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Que nous réservent maintenant les Anglo-Saxons ?

2 mars 2019, 07:33

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Que feront maintenant les Britanniques suivant le verdict de la Cour internationale de justice sur l’archipel des Chagos ? Vontils restituer l’administration de l’archipel à Maurice comme recommandé par le tribunal ? Les Britanniques se sont contentés jusqu’ici d’affirmer que le tribunal n’a fait que de donner «an advisory opinion, not a judgment». Une telle réaction indique clairement que les Britanniques ne prendront aucune initiative marquante suivant ce verdict. En fait, ils vont tout faire pour montrer que c’est business as usual pour eux.

Maurice, par contre, pourrait prendre de nouvelles initiatives diplomatiques au niveau de différents forums, dont les Nations unies. Lâchés déjà par ses alliés d’antan lors du vote réclamé par Maurice pour saisir le tribunal international du cas Chagos, les Britanniques risqueraient encore d’être blâmés. Mais cela ne changerait rien quant à leur contrôle effectif des Chagos. On voit mal une résolution pro-Maurice passer le cap du Conseil de sécurité des Nations unies sans essuyer le veto des deux membres permanents anglo-saxons que sont la Grande-Bretagne et les États-Unis. Et même une résolution adoptée miraculeusement par le Conseil de sécurité ne serait pas suffisante pour amener les Britanniques à abandonner les Chagos. Y a-t-il une puissance au monde qui pourrait monter une opération militaire pour chasser les Américains de Diego Garcia ? Les Chinois dans 30 ans ? Les aventuriers type Kadhafi et Saddam Hussein ont bel et bien disparu de la scène.

Atteindrait-on un point où les initiatives mauriciennes dépassent les limites de l’acceptable pour les Britanniques et les Américains et qu’ils décident par réaction de prendre des mesures de coercition à l’encontre de notre pays ? Passés maîtres dans la démonstration de la finesse diplomatique, les Britanniques ne prendraient pas de mesures officielles annoncées en grande pompe. On devrait par contre s’attendre à de petites tracasseries pouvant nuire aux intérêts de Maurice. Par exemple, protestant contre le fait que des Mauriciens, partis visiter la Grande-Bretagne en tant que touristes, choisissent de disparaître dans la nature par la suite, Londres pourrait rétablir un visa d’entrée à obtenir au préalable au haut-commissariat britannique à Port-Louis. Bienvenue aux longues queues d’attente à la mission diplomatique britannique, comme dans les années 1970.

Toujours au chapitre des tracasseries, des inspecteurs sanitaires britanniques pourraient bien découvrir une imperfection quelconque avec le thon que Maurice exporte. Ou encore, profitant d’un cas d’agression et de vol sur un touriste anglais à Grand-Baie, le gouvernement britannique pourrait publier un «travel advisory» décrivant Maurice comme une destination à risques. Les Américains, généralement plus grossiers dans leurs réactions diplomatiques, pourraient eux aussi prendre des initiatives pouvant nuire aux intérêts de Maurice.

L’opinion publique internationale et les médias anglo-saxons eux aussi pourraient toutefois calmer les ardeurs de l’establishment anglo-saxon, si jamais il décide de sévir contre Maurice. Ce fait devrait inciter le gouvernement mauricien à ne pas se laisser intimider par les deux puissances anglo-saxonnes et à refuser de reculer devant toute initiative sur le dossier Chagos.

L’establishment militaro-bureaucratique du Royaume-Uni et des États-Unis se réserve généralement le dernier mot quant à la poursuite de politique étrangère de ces deux pays. Si, dans la perspective de cet establishment, la base de Diego Garcia devrait être maintenue à tout prix, le drapeau américain et l’Union Jack flotteront pendant longtemps sur les Chagos. Même l’éventualité fantaisiste de l’arrivée au pouvoir du gauchiste barbu Jeremy Corbyn à Londres et du libéral Bernie Sanders à Washington, DC, ne changerait rien quant à la présence militaire des États-Unis à Diego Garcia.

Quelle voie réaliste Maurice devrait-il adopter ? Dans le meilleur des cas, comme soutenu par Jean Claude de l’Estrac, un ancien chef de la diplomatie mauricienne et spécialiste incontesté du dossier Chagos, on pourrait demander aux Britanniques de nous restituer les îles qui ne font pas partie du complexe militaire de Diego Garcia. D’ailleurs, les Britanniques ont déjà rendu aux Seychelles certaines îles ayant fait partie du British Indian Ocean Territory. Mais avec les Britanniques, on ne sait jamais quel coup fourré ils nous réservent. N’avaient-ils pas utilisé le subterfuge de la sauvegarde de l’environnement pour enlever à Maurice le droit de pêche dans les Chagos ? L’ancien gouvernement Ramgoolam avait réussi à combattre ces manoeuvres auprès du Tribunal international du Droit de la Mer. Ce fut d’ailleurs l’action initiale de Maurice qui a connu sa suite logique avec la Cour internationale de justice.

Comme ultime acte de méchanceté envers Maurice, les Britanniques pourraient bien un jour rendre les Chagos non pas à la République de Maurice mais à la communauté chagossienne détentrice de passeport britannique. Pourquoi ne pas donner un territoire au président (en exil) des Chagos, le bon Britannique Allen Vencatassin ? Heureusement pour Maurice, une telle initiative serait condamnée presque à l’unanimité par la communauté internationale.