? Il y a une dizaine d’années, un responsable de la Mauritius Sanatan Dharma Temples Federation, en l’occurrence l’Acharya Mohan Prasad Saklani, nous expliquait que, contrairement à la pensée populaire, Rawan, même s’il existe des temples en son honneur en Inde, ne représente pas une divinité, mais un fin érudit ou tacticien. Sans lui, il n’y aurait pas eu Ram. Alors que Jugnauth critique Ramgoolam, et que Ramgoolam va en faire de même contre Jugnauth sur l’autel du Divali, il est peut-être temps de prendre du recul et de penser les discours de circonstance et de se repenser. Si l’hommage du 2 novembre aux Indentured Labourers constitue un match d’échauffement, les multiples représentations du Divali à travers l’île sont, à environ une année des prochaines législatives, ni plus ni moins des matchs de qualification pour les aspirants joueurs (candidats) des partis politiques.

Paradoxalement, alors qu’on se doit de célébrer l’unité des Mauriciens autour d’une fête qui consacre le partage, ne voilà-t-il pas que les démons du communalisme se réveillent et s’organisent en fonction des besoins des leaders politiques et de leur agenda (par exemple, par rapport au recensement ethnique, au profil des circonscriptions, ou carrément la réforme électorale tant promise). Si Pravind Jugnauth se prend pour Ram, ou au choix pour Rawan, le peuple pourrait le sanctionner ou le plébisciter bientôt. En revanche, on ne peut pas tolérer, au sein d’une République, que des chefs religieux (de l’Église, entre autres) ou des représentants des lobbies sectaires (comme ceux de la Hindu House) viennent dicter les orientations gouvernementales sur, par exemple, le recensement ethnique, en faisant enflammer le sujet, comme s’il fallait, à tout prix, allumer une mèche devant les moutons pieusement rassemblés…

À l’express, nous avons souligné les failles de notre système électoral inique mais nous sommes d’avis que ces failles doivent faire l’objet d’une consultation nationale. Les changements préconisés devraient, idéalement, être validés par des élections générales, sinon un référendum au préalable – non pas durant les Divali Nites.

Alors que se profilent les prochaines législatives, il faut calmer les ardeurs de tous les pyromanes sectaires. Expliquez-moi pourquoi, en 2018, nous avons toujours besoin d’un Vaish Common Front ? Un front contre qui ? Ou contre quoi ? Est-ce acceptable qu’un Premier ministre, qui se prétend moderne et qui utilise un langage d’unité, accepte de se pavaner sur une plate-forme aussi divisionniste ? Alors que le Divali est largement devenu une fête nationale, pourquoi devrait-on compartimenter les célébrations en fonction des intérêts politiciens ? «When the Prime minister of Mauritius gives succour to extremists and builds an electoral strategy based on winning the support of specific individuals or groups who are prepared to eulogise him on the MBC or assemble crowds for photo-ops and he does not care what these individuals or groups actually represent and how they threaten national unity for their own selfish interests, he is jeopardising the unity of the nation», me faisait remarquer, hier, un fin observateur de la société mauricienne.

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Adieu le socialisme, place à l’ultralibéralisme de l’extrême droite. Le Brésil s’est mué en un laboratoire qui pourrait expliquer bien des changements à l’échelle mondiale. Depuis dimanche, Jair Bolsonaro est devenu président avec 55 % des voix – un phénomène que l’on compare à l’élection de Donald Trump (voir en page12) . Du coup, Bolsonaro n’est plus ce politicien méprisé par ses pairs et la presse, devenu notoire pour ses outrances et sa vulgarité. Il aura à enfiler le costume d’un homme d’État, devenant le sauveur d’un Brésil (qu’il dit défendre contre la menace «communiste», la «perversité» et «la corruption» du monde moderne). Hé oui, le représentant de l’extrême droite, nostalgique de la lutte militaire, a remporté la bataille, en dépit de ses discours raciste, homophobe et misogyne. Les observateurs expliquent qu’il a su séduire le Brésilien moyen. « Jair Bolsonaro est brut, sec. Il dit des gros mots et se montre agressif sur la forme. Il représente le Brésilien moyen qui, comme lui, s’indigne de la situation du pays», résume la presse internationale. La victoire de Bolsonaro confirme une dangereuse tendance de la politique internationale : de plus en plus de partis de la droite dure, vite rassemblés sous l’étiquette inoffensive de «populiste», prennent le pouvoir et représentent de véritables catastrophes environnementales. La feuille de route de Bolsonaro a de quoi donner du tracas : sortie de l’accord de Paris, démantèlement pur et simple du ministère de l’Environnement dont les prérogatives migreraient vers celui de l’Agriculture, «développement» de l’Amazonie à coups d’autoroutes, de barrages, de déforestation… Bolsonaro vient en fait renforcer l’équipe de climatosceptiques : de Donald Trump à Scott Morrison, Alexander Gauland, Boris Johnson, Jacob Rees, ou Nigel Farage… c’est clair que ça va chauffer davantage à travers le monde !