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Amendons nos mentalités

3 avril 2019, 07:35

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Soyons francs envers nous-mêmes ! Notre pays, pour son progrès, ne peut plus être l’otage des politiciens actuels ou des alliances ou mésalliances électorales. Le dernier rapport de l’Audit vient confirmer cette tendance politicienne à toujours tenter de «kick the can down the road» – comme si c’est aux générations futures de régler ce que l’on ne peut rectifier aujourd’hui, faute de consensus ou de courage politique.

Ces derniers temps, alors que l’on parle d’élections (partielle et/ou législatives), il y a un dossier, important, sur lequel le gouvernement se fait tout discret. Il s’agit du mini-amendement constitutionnel relatif à la déclaration ethnique des candidats (artifice juridique déjà utilisé en 2014) qui se pose, encore une fois, comme un dilemme national, après l’échec de la réforme électorale présentée par Pravind Jugnauth et ce qu’il reste de l’Alliance Lepep.

Au Parlement, le Premier ministre a insinué, le 26 mars, à la suite d’une question d’Alan Ganoo, qu’il n’y avait (selon lui !) aucune nécessité légale d’aller de l’avant avec cet amendement et que le gouvernement plancherait sur une autre formule. Ah bon ?! Pourquoi donc l’avoir voté en quatrième vitesse, en 2014, si ce n’était pas nécessaire alors ?

Or, il ne s’agit pas ici de l’aspect légal – car nous sommes bien placés pour savoir que le comité des droits humains de l’ONU n’a qu’un pouvoir consultatif – et ne peut, donc, pas nous obliger à ne plus nous baser sur un recensement datant de 1972 pour attribuer des sièges au nom du désuet système de Best Loser (BLS), tout comme il ne pourra pas planter le quadricolore mauricien sur la base militaire de Diego Garcia.

À l’heure où le MSM fait sonner des pétards pour saluer la décision de la Cour internationale de justice par rapport aux Chagos, il serait malvenu que le gouvernement fasse, en même temps, fi du Pronouncement de l’ONU sur notre propre système électoral. Ce n’est ni sérieux, ni intelligent. Ce serait digne d’une rogue nation.

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Mini ou maxi amendement ? C’est une question de perspectives et de contextes. L’acceptation quasi générale, en 2014, du Constitution (Declaration of Community) (Temporary Provisions) Bill était saluée comme la continuité d’une lutte en faveur d’un État qui poursuit sa sinueuse route de décolonisation et de décommunalisation. C’était, même de façon provisoire, un pas en avant dans notre processus de nation building, comme celui, entrepris en 1982, par le MMM, qui avait mis fin à la pratique de recensement communal.

En 1982, dynamisés par un retentissant 60-0, nombre de jeunes poussaient pour l’élimination pure et simple du BLS. Mais, ayant lui-même trouvé refuge derrière le paravent d’Anerood Jugnauth, Paul Bérenger avait freiné cet élan populaire en expliquant aux militants que le MMM n’avait pas le mandat pour amender la Constitution afin de nous débarrasser du BLS.

Le BLS a accompli sa mission communale, au fil des décennies. Certains ont profité de ce système perverti mais, bon gré mal gré, il a accompli sa mission. Aujourd’hui, avec le métissage et l’ouverture des esprits, il a perdu sa raison d’être. D’ailleurs, les calculs pour préserver les huit sièges additionnels divisent profondément. Et s’il semble y avoir une majorité qui s’accorde à dire que le BLS est dépassé, on constate aussi l’immortalité de réflexes passéistes au sein de pratiquement tous les partis politiques présents au Parlement. D’aucuns s’y accrochent encore, comme agrippés à une nostalgie dynastique, à une consanguinité d’un autre âge.

Notre histoire politique retiendra aussi qu’en 2005 Rezistans ek Alternativ avait commencé son combat juridique pour décommunaliser le jeu électoral local. La justice mauricienne avait été saisie. Le Privy Council aussi. Mais il aura fallu un ruling des Nations unies, en juillet 2012, pour que le gouvernement réagisse, pour qu’on fasse, enfin, ce toilettage obligé de notre Constitution, comme un compromis face à un destin forcé. Mais tous ces efforts dépensés pour déboucher sur une solution temporaire, provisoire, interlocutoire, transitoire ?

À bien voir, au lieu d’essayer, en vain, une vraie réforme électorale, n’y a-t-il pas lieu d’amender d’abord nos mentalités, en commençant par celles de nos dirigeants politiques, qui se complaisent dans le statu quo…