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23 décembre 2018, 08:29

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Dans mon courrier, j’ai trouvé à mon retour au pays, (merci !) le dernier numéro (décembre 2018) de GNews, la publication officielle du gouvernement qui est présentée comme un «outil d’information et aussi un cahier dédié aux actions, mesures et progrès accomplis en matière de projets et développements de décembre 2014 à ce jour».

La date de décembre 2014 dit clairement que cette publication a un but de politique partisane, puisqu’elle ne résume que le bilan du gouvernement en fonction et l’on pourrait donc s’étonner que cette publication soit imprimée par le Government Printing Department, c.-à-d. avec l’argent du contribuable. Le fait de publier la liste de tous les projets financés par la National Development Unit (NDU), circonscription par circonscription, plutôt que district par district, confirme l’inspiration de base de ce document. 1 429 projets achevés, plus 639 autres déjà mis en chantier par la NDU, essentiellement de l’asphalte et des drains, ça impressionne, même s’il faut y inclure le «retaining wall near Mr Lam To’s house» (projet no 81, complété, circonscription no 1), le «fixing of handrails at Ambroisine st, Port Louis (near frozen fish)(projet no 74, ongoing, circonscription no 3) ou la construction ou le ré-asphaltage, belle ironie, de SIX routes SSR différentes dans la circonscription no 7, dont l’«extension towards Ramsamy and Koonkoon» à Plaines-des-Papayes (projet no 440, complété, circonscription no 7). Il y a 703 projets de drains au total, à ce jour ! La circonscription la plus nécessiteuse (chanceuse ?) est la no 7, avec 63 projets distincts, suivi de 50 au no 13. On corrige les erreurs du passé, les permis trop faciles… espérons que ça draine mieux en conséquence : c’est la saison des pluies !

Ladite publication a une bien belle maquette, est utile à bien des égards et mériterait d’être maintenue comme publication, mettons annuellement, ne seraitce que pour agir comme point de chute central pour les projets de développement qui se concrétisent ou qui s’envisagent dans le pays et donc d’informer de manière consolidée. Un «State of the Nation» des projets annuels, quoi.

Cependant, quelques commentaires ne sont pas, ici, de trop si on veut vraiment informer.

D’abord, soulignons qu’il n’y a pas un grand effort pour différencier les réalisations et les projets en cours de ceux qui sont encore à diverses étapes d’étude. Ceci est important parce que les projets envisagés sont capables de faire valser bien des milliards sous nos yeux, mais ne sont pas toujours concrétisés dans les horizons promis ou espérés. Pensez métro, par exemple ! Ou Terre-Rouge–Verdun qui se retrouve dans deux bilans ! Certains projets ne voient d’ailleurs jamais le jour et doivent alors être rangés sous la colonne «effet d’annonce». Différencier entre le concret et le possible (que l’on pourrait d’ailleurs créditer d’un «lead time» et/ou d’un taux de probabilité de concrétisation éventuelle) serait, on peut le penser, un exercice d’honnêteté intellectuelle valable…

On peut aussi citer l’exemple suivant. Sous un titre évoquant des «investissements massifs dans des projets de tout-à-l’égout», on rappelle que la Waste Water Authority a investi Rs 1,83 milliard entre 2015 et 2018, que Rs 4 milliards seront dépensées dans les 3 prochaines années et que les deux premières phases du Plaines Wilhems Sewerage Project complétées en septembre 2012 et mars 2015 auront déjà coûté Rs 7 milliards. Dans ce cas, le bilan effectif représente moins de 50 % de ce qui reste à faire et moins de 25 % de ce qui a été accompli précédemment… par les autres.

Ensuite, on doit quand même reconnaître qu’alors que la presse écrite couvre la plupart des grands projets du gouvernement, avec un certain accent (c’est son rôle aussi !) sur les difficultés qui y surgissent; GNews, lui, ne se soucie guère des bavures, fait dans le très lisse et crée donc une image plus propagandiste que factuelle. C’est bien dommage ! Un pays ne peut-il pas (ne doit-il pas ?) être adulte et sans fard quand il se regarde dans le miroir ? Assurer que nous avons «rétabli la crédibilité de notre système financier et redynamisé la confiance dans ce secteur» s’appuie sur quoi exactement ? Le cas BAI ? Bastos ? Sobrinho ? La modification de la Banking Act qui désavoue le whistle blower ? S’il y a bien eu un «combat sans relâche» contre la pauvreté absolue, touchant 44 000 personnes dans 12 000 familles grâce au «Plan Marshall», pourquoi occulter ce que cela coûte et ce que cela a généré comme résultats concrets? Dans les mesures «phares» du secteur des services financiers, on parle avec diligence des particuliers qui «pourront obtenir» la citoyenneté mauricienne avec une contribution de 1 million de dollars au Mauritius Sovereign Fund et l’octroi d’un passeport mauricien après un don de $500 000. Ce sont de parfaites surprises ! Pour nous et même pour l’Economic Development Board !

Il ne fait aucun doute que quiconque prend lecture de ce document peut se sentir impressionné à première vue. C’est fait pour, d’ailleurs ! Citons, pêle-mêle : investissements en hausse, chômage en baisse, réserves de devises «record», Maurice 20e sur 190 pays à l’indice «Ease of doing business», le salaire minimum de Rs 9 400, la pension de vieillesse à +71 % en 4 ans, Rs 66,9 milliards d’infrastructures physiques au cours des 3 prochaines années, 176 kilomètres de nouveaux tuyaux posés par la CWA depuis 2014, deux nouvelles écoles, des «performances sans précédents» dans le port (bunkering + 35,9 %, passagers + 29,9 %, conteneurs + 6,9 %), 20 % de touristes et 27 % de recettes en plus entre 2015 et 2018, un hôpital ENT neuf de Rs 4 milliards, etc.

Cependant, si les investissements sont effectivement en hausse, ne sont-ils pas quelque peu trop centrés sur l’immobilier ? D’où va venir la demande pour autant de malls ou de smart cities ? Le chômage ne baisse-t-il pas, au moins en partie, pour des raisons statistiques ? Les réserves de devises ne dépendentelles pas outrageusement de ce qui est comptabilisé au nom de l’offshore – qui reste menacé ? Le salaire minimum est une fabuleuse avancée, mais il faudra pouvoir compenser les emplois qui ne sont plus fiables à ce prix. C’est fait ? 176 kilomètres de nouveaux tuyaux c’est bien, mais cela ne représente que 11% des tuyaux identifiés défectueux et le 24/7 paraît alors lointain. De nouvelles écoles ? Alors que la population estudiantine baisse ? Les performances «sans précédent» du port résultent-ils de nouvelles capacités installées coûteuses (grues, quais etc…) ou de gains d’efficience plus durables; la promesse ayant été d’améliorer le «berth productivity» de 40 à 70 et le nombre de mouvements de conteneurs par grue de 16 à… ? En passant, le site mauport.com est couramment… «blocked by a trojan» ! Ça promet ! Les touristes sont plus nombreux et rapportent plus, mais l’industrie elle-même peut-elle justifier ses investissements vu ses profits ? L’hôpital ENT coûte-t-il 4 milliards (page 9) ou 889 millions (page 39)… ? Les Urbos 100 qui desserviront le métro transporteront-ils 400 passagers ou 307, chiffres respectivement retrouvés en titre et dans le texte de la page 9 ? Et l’endettement ? La productivité ? La balance des comptes courants ?

En publiant ce document, le gouvernement souhaite sans doute maximiser un «feel good factor» en sa faveur. Malheureusement, ce facteur se mesure au niveau strictement individuel et comptabilise inévitablement les débits que les crédits. Et malheureusement aussi, n’est pas Koonkoon… qui veut !