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Humidité et changement climatique: imminente menace

1 mars 2019, 08:29

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Humidité et changement climatique: imminente menace

Pour chaque degré Celsius de hausse de température, l’air que nous respirons peut s’alourdir de 7 % en vapeur d’eau, ce qu’on appelle communément «l’humidité». Entre l’été et l’hiver, il peut y avoir presque deux fois plus d’humidité dans l’atmosphère. Ces temps-ci, des pics de température de plus de 30oC sont enregistrés régulièrement. En général, nous subissons une augmentation d’environ un degré Celsius (1ºC) en comparaison au climat qu’il faisait dans les années 1960-1990. 

Ne voyons-nous pas déjà des arbres rapporter des letchis ou des mangues plus tôt, et cela arrive même sur des hauts plateaux ? Cette décennie est la plus chaude de l’histoire moderne, ici comme ailleurs. À la fin du siècle, une hausse de 2°C est plus que probable. Dans les régions urbaines et les grands villages du pays, il existe un effet connu comme «îlot de chaleur» (heat island effect) qui peut faire grimper le mercure, localement, de plus de 5°C. Ce phénomène est la conséquence directe d’activités humaines, du contenu des fumées d’usines et de véhicules, et de ce que rejettent les climatiseurs et autres machines. 

Les pluies qui tombent et stagnent sur le bitume et les toits finissent aussi par s’évaporer lorsque les zones humides (wetlands) sont détruites, les rivières sont bloquées, les espaces verts inexistants et les canalisations inefficaces. Ainsi, même si la température à Maurice n’atteindra peut-être jamais les 45°C comme dans certains pays, nous n’échappons pas à cette imminente menace qui a pour nom «l’humidité». 

Catastrophes pas-si-naturelles

Le réchauffement de la planète provoque une accumulation d’humidité non seulement sur terre mais aussi sur les océans. Et les sources d’humidité se multiplient chaque jour avec le modèle de développement que nous entretenons, au service d’une société de surconsommation. Les centrales thermiques, les bâtiments et les véhicules alimentent l’humidité dans l’atmosphère basse sur terre et, éventuellement, aussi, la formation de nuages plus loin ailleurs en mer. Il peut en résulter des formations cycloniques mais aussi des instabilités atmosphériques menant à des précipitations soudaines, accompagnées des fois de tempêtes électriques. 

On a même vu paraître des mini-tornades. Ces phénomènes sont difficilement prévisibles lorsqu’ils sont très localisés. L’importance relative des différentes sources d’humidité responsables de ces événements climatiques reste à être déterminée. En Europe centrale, une contribution significative aux précipitations sur terre provient de l’évaporation directe de ces mêmes colonnes de précipitations. Il est aussi connu que la hausse de l’humidité atmosphérique peut influencer l’effet El Niño, accentuant les risques et la variabilité de phénomènes climatiques extrêmes. Que peut-il y avoir de pire que de savoir que cette hausse est plus prononcée en été dans les régions tropicales comme la nôtre ?

La facture d’électricité explose

Plus que la température elle-même, ce sont les nombreux inconvénients d’un taux élevé d’humidité qui incitent les gens à se tourner vers des climatiseurs. Ailleurs, même s’il fait 45°C, les gens transpirent à peine parce que l’humidité relative est basse. Ici, nous suons comme des bœufs alors que le thermomètre affiche à peine 27°C car l’humidité est intolérable, surtout à l’intérieur des constructions en béton. La clim est une fausse solution. 

En l’absence de normes, et aussi d’une obligation d’afficher l’efficacité énergétique de ces appareils, les consommateurs optent souvent pour des appareils inefficaces et peu coûteux. Souvent, la clim est mal installée et rarement entretenue. Finalement, c’est la facture d’électricité qui explose lorsqu’elle n’est pas utilisée judicieusement. Si on ajoute à cela le fait que les congélateurs et autres réfrigérateurs fonctionnent à plein régime avec un air ambiant chaud et humide, le pic de la demande en électricité ne peut que battre tous les records. 

En ce début d’année, une pointe de 492 MW a été enregistrée au niveau de la demande. C’est un cercle vicieux qui s’installe car cette puissance pour «refroidir» provient principalement de combustibles fossiles, la cause principale du réchauffement climatique. Avoir recours en urgence à des turbines roulant au diesel ou au Gaz naturel liquéfié (Liquefied Natural Gas, LNG) relève d’une logique qui nous a conduits aux problèmes que nous savons. 

Or, toutes les études montrent qu’avec un design écologique des bâtiments, par exemple avec la ventilation naturelle, la clim peut être évitée. L’Energy Efficiency Code pour nos constructions dort toujours dans les tiroirs d’un ministère avec pour résultat que le nombre de climatiseurs a plus que doublé en trois ans alors que des bâtiments énergivores se répandent partout.

Santé et société

Il faut aussi souligner que la mauvaise maîtrise de la demande signifie que certains s’habitueront à la clim jusqu’à en abuser l’usage : s’en servir en hiver ; lorsque personne n’est dans la pièce ; baisser la température ridiculement jusqu’à 16°C pour greloter et se couvrir face au froid que cela produit. Il peut en résulter des problèmes de santé comme des nausées, des maux de tête, des irritations et plus généralement ce qu’on appelle le Syndrome du bâtiment malsain (Sick Building Syndrome). 

Si on y ajoute le fait qu’à l’extérieur l’atmosphère devient de plus en plus chaude et humide, cela ne peut qu’encourager les chocs thermiques, la déshydratation, la propagation des vecteurs d’épidémies, les problèmes d’allergies ou de respiration et aussi des complications cardiaques, surtout chez les personnes les plus vulnérables. De nombreuses études démontrent que dans certains cas, le taux de mortalité croît avec la température ambiante apparente, incluant l’effet de l’humidité. 

Les perturbations sont diverses lorsque la température et l’humidité sont trop élevées. Nous savons que la défaillance des systèmes de climatisation ou de refroidissement peut causer des torts à l’économie, paralyser les systèmes de transport, mettre à genoux le port, causer des turbulences au mouvement aérien et mettre en danger des vies. 

Certaines activités doivent être annulées ; les écoles sont fermées et les gens demeurent à l’abri à l’ombre lorsque la canicule s’abat. À Maurice, il serait utile d’établir ce que coûtent au pays les pluies torrentielles. Par ailleurs, il est rapporté qu’au-dessus de 32°C, il existe une corrélation positive entre la chaleur et les crimes domestiques, ou encore avec les délits collectifs dans certains pays. 

Conclusion

Il est grand temps que nous réalisions que le changement climatique est là et il faut s’y adapter. Pour l’atténuer et gagner du temps, cela implique qu’il faut aussi s’attaquer de manière cohérente à ses causes, tout particulièrement notre manière de produire, de transformer et de consommer l’énergie. Le problème d’humidité illustre tout l’ampleur du défi complexe que nous devons surmonter. 

De l’autre côté, il faut que la station météorologique se transforme en un service climatologique doté de mécanismes et de protocoles modernes, de ressources et de technologies nécessaires et, surtout, d’une capacité de communiquer autrement avec le public à l’heure des réseaux sociaux. Il ne suffit pas d’ajouter le mot «durable» à notre concept archaïque de développement pour retrouver l’équilibre que nous avons perdu. Il faut revenir à l’intimité de nos consciences pour maîtriser notre matérialisme, notre égoïsme et notre gourmandise pour les plaisirs mondains et éphémères. 

Le consumérisme moderne lié au système économique dominant ne respecte pas les limites que nous imposent notre nature et la Nature. Il faudra revenir à l’essentiel avant que ce ne soit trop tard.

«Le désordre est apparu sur la terre et dans la mer à cause de ce que les gens ont accompli de leurs propres mains ; afin [que Dieu] leur fasse goûter une partie de ce qu’ils ont œuvré ; peut-être reviendront-ils ?» (Le Coran 30:41)