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Un avenir ? Touristique ?

28 avril 2019, 07:23

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On semble s’émouvoir pour le tourisme depuis quelque temps. Le ministre, Anil Gayan, affirmait d’ailleurs au début d’avril, que c’est la seule industrie qui est durable et donc capable de faire vivre le pays à l’avenir. Si c’est sa conviction, on comprend son anxiété face à une baisse relative du nombre de touristes au pays depuis le début de l’année. Outre de s’attaquer à la mollesse d’Air Mauritius en la circonstance, le ministre joignait le geste à la parole et s’attaquait à un autre problème, même si seulement symboliquement, en nettoyant la plage et le lagon de Trou-d’Eau-Douce. Ce n’est pas grand-chose il est vrai, mais c’est bien mieux que rien ! Et des problèmes, il y en a…

Une interview intéressante d'Arvind Bundhun cette semaine dans l’express. Si le directeur de la Mauritius Tourism Promotion Authority s’emmêle un peu les pinceaux au début en décrétant que «les premiers mois de l’année sont normalement déficitaires en terme d’arrivées touristiques» (un 1er trimestre affichant une croissance négative, c’est loin d’être normal, même quand Pâques est en avril – comme cela a été le cas 15 fois sur 20 depuis l’an 2000, y compris ces 3 dernières années !), il récuse le fait, on pouvait s’y attendre, que ce puisse être une mauvaise stratégie de promotion qui en soit responsable. Il aligne donc Air Mauritius comme coupable principal. Son réquisitoire est, reconnaissons-le, plutôt accablant : les touristes n’aiment ni les retards ni les annulations de vols, c’est compréhensible ! Au final, sur les vols d'Air Mauritius depuis le début de janvier, il y aurait eu 17 vols de moins sur l’Inde, 24 vols de moins sur la Chine, 9 vols de moins sur l’Afrique du Sud, 8 vols de moins sur l’Angleterre, soit un total de 18 000 sièges de moins vers la destination Maurice ! Cela explique beaucoup !

Mais tout de même !

Admettons que cela se passe désormais mieux à Air Mauritius qui, plus autonome et avec une flotte maintenant renouvelée, pourrait désormais mieux maîtriser ses pannes ainsi que ses horaires, tout en offrant de meilleures prestations sur ses vols directs; les défis du tourisme ne s’arrêtent pas là !

En effet, nous avons bien des concurrents sur le créneau «Sea, Sun, Beach» – slogan que nous avons d’ailleurs pudiquement revu et adapté du «Sea, Sun, Sex» d’origine inventé par les médias européens. Les Seychelles, les Maldives, Madagascar, les Caraïbes, les îles du Pacifique, la Thaïlande, la Malaisie, l’Indonésie, même certains pays d’Afrique sont tous sur «notre» créneau et nombreux sont-ils, parmi, dont les lagons, l’ensoleillement et les plages semblent trop souvent meilleurs que les nôtres ! Ne parlons pas des pluies depuis janvier, mais vous avez vu les détritus enlevés du lagon de Trou-d’Eau-Douce quand Gayan y a rendu visite ? C’est pareil un peu partout malheureusement ! Nos lagons, outre d’être sévèrement atteints biologiquement, sont devenus des dépotoirs et il n’y a presque AUCUNE tentative, depuis des lustres, pour les protéger et les faire revivre. Nous avons un ministère de la Pêche, pas de la protection du lagon, je vous signale ! La National Coast Guard est un bras spécialisé de la police qui contrôle les trafics ou qui intervient en cas de danger en mer, mais il ne protège pas le récif, ni ne pouponne les alevins. Loin de là. Il suffirait pourtant de discipline et de rigueur : pêche interdite pendant deux ans, par exemple ? Mais où encore trouver de la discipline et de la rigueur dans ce pays qui se vautre de plus en plus dans les raccourcis et les accommodements ? Je ne voudrais pas en rajouter, mais cela me fait particulièrement mal de voir un touriste débarquer avec sa gaule et son moulinet, faire du casting jusqu’à être brûlé au 2e degré et retourner bredouille. Sans même une touche à son appât. Il mangera peut-être du bourgeois* pour dîner ?

Notre île n’est pas que dépotoir en mer, elle devient aussi dépotoir sur terre ! Ce qui se passe à ce niveau est effrayant ! Les habitudes se prennent, s’installent, s’étalent. Partout. Dans les rivières, dans les drains, dans les champs de canne, sur le bord des routes, à la plage on jette sans vergogne et de plus en plus; ce qui coïncide d’ailleurs avec les difficultés grandissantes à gérer nos dépotoirs qui débordent. Ajoutez-y les chiens errants, les petites arnaques, les facturations abusives, les rats de Curepipe, les menues rapines sur touristes, les moustiques et les mouches de saison et vous avez une décoction qui ne facilitera pas notre avenir touristique puisque nous avons, là, des signaux solidement contradictoires à nos prétentions de destination accueillante et cinq étoiles.

Anne Robert (l’express 24/04/19) a raison d’évoquer les incertitudes des longs courriers brûlant du kérosène, liquide qui va devenir plus rare et donc plus cher. Les moteurs à hydrogène ou les agrocarburants à la rescousse ? Ou plus poétiquement, nos touristes nous arrivant sur d’immenses voiliers, puisque l’intelligence artificielle va faire des pays «riches» de grosses poches de sansemploi bien payés, qui auront donc du temps pour voyager ? Ou plus prosaïquement, sur une planète qui se réchauffe, les touristes bronzeront peut-être chez eux ? Ajoutez à cela l’autre menace climatologique, des scientifiques indiquant notamment que la fonte des glaces du Groenland est déjà à un taux six fois plus élevé qu’il y a 46 ans** et, qu’en conséquence Waikiki, à Hawaï, sera, comme nos plages sans doute, sous l’eau dans 20 ans ! Sans compter New York, Mumbai, Boston, Jakarta, Tokyo ou Miami d’ailleurs où c’est déjà un problème concret chaque mois… à la pleine lune ! Là-bas, ce ne sont pas des drains qu’il faut, comme chez nous, mais des digues de protection contre la montée des eaux ! Remarquez que cela pourrait nous être nécessaire aussi bientôt, à défaut de construire (ou de reconstruire) nos hôtels sur des échasses, comme les «villas sur l’eau» des Maldives !

Finalement, si le ministère du tourisme table sur 3 % de croissance pour nous ramener 2 millions de touristes en 2030, comment ne pas prédire de plus en plus de résistance locale à ce que certains décrivent déjà comme du «kokin (de) nou la plaz» ? Les radicaux qui veulent stopper net le développement touristique n’ont jamais proposé un modèle de développement alternatif au tourisme et ils seront donc de plus en plus contrés par ceux qui travaillent dans et dépendent de cette industrie qui peut difficilement être robotisée, mais la probabilité, c’est que cela ne les arrêtera pas dans les années à venir…

L’avenir touristique peut paraître incertain, mais, par ailleurs, TOUS les avenirs sont incertains à divers degrés et, dans une large mesure, peuvent toujours devenir chatoyants si l’on fait ce qu’il FAUT faire.

 Nous avons des atouts ! Certaines solutions ne dépendent que de nous ! Commençons donc par nous attaquer à celles-là et nous serons alors au moins mieux à même d’aviser avec intelligence pour le reste !

*des Seychelles, s’entend.

** https://www.sciencealert.com/greenland-saccelerating-ice-loss-is-worrisome-to-scientists. * * * ** http://globalfloodmap.org/