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Ça ne sent pas bon mais ça aurait pu être pire !
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Ça ne sent pas bon mais ça aurait pu être pire !
Il ne faut surtout jamais se contenter des contrastes qui sont favorables à notre pays pour se satisfaire de nos médiocrités relatives. Nos médiocrités restent nos médiocrités et se doivent d’être critiquées vertement jusqu’à ce que nous soyons en mesure de les évacuer et d’améliorer ainsi notre condition générale. Les chances de ce pays de se métamorphoser en exemple mondial plutôt que de se contenter, tièdement, de quelques accomplissements lardés de trop d’occasions ratées, voire de véritables défis à la raison, restent à tout moment intactes. Même si la culture ambiante se détériore lentement mais sûrement, rendant malheureusement ainsi la perspective d’un «changement» authentique plus improbable… D’autant qu’il faudra pour cela du leadership politique revitalisé, intransigeant sur les principes, constitué de citoyens bien meilleurs que ceux que l’on nous a choisis jusqu’ici, de véritables accros de la méritocratie, du travail bien fait, de la justice sociale et de la productivité !
Cependant, autant il faut rester exigeant, il n’est pas interdit de conserver son sens de la perspective et plutôt que de grogner sans nuance, de reconnaître, de temps en temps, que cela aurait pu être pire. Ce faisant, n’est-ce pas une manière de reconnaître que si nous sommes capables de mieux que le pire, nous sommes donc sûrement capables aussi de bien meilleur que l’ordinaire ? D’ailleurs, tout projet de réforme, toute velléité de changement ne commence-t-il pas par la conviction que c’est possible ?!
Nous avons un secteur public qui n’est pas en très bonne forme de la MBC à la SIC, d’Air Mauritius à Rose-Belle SE et nous ne savons toujours pas si les tentatives de Pravind Jugnauth d’y mettre de l’ordre (paragraphe 319(iv) du discours de Budget 2017-18…) a eu ne serait-ce qu’un seul sou de succès, puisqu’après l’effet d’annonce, on ne nous parle pas de résultats. Cependant, si on aurait pu mieux faire, il est clair que cela aurait pu être bien pire !
Prenez un cas nous provenant du Nigeria. Ils viennent d’aller aux élections là-bas et ont réélu Muhammadu Buhari qui n’avait pourtant, en quatre ans de règne, réussit à concrétiser que seulement sept des 222 promesses électorales faites en 2015 ! Parmi celles-ci, la promesse d’enfin mettre en route l’usine d’Ajaokuta qui, sur les 40 dernières années a déjà coûté 8 milliards de dollars(Rs 280 milliards)… sans jamais produire la moindre barre de fer ! Pire, cette usine a déjà «fabriqué» plus de… 10 000 pensionnés qui sont déjà à sa charge !
Ici, notre classe politique se renouvelle décidément très mal. Le PMSD est toujours mené par un Duval, le MMM par un Paul Bérenger inamovible, les travaillistes par un Ramgoolam et le MSM par un inévitable Jugnauth. Cependant, ça aurait pu être pire si l’on se réfère au cas de Bouteflika en Algérie, présenté pour la cinquième fois de suite au mandat suprême, malgré le fait qu’il ait souffert d’un AVC depuis 2013, qu’il ne parle plus en public et finalement que ceux qui poussent son fauteuil roulant semblent avoir bien plus de pouvoir que lui. Depuis l’Indépendance, il y a 51 ans, nous n’avons connu (hormis Bérenger) que deux familles pour diriger le pays, mais avons vu cinq PM différents à l’oeuvre. Mais nous aurions pu aussi connaître la situation du Cameroun où Paul Biya est soit PM, soit président depuis 44 ans; ou celle de l’Iran avec Khamenei (38 ans); ou celle du Cambodge avec Hun Sen (35 ans)…
L’état de nos finances et la situation de nos activités économiques peuvent faire craindre le pire et cette Kronik en parle avidement depuis longtemps déjà, sans que les tendances ne s’inversent. Ainsi donc une balance commerciale déficitaire qui se creuse de Rs 57 milliards en 2009 à Rs 120 milliards 20 ans plus tard (et qui se détériore comme pourcentage du PIB aussi), une dette publique qui ne s’améliore pas ( 50,7 % du PIB en 2008 et 64,5 % en 2018, avant certaines comptabilisations «créatives» qui devraient s’ajouter à 70% ), un taux de progression de la productivité nationale au mieux flaccide qui nous classe (49e) après le Mexique (46e), l’Arabie saoudite (39e) ou la Malaisie (25e) alors que les salaires s’envolent bien plus rapidement. Mais ça aurait pu être pire bien sûr ! Pour l’endettement national, on aurait pu être les Barbades (132 %), le Bhoutan (Eh oui ! 102 %), le Cap Vert (126 %), la Grèce (182 %) ou le champion toutes catégories, le Japon* (236 %). Et notre balance commerciale déficitaire à 13 % du PIB 2017, pour effrayante qu’elle soit aurait par ailleurs pu rejoindre celle du Bhoutan, le champion de l’index alternatif du Bonheur National Brut, à 21.9% (on comprend mieux, maintenant !), le Mozambique (32,4 %), Haïti (37,7 %) ou l’île paradisiaque de Kiribati (85,5 %) !
Ça aurait pu être pire, mais il ne faut surtout pas copier les cancres ! Continuons donc surtout à grogner sur tout ce qui ne va pas !
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«The cat is out of the bag», dirait l’autre. Les méchantes langues parleront plutôt de «fat cat» évidemment. Dans une interview cette semaine, l’industriel Thierry Lagesse ne passe pas par quatre chemins et pointe du doigt l’avènement du salaire minimum et le fait que la productivité à Maurice n’a jamais progressé à la même cadence que les salaires, comme étant parmi les causes de la non-compétitivité du textile local. La question est certes complexe, mais ce qui est sûr, c’est que le groupe Palmar n’a toujours eu qu’une unique base de travail, c.-à-d. Maurice, alors que les grosses pointures qui se retrouvent en tête des classements du Top 100 et qui sont profitables, c.-à-d. Ciel Textile, CMT, Esquel, World Knits, etc., ont des capacités de production largement déjà expatriées dans des pays plus compétitifs que Maurice. Que CMT veuille déplacer encore 5 000 emplois vers des plateformes plus productives que notre île ne surprend plus personne. Le textile est une industrie hautement concurrentielle et elle s’est toujours déplacée vers de la main-d’oeuvre à meilleur marché. Il y a 40 ans, c’est Maurice qui bénéficiait de telles migrations d’industries venant de Hong Kong ou de Taïwan. Aujourd’hui, on pourrait ne conserver que certains modules de la chaîne de production, comme le «design», la logistique, le marketing… D’ailleurs, Thierry Lagesse, que l’on peut aimer ou pas, reconnaît qu’ «un ouvrier sur une machine à coudre peut difficilement faire plus que son rythme de travail normal». Ceci étant, la seule façon de conserver l’activité serait sans doute plus de robotisation, ce qui n’arrangerait évidemment pas l’emploi !
La question a été posée ici même dans cette chronique plus d’une fois : si les augmentations de salaires, à l’instar du salaire minimum, sont indéniablement positives sur le plan humain et celui de la justice sociale, ils ne sont évidemment pas sans conséquences sur le plan de l’emploi. Il fallait donc s’assurer que la transition vers des emplois à plus forte valeur ajoutée soit réussie !
Quelqu’un s’en est-il occupé un tant soit peu ?
*Personne ne s’inquiète de la dette du Japon parce que, largement financée par l’épargne locale, elle a été «bien» investie et que le pays est le premier créancier du monde.
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