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Paul Bérenger comme stratège hors pair

6 avril 2019, 08:39

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Certains se croyant trop futés croient avoir décelé un aveu d’impuissance de la part du leader du MMM, Paul Bérenger, quand il a annoncé que son parti ne présenterait pas de candidat dans l’éventualité d’une élection partielle à Piton-Rivière du Rempart.

Car avant cette prise de position du leader historique du MMM, il ne manquait pas de souligner- et cela de façon systématique- que son parti affrontera seul les élections générales en alignant des candidats dans toutes les circonscriptions du pays.

Comment un parti qui se croit aussi fort que de pouvoir livrer bataille seul dans 20 circonscriptions n’ose-t-il  présenter un unique candidat, une version rurale de Nita Sanita Juddoo, dans le No 7.  

Il pourrait y avoir trois explications derrière cette décision de déclarer forfait dans le No 7 :

1.    Lors de l’élection partielle dans la circonscription urbaine de Belle Rose/Quatre Bornes le 17 décembre 2017, Nita Juddoo ne recueillit que 14,33% des votes. Logiquement, le MMM ne pourrait faire mieux dans la circonscription rurale du No 7. Paul Bérenger fait donc preuve de réalisme politique. 

2.    En n’alignant pas de candidat, Paul Bérenger concède implicitement la possibilité que le MMM ferait partie d’une alliance et que l’investiture pour le no 7 revient au partenaire. Toujours en fonction des réalités politiques, cet allié ne pourrait être autre que le MSM. D’ailleurs on aura remarqué que Paul Bérenger n’utilise plus un ton belliqueux et moqueur à l’égard du MSM.  Les petites escarmouches impliquant Rajesh Bhagwan pourraient bien faire partie d’un ‘cinéma’ politique, la recette étant davantage Sirop Dowlut que lysol.

3.    Autre possibilité, un homme connu pour sa finesse inégalable en matière de stratégie politique et électorale, Paul Bérenger est en train de désorienter toute la classe politique et les observateurs car son véritable objectif, c’est participer seul aux élections après s’être assuré que le degré d’animosité entre le Parti Travailliste et le MSM ait atteint une telle intensité qu’il n’existerait plus de possibilité d’entente entre ces deux partis comme en 2010. 

Avec un certain électorat fracturé au point d’être irréversible, le pays pourrait assister à une lutte à trois, le MSM avec un allié.  le PTr avec un partenaire et le MMM seul. Ce parti n’aurait alors qu’à mobiliser la frange de la population qui l’a soutenu traditionnellement,  et profiter du système first past the post pour remporter une majorité de sièges.

Les statistiques électorales pourraient bien amener le MMM à penser qu’une fragmentation de votes entre Travaillistes et MSM lui serait extrêmement favorable. Car dans la circonscription même du No 7 en 2010 quand le MMM s’était présenté seul contre une alliance travailliste-MSM-PMSD, son premier candidat Vinay Koonjul avait remporté 39,43% de votes contre le dernier élu, Deva Virahsawmy avec 52%. Or, si on fragmentait  les votes Virahsawmy entre les trois alliés et que ce candidat ne devait se fier qu’au vote d’un sel parti, Koonjul l’aurait battu. 

Bien qu’en 1976 le contexte était différent, le MMM avait réussi à remporter des sièges dans huit des dix circonscriptions  rurales.

Homme toujours mijotant sur plusieurs options à la fois et peaufinant chaque move- ce qui l’entraîna dans le cercle vicieux du koz-koze avec Navin Ramgoolam en 2014- Paul Bérenger se laissera sans doute guider par la performance de son parti à l’élection partielle de Belle Rose/Quatre Bornes tout en  misant  beaucoup sur une aveugle animosité entre le PTr et le MMM. C’est surtout en fonction de ces deux facteurs qu’il décidera de l’action électorale future du MMM. 

Si la performance du MMM à l’élection partielle de Belle Rose/ Quatre Bornes pèse bien dans la balance, ce serait plutôt une alliance comme junior partner du MSM qui verra le jour. A Quatre Bornes, ville qui représente plus au moins la composition sociologique  de toute la population, le candidat du MMM avec ses 14,33% n’a substantiellement pas fait mieux que Roshi Bhadain (12,80%) et Jack Bizlall (11,47%). 

Pour un parti vieux de 50 ans, une telle performance face au néophyte Bhadain et au gauchiste Bizlall est loin d’être élogieuse. D’où l’option d’alliance, l’espoir d’être pris en charge par plus fort que soi. Et c’est dans doute pour chatouiller l’orgueil du grand leader mauve que Pravind Jugnauth s’est permis mardi dernier de faire la leçon à Reza Uteem et prouver que si quelqu’un a battu les records de bloquer autant que possible les informations sollicitées au Parlement, ce fut bien le Premier ministre Bérenger. Pravind Jugnauth s’est surement inspiré de l’adage anglais qui dit que beggars can’t be choosers. 

Mais Paul Bérenger n’a pas dit son dernier mot. A une possible élection partielle au no 7, il va mesurer l’intensité de haine entre dirigeants et partisans travaillistes d’une part et dirigeants et partisans MSM de l’autre.  Si la fracture est irréversible, il va avancer ses pions. Contrairement au mythe qui veut que l’Inde intervienne pour empêcher que le MSM et le Parti Travailliste se livrent dans un combat de la mort, cela ne se produirait pas. Ce sera comme dans le cas des cousins dans le Mahabharata.  On voit mal comment quelqu’un viendra avec une formule de réconciliation entre les deux camps rouge et orange avec partage du poste de Premier ministre et autres responsabilités et l’achat par l’Etat du bâtiment du Sun Trust pour quelques milliards afin de ‘sucrer’ le deal. L’espoir est toujours permis coté MMM.