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Pourquoi la guerre ?

14 avril 2019, 07:14

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Pourquoi la guerre ?

J’étais à Hiroshima lundi dernier. Je m’attendais à de l’austère, de l’amer et de l’insupportable. Il n’y avait au bout du compte que de l’insupportable, constitué par le souvenir des 130 000 morts laissés après la visite inattendue de Little Boy le 6 août 1945. Les Japonais rencontrés ce jour-là, y compris des adultes profitant du printemps fleuri dans le parc ou des groupes d’écolières rencontrés dans le lobby d’entrée du musée de la mémoire d’Hiroshima, étaient souriants, avenants, curieux, bien loin de l’esprit du shogun, du kamikaze ou de l’hara-kiri.

Pourquoi alors, épisodiquement, choisissonsnous la bagarre et la guerre plutôt que de privilégier l’empathie, la collaboration et la paix ?

Cela remonte à très loin finalement et nous n’en sommes sûrement pas libérés. Avant même que nos ancêtres lointains ne découvrent qu’un éclat de schiste au bout d’une tige pouvait aider à voler le feu ou les femmes d’une tribu dans la vallée d’à côté, nos ancêtres encore plus lointains, les primates, se faisaient des guerres territoriales de véritables guerres meurtrières à la recherche de l’«espace vital» requis par la troupe qui grandissait. À l’époque, l’équation était simple : la troupe de chimpanzés grossissait, il n’y avait pas assez à manger dans son propre territoire et il fallait donc piller le figuier sauvage du voisin, même s’il fallait pour cela se bagarrer. Le monde était alors vaste et les primates peu nombreux. Bien plus tard, on estimait la population mondiale humaine, vers 400 ans avant J.-C., à seulement 150 millions d’individus et pourtant, on se battait alors aussi pour le pouvoir et la gloire, ce qui rendait possibles les empires égyptiens ou assyriens ou romains. À noter que l’on mobilisait déjà les soldats permettant la conquête en désignant l’ennemi comme responsable de sa misère personnelle, pas le chef, et en leur promettant leur part des rapines ! Deux mille ans plus tard, la notion d’«espace vital» était toujours là pour justifier les ambitions nazies ou celles du gouvernement militaire japonais. Dans ces deux pays, les leçonsaffichéesparl’incroyablemontéeenpuissancedespays colonialistes d’exploitation avaient créé de bien réels appétits, inassouvis jusque-là dans leurs propres cas. L’empire de 1 000 ans nazi croyait avoir besoin des plaines céréalières de l’Ukraine et du pétrole du Caucase. Les chefs de guerre japonais, ayant finalement pris le contrôle après une décade d’assassinats judicieux, avaient mis la Corée sous protectorat puis envahi la Mandchourie et défaisaient même les Russes en guerre navale, mais, en vue de leurs ambitions, pensaient devoir «contrôler» des matières premières vitales dont le caoutchouc et le pétrole. Ainsi Pearl Harbour et tout le reste.

On a bien tenté de refroidir ces velléités guerrières. Le plan Marshall est un geste plus intelligent que les réparations de guerre imposées et débilitantes. Les institutions de mise en commun planétaire comme les Nations unies où des rapprochements politicoéconomiques impossibles à seulement imaginer avant la Grande Guerre, comme l’Union européenne, ont aussi aidé. Mais rien n’a autant assuré la paix post-1945 que le commerce et le développement de tous !

La guerre sépare et détruit. Le commerce rapproche et construit. On semble l’oublier un peu trop, 75 ans après la Seconde Guerre mondiale. Ainsi l’émergence des grands prêtres du néo-nationalisme que sont Trump, Putin, Xi, Modi, mais aussi Salvini, Orban, Farage, Erdogan, Bolsonaro… Les leçons de l’Histoire devront-elles vraiment être apprises à nouveau ? L’Allemagne, le Japon et tous les pays guerriers de l’époque ne sont-ils pas infiniment mieux lotis, ayant depuis choisi les échanges culturels et commerciaux plutôt que la conquête ou l’isolationnisme et d’échanger les figues de l’un avec les prunes de l’autre ?

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Dans la drôle de guéguerre entre le président de la SBM (Holdings) Ltd et ses détracteurs, force est de constater qu’il n’est jamais très élégant de tenter de se laver les mains quand on est, en fait, payé pour les mettre dans le cambouis.

Mr Kee Chong Li Kwong Wing a raison de dire qu’il n’est pas coupable pour les prêts qui auront mené la State Bank à faire des provisions massives de Rs 3,6 milliards pour le semestre au 31 décembre 2018. Il a encore raison d’indiquer que les ratios prudentiels de sa principale source de profits, la State Bank, sont plus que solides. Il a tout aussi raison de souligner que le «pre-impairment profit» a tout de même progressé de 21,4 %, ce qui devrait augurer bien pour l’avenir. Il suffirait pour cela de mieux maîtriser les risques et, partant, les provisions, encore que le métier bancaire implique, en lui-même, des risques à prendre et de mauvaises dettes. Le tout est d’en assurer des niveaux raisonnables.

Mais M. Li Kwong Wing a tort de ne pas se sentir plus responsable en la circonstance. Ne pas être directement coupable ne veut sûrement pas dire ne pas être redevable de ce qui va mal sous son toit. A priori, il faut s’assurer que l’on ne puisse pas décaisser des milliards à la légère et sans garanties satisfaisantes, donc faire du préventif et a posteriori, il faut évidemment corriger ou sévir. S’il faut maintenant un Remediation Plan pour le segment B, cela ne suggère-t-il pas que le cadre dans lequel opérait le pôle bancaire laissait à désirer ? Or ce cadre n’étaitil pas jugé adéquat par M. Li Kwong Wing à son arrivée en 2015 ?

Il y a évidemment plus directement responsable que lui. On pense évidemment au CEO de l’époque, mais aussi au Chairman du pôle bancaire, M. N.K Ballah, qui, outre d’avoir bénéficié d’une chaise vide le jour de la conférence de presse de M. Li Kwong Wing, devrait être dans le secret de toutes les analyses, de tous les risques, de toutes les décisions prises au niveau bancaire. D’ailleurs, à bien y penser, est-il bien sain que ce soit ce secrétaire au cabinet ministériel, très proche du clan politique au pouvoir, qui ait cette position décisive, avec tout ce qu’il a comme autres responsabilités et devoirs ? D’autant qu’il est apparemment seulement redevable à lui-même ! Relisez, à cet effet, l’express du 6 novembre 2018, qui, citant une lettre anonyme d’«actionnaires tracassés», soulignait que M. Ballah, outre ses responsabilités de chef de cabinet, est aussi chef de la Fonction publique, Chairman de Mauritius Telecom, Chairman a Multi Carriers Ltd, directeur chez Air Mauritius, Chairman de Metro Express Ltd et de la SPV SBM Bank Holdings Ltd et directeur de Mauritius Duty Free Paradise…

Manque-t-il, à ce point, de gens à qui faire confiance dans ce pays ? Ou bien est-ce, une fois de plus, l’expression de l’effrayante insécurité de nos dirigeants politiques qui les mène au prétexte de l’État tentaculaire, voire du state capture ?

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Réflexion dans le sillage de l’arrestation de Julien Assange : et si la meilleure façon de contrer les «fake news», les rumeurs et les spéculations qui polluent nos vies citoyennes, c’était le «tout-transparent», qui produira inévitablement des informations aussi juteuses que celles qui nous trompent – avec l’avantage qu’elles disent au moins la vérité !

Avis donc aux amateurs des clauses de confidentialité, d’accords secrets et de Freedom of Information Act que l’on promet dans la fièvre électorale qui fait miroiter le pouvoir, mais que l’on garde ensuite en cage !