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Dynasties «Made in India»

26 janvier 2019, 07:23

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On se croirait aux Jeux des îles. Sauf que cela ne se passe pas au stade de Côte-d’Or (au no 8) mais en Inde. La délégation mauricienne, quadricolores en main, est allée en masse assister au plongeon de leur champion dans les eaux sacrées du Gange.

Cet acte est censé purifier l’âme et laver tous les péchés à condition d’accomplir, comme il se doit, les ablutions, selon certaines croyances – qui considèrent qu’un bain dans le Gange demeure l’un des actes les plus sacrés de l’hindouisme. S’il n’y avait pas un tel déferlement de photos et d’agitation de la part des délégués mauriciens, qui postent, avec une euphorie un peu suspecte, chaque fait et geste de Pravind Jugnauth sur Facebook, on aurait pu se laisser convaincre que la visite, outre sa dimension diplomatique, avait une visée surtout spirituelle, afin de nettoyer les péchés commis, disons, depuis la prise du pouvoir de 2014. Le Gange est considéré comme une mère. En fait qu’on soit chrétien, bouddhiste, musulman, agnostique, athée, le Gange accueille tout le monde, y compris les condamnés, qui veulent repartir du bon pied. Mais chez nous, avec nos mentalités étriquées, insulaires et divisionnistes, pour être dans l’équipe de Jugnauth, il faut montrer patte orange. Suttyhudeo Tengur l’aura appris à ses dépens.

Pour notre Premier ministre et ses conseillers en com, les images indiennes ambitionnent surtout de trancher avec celles, de la semaine dernière, émanant du Privy Council de Londres, où était entendue l’affaire MedPoint. Y a-t-il un lien entre les deux événements ? Pas vraiment, sauf que le principal concerné dans les deux cas est la même personne.

Et si le Pravasi Bharatiya Divas, à Varanasi, et le Kumbh Mela, à Prayagraj, avaient aussi pour objectif de séduire «Mother India» ; histoire d’avoir la caution requise dans le sillage de l’affrontement programmé entre les dynasties «Vaish», Jugnauth et Ramgoolam, dont les tribulations ont toujours été suivies avec intérêt et, souvent des fois mêmes, arbitrées par New Delhi – El Figaro, en page 12, focalise sur cet aspect.

En attendant le retour au pays du Premier ministre, soulignons que le Conseil des ministres, même si la majorité de ministres se trouvent à Maurice, était en chômage forcé (et non pas technique) hier. Dès lors, il devient manifeste que le MSM des Jugnauth n’entend nullement laisser au minus qu’est le ML toute latitude de présider l’instance suprême de l’exécutif. Ce n’est pas la première fois qu’on fait ce coup-là au soi-disant numéro 2 du gouvernement, nommément Ivan Collendavelloo. Ce n’est plus un secret que le grand amour entre le MSM et le ML a cédé sa place à la pure méfiance dans le sillage du divorce entre Ameenah Gurib-Fakim et Álvaro Sobrinho. À cela est venue s’ajouter la tension entre les Finances et les Services publics dans le sillage de l’achat controversé des turbines à gaz, surtout depuis la note salée de Dev Manraj rappelant aux fonctionnaires travaillant sous Collendavelloo qu’ils doivent se plier aux directives des Finances malgré les consignes ministérielles.

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 Flash-back. Le 20 octobre 2014, dans une lettre émanant du Sun Trust Building, Pravind Jugnauth, qui s’agite alors dans l’opposition, écrit au Premier ministre de l’Inde. En substance, le leader du MSM dit ceci à «Shri Modi Ji» : «I am priviledged to share with you the legitimate concerns of the State and People of Mauritius as regards the signing of a multi-billion rupees contract by the present outgoing Mauritian Government with India’s AFCONS company for a light rail transportation project.»

Dans sa missive, le leader du MSM rappelle que l’Assemblée nationale a été dissoute le 6 octobre 2014, que nous sommes en pleine campagne électorale et que les élections anticipées sont derrière la porte. Et il ajoute ceci : «You will agree with me and with the People of Mauritius that a caretaker and outgoing GM cannot bind our country for such a huge contract for a period spanning over almost half a century. This goes against all principles of good governance and democracy (…)»

On connaît la suite. Lepep des Jugnauth arrache le pouvoir en 2014 (comme Modi). Et le 29 juillet 2016, sous les regards approbateurs des Duval, Collendavelloo et Lutchmeenaraidoo qui, hier, vilipendaient le métro léger du tandem Ramgoolam/ Bachoo, Pravind Jugnauth bombe le torse et nous sort ceci :«For years, the transport strategy of Mauritius has been disconnected from its urban and rural planning strategy. The building of new roads is not in itself a solution to the traffic jam. What Mauritius needs is an affordable new mass transit system along with a network of modern integrated urban terminals (…) Such a project will be a game changer, as it will totally redesign our towns, create new growth poles around the terminals, drastically reduce the commuting time for our citizens, raise productivity, eliminate the inconvenience of traffic congestion, save on our petroleum import bills and significantly cut down pollution. We certainly cannot deny our citizens and future generations the benefits of such a project.»

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Narendra Modi et Pravind Jugnauth ont bien des raisons de prendre un bain purificateur ensemble. La popularité de Modi, comme celle de la défunte alliance Lepep, s’évanouit alors que se profilent les élections générales de 2019.

Après cinq ans de Modi, le peuple de la Grande péninsule envisage de mettre fin au régime populiste nationaliste prôné par Modi – qui, comme le fils Jugnauth, se démène pour s’accrocher au pouvoir, avec l’aide de tous les prêtres, rites et services possibles.

 Modi, porté au pouvoir après les élections générales de mai 2014, n’a pas réussi à se confectionner le costume d’un homme d’État – on lui reproche ses réformes trop brutales ou encore ses propos antimusulmans. Il y a aussi un rejet du BJP de la part des classes agricoles, alors que celles-ci se rangent derrière le challenger de Modi, soit Rahul Gandhi. Oui, il s’agit d’une autre histoire de dynasties Made in India.