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Pravind Jugnauth à l’épreuve de la rue
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Pravind Jugnauth à l’épreuve de la rue
Au moment où les 1 300 employés de Palmar sont jetés sur le pavé, incertains de pouvoir empocher quelques roupies d’indemnités, voilà que la CEO de Landscope Mauritius, Naila Hanoonmanjee, décroche une augmentation de Rs 74 850, portant son package mensuel à Rs 286 000. Elle n’est toutefois pas la seule !
La fille de la Speaker peut crier sur tous les toits qu’elle est académiquement et professionnellement qualifiée pour occuper ce poste et mériter ces rémunérations, ce dont nous ne doutons pas un seul instant. Mais la question est ailleurs ; elle relève d’une perception de népotisme et de passe-droits au sommet de l’État et traduit foncièrement une profonde injustice à l’égard de ceux qui, financièrement fragiles, sont incapables de grimper l’échelle sociale, suspendus, dans le cas de la défunte Palmar, à la rationalité des chiffres et à l’essoufflement d’un secteur malade. Si cette décision, même approuvée par le «board» de Gérard Sanspeur, n’est pas un pied de nez à la détresse humaine de ces 1 300 travailleurs, et même plus à l’avenir, à en croire certains syndicalistes, cela y ressemble étrangement.
Certes, depuis lundi, un nouveau «mood» s’est installé dans le pays à la faveur de la double victoire du MSM, voire du coup double des Jugnauth. Et ce, avec, d’une part, le jugement favorable du Privy Council sur l’affaire MedPoint pour le Premier ministre, et, d’autre part, l’avis consultatif positif de la Cour internationale de justice sur l’excision des Chagos du territoire mauricien par les Britanniques. Une victoire personnelle de Jugnauth père, qui a cru dans ce combat historique pour une décolonisation complète de Maurice.
Sans pour autant diminuer la portée politique et historique de ces deux événements, sachant très bien que la carrière politique de Pravind Jugnauth dépendait dans une certaine mesure du verdict de cinq Law Lords, il ne faut pas pour autant que la liesse populaire qui a envahi le Sun Trust et St-Pierre vienne occulter les urgences auxquelles l’alliance Lepep est confrontée actuellement.
Car il ne faut pas être un grand politologue pour comprendre que les «spin doctors» du bâtiment du Trésor, aidés par les services de propagande de la MBC, vont capitaliser sur le «feel-good factor» de ces deux événements pour faire abstraction d’autres problématiques. Ils ont d’ailleurs déjà commencé…
Du coup, tout en savourant sa victoire personnelle qui lui donne nécessairement une certaine légitimité pour se présenter prochainement aux urnes et demander un nouveau mandat (dixit Plaine-Magnien), Pravind Jugnauth ne doit pas oublier les priorités du moment.
À l’instar de ces 1 300 travailleurs qui se trouvent du jour au lendemain sur le bord de la route, ne sachant à quel saint se vouer et pour qui le jugement favorable des Law Lords ne veut rien dire. Ils recherchent la garantie d’un emploi ou à défaut d’une assistance financière pour que leurs lendemains continuent à chanter.
Et ce n’est certainement pas jouer les oiseaux de mauvais augure que de signaler qu’il y aura d’autres Palmar dans les jours à venir, avec des pressions sociales difficilement gérables pour le gouvernement en l’absence d’une réflexion stratégique sur les nouveaux défis auxquels est confronté le secteur manufacturier, plus particulièrement sa filière textile. Sans doute, faut-il se demander pourquoi ce secteur n’attire plus de nouveaux investissements et que fait concrètement l’Economic Development Board pour rectifier le tir ? Comme il faut demander pourquoi les entreprises publiques subissent des ingérences politiques quasi permanentes d’un régime à l’autre. Et ce ne sont certainement pas les nominés politiques du «board» d’Air Mauritius qui viendront prouver le contraire. Plus de deux semaines après l’annonce de pertes record de Rs 1 milliard, c’est «business as usual» au Paille-en-Queue Court après l’engagement du même «board» de venir avec certaines mesures pour limiter la casse et revoir le «business model».
Ailleurs, une perte de Rs 1 milliard enregistrée par une compagnie d’État cotée en Bourse aurait entraîné la révocation de l’équipe dirigeante. Un message de fermeté qui aurait rassuré les actionnaires. À Maurice, la mauvaise gouvernance est malheureusement interprétée différemment par le gouvernement, chacun au sein du «board» cherchant à faire l’autre porter le chapeau de la déroute financière !
La gestion de la SBM, où l’État est majoritairement actionnaire, ne renvoie pas non plus une image positive, avec la multiplicité de scandales financiers, des prêts non performants couplés à des fraudes, le tout évalué à plusieurs centaines de millions de roupies. Comme MK, à la base, il y a de sérieux manquements aux principes mêmes de la bonne gouvernance avec un «board» où les directeurs indépendants peuvent se compter sur les doigts d’une main.
Requinqué de cette victoire, Pravind Jugnauth, qui briguera un nouveau mandat à la fin de l’année, doit savoir que gagner un procès est une chose mais remporter une joute électorale dans une lutte à trois, avec son lot de scandales, est une autre paire de manches. D’autant plus que son gouvernement n’a jusqu’ici pas un bilan économique solide à vendre, sauf peut-être ses projets routiers et son salaire minimum.
L’épreuve du terrain risque d’être autrement plus redoutable.
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