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L’homme en blanc et les réflexes oranges

30 mars 2019, 07:18

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L’homme en blanc et les réflexes oranges

La visite d’un pape dépasse le cercle religieux. «Après Jean-Paul II, je suis impatient de voir et d’entendre le pape François. Son modernisme, ses dénonciations, son discours rassembleur et son exhortation à changer nos habitudes pour préserver l’environnement mondial et combattre l’extrême pauvreté sont appréciables», me confiait hier un collègue de bureau qui, pourtant, n’est ni catholique, ni croyant. C’est l’un de ces témoignages qui viennent démontrer que malgré les vents contraires, une histoire pas toujours honorable (esclavage, inquisition, etc.) et des sornettes racontées sur la contraception, le Vatican possède une force de frappe géopolitique qui traverse le temps, les continents et les peuples.

Ne remontons pas trop loin dans l’histoire contemporaine. De Jean-Paul II, qui avait conquis les Mauriciens et les Rodriguais en 1989, au pape François, le Vatican arrive à s’imposer face à un monde qui pourtant lui semble hostile (courants évangéliques de plus en plus forts, territoires tentés soit par la sécularisation, soit par l’islamisme, le capitalisme accéléré par la mondialisation, les libertés ou les dérives sexuelles). Mais l’heure de la barbarie semble révolue, et le Vatican tente le pari d’un humanisme intégral et brandit la paix contre l’extrémisme ; le Saint-Siège s’est ainsi mué en une grande puissance diplomatique afin de maintenir ses intérêts à travers le monde, et dans les anciennes colonies européennes. 

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Hormis les États-Unis et la Chine, rares sont les États qui peuvent se permettre de nos jours une politique mondiale, c’està-dire qui cultivent des intérêts diplomatiques et géopolitiques sur l’ensemble des continents. Auparavant, il y avait les puissances européennes comme la France, l’Angleterre, le Portugal ou l’Espagne, mais qui sont aujourd’hui fortement diminuées en termes de capacité de déploiement militaire. Au plus fort de la guerre froide, il y avait aussi la Russie de l’exURSS. Mais le Vatican, ce petit État de 44 hectares, demeure, lui, omniprésent dans les relations internationales. Ce n’est pas tant en raison de sa géographie ou de sa démographie, encore moins grâce à ses ressources naturelles. Sa puissance diplomatique réside dans la force spirituelle et culturelle d’un État qui, tout en représentant les catholiques du monde, arrive à communiquer au monde entier. Débarquer à Maurice le 9 septembre, le jour de la fête du Père Laval – symbole œcuménique par excellence, dont le dossier est à l’étude au Vatican – relève d’une coïncidence remarquable, proche du miracle calendaire… 

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Si le Vatican a su trouver en l’Argentin Jorge Mario Bergoglio celui qui incarne le message d’espoir pour les masses déshéritées du Tiers-monde, chez nous, notre Premier ministre a cru bon de demander à Étienne Sinatambou (dit «ministre biscuits») et Stéphan Toussaint (baptisé «ministre Fanta») de s’afficher à ses côtés pour annoncer, devant les caméras, la venue du pape François. Pourquoi Jugnauth Jr se devait-il d’être flanqué de Toussaint et de Sinatambou pour cette conférence de presse avec le cardinal Maurice Piat au PMO ? N’est-ce pas réducteur pour une visite qui dépasse les communautés et les croyances mauriciennes ? Ou est-ce un autre de ces artifices de campagne électorale, comme il a voulu faire croire que c’est un peu grâce à lui si le pape se déplace à Maurice. Comme le prochain Budget, les prochains Jeux des Îles, le Metro Express, il y a (et aura) des tentatives de récupération politique autour de la visite papale. 

Pourtant, 50 ans après notre Indépendance, il est temps pour nous de changer de cap, de concourir à l’apaisement de notre société en rassemblant les énergies et les compétences plutôt qu’en encourageant les affrontements et les symboles d’un autre âge…