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Soulèvements
Ils portent le même gilet jaune de contestation. Mais les révoltés du système sont pluriels, et porteurs de causes et de colère diverses. C’est ainsi que nous les décrivent nos journalistes Karen Walter et Anne-Lise Mestry, qui sont parties à la rencontre des gilets jaunes.
Ayant traversé les bagarres raciales des années 60 et les émeutes Kaya de 1999, l’express tente de cerner le soulèvement populaire de nos voisins réunionnais, dans une tentative de comprendre si les révoltes, qu’elles soient d’hier ou d’aujourd’hui, d’ailleurs ou ici à Maurice, réunissent-elles toujours les mêmes facteurs déclenchants ?
L’histoire démontre qu’une révolte peut naître à partir de plusieurs facteurs, dont la légitimité politique du pouvoir en place, ici celui de Macron, qui n’est pas reconnu dans la rue. Les gilets jaunes estiment de ce fait que la révolte est la seule voie pour se faire entendre.
Mais une révolte, c’est aussi de la violence, de celle qui en profite, comme les casseurs. Ces derniers sont nuisibles et peuvent tuer dans l’oeuf un mouvement social. C’est bien pour cela que les gilets jaunes authentiques avec qui nous avons discuté ont tendance à disqualifier les révoltés et leurs actions. Ces «racailles» ou «cagnards» sont dénoncés par le mouvement des gilets jaunes, sur les réseaux sociaux. «Ils mettent La Réunion dans le chaos par désoeuvrement et surtout par bêtise dans une inconscience totale.»
Heureusement que la révolte que nous voyons à l’île soeur entend rester pacifiste dans le fond. Elle répond, selon les témoignages recueillis hier, à la notion d’intérêt général et pousse surtout vers une refonte politique. Économistes libéraux et altermondialistes se tiennent par la main à St-Denis, pour vous dire que sous le chapiteau des contestations, c’est vraiment une grand-messe.
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Pour placer les gilets jaunes dans leur contexte, ils font partie d’un monde agité, qui traverse une période de bouleversements et d’incertitudes en Europe, aux States, en Inde, en Chine, au Brésil, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, etc. Beaucoup de sociologues et de journalistes observent cette période de contradictions qui structurent alors le champ des possibles : «Face aux horizons qui semblent bouchés, l’avenir n’est pas prédéterminé (…). Plein d’interrogations portent sur les formes du politique, sur les rapports entre les peuples, les mouvements et les partis…»
À partir de 2008, les signes d’une crise du capitalisme s’imposent. Et depuis 2011, des soulèvements divers illustrent l’exaspération insurrectionnelle des peuples. Il ne fait pas de doute que les causes de la colère de la rue ont un soubassement quasi similaire. Mais, souvent, les soulèvements partent de questions inattendues et se prolongent car ils se raccordent à un nouveau cycle de luttes et de révolutions, entamé depuis 2011. Souvenons-nous du printemps arabe qui avait éclaté à Tunis, avant de se répandre à l’Égypte et au Moyen-Orient, avant de traverser la Méditerranée et de se propager, sous des formes diverses, en Europe du Sud, en Espagne, au Portugal, en Grèce. Par la suite, nous avons vu, aux States et en Europe, les «occupy» Wall Street, London, Montréal, Chili, Sénégal, Turquie, Mexique, Hong Kong…
Dans tous les mouvements, outre la protestation contre la baisse du pouvoir d'achat (voir l'édito 'Gilets jaunes, rage verte'), une revendication s’affirme : le rejet de la corruption des élites. Le pouvoir économique et le pouvoir politique sont devenus les malaimés. Car de plus en plus estiment qu’ils sont responsables du pillage ou gaspillage des fonds publics, de l’affairisme et du népotisme... Le 17 décembre 2010, le marchand de rue Mohamed Bouazizi s’immole en Tunisie. Et depuis, tous les dirigeants le savent : la rue, avec sa spontanéité, peut se soulever et balayer tous les pouvoirs…
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