Publicité

Le coucher du soleil

29 juin 2019, 07:33

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Et si au lieu de tendre vers ce «2e miracle» économique (qui avait contribué à faire virer de bord l’électorat), l’on se dirigeait plutôt vers un véritable désastre économique ? Le Premier ministre, qui conserve jalousement le ministère des Finances et du développement économique, se livre à des discours sirupeux qui font croire que l’économie se porte bien alors que les secteurs sucrier, manufacturier, financier et touristique doivent clairement être réinventés – car leur modèle est devenu aussi obsolète que notre système électoral.

Le «miracle mauricien», le vrai, pas celui raconté par la cour de l’empire Jugnauth, a été de pouvoir, dès 1975, ajouter à l’industrie sucrière – sans la détruire – la zone franche, le textile et le tourisme. Notre décollage économique est venu du fait qu’aucun secteur ne s’est développé au détriment d’un autre. L’un des visionnaires mauriciens, en l’occurrence José Poncini, aimait rappeler que l’innovation c’est de garder le système ouvert, le questionner et ‘ajuster le tir’ en permanence. Pensez-vous que cette bande de ministres, qui se mettent à genoux devant le PM, soient capables de réfléchir, au-delà des slogans, ce que peuvent être l’économie bleue, l’énergie verte, l’intelligence artificielle, afin de nous propulser dans une nouvelle ère ? À les écouter au Parlement, faire du lèche-bottisme à Pravind Jugnauth, l’on ne peut que craindre le pire.

Le gouvernement actuel est dans l’incapacité collective à produire un «diagnostic juste» pouvant refléter ne seraitce que les contours de ce qui se passe vraiment sous nos yeux, enfermés et englués que nous sommes dans des structures politiques figées.

À trop critiquer ce régime, on risque surtout de les transformer en martyrs alors qu’ils profitent de leur passage au pouvoir pour s’engraisser et caser tous leurs proches. Pourtant, pour amorcer un nouveau départ, il nous faut nous débarrasser de ceux-là mêmes qui aident à voler nos rêves de développement post-colonial. Certes, une victoire sur le papier par rapport au dossier Chagos devant la Cour internationale et l’Onu peut galvaniser, mais au fond qu’avonsnous concrètement gagné ? Revenons sur terre. Cela changera quoi aux problèmes de moralité (politique et publique) auxquels nous sommes confrontés ici, à Maurice, depuis un demi-siècle ? Un pays dit indépendant mais où les mêmes dynasties politiques restent aux commandes, alors que les inégalités et les exclusions deviennent plus visibles, avec tous les villas de luxe et les logements sociaux qui sont construits concomitamment ? Comme si deux mondes parallèles s’érigeaient.

Edgar Morin peut nous éclairer : «Tout notre passé, même récent, fourmille d’erreurs et d’illusions, l’illusion d’un progrès indéfini de la société industrielle, l’illusion de l’impossibilité de nouvelles crises économiques, l’illusion soviétique et maoïste, et aujourd’hui règne encore l’illusion d’une sortie de la crise par l’économie néolibérale, qui pourtant a produit cette crise. Règne aussi l’illusion que la seule alternative se trouve entre deux erreurs, l’erreur que la rigueur est remède à la crise, l’erreur que la croissance est remède à la rigueur. Cette docte ignorance est incapable de percevoir le vide effrayant de la pensée politique.»

Face au vide de la pensée politique, avec un Premier ministre qui est arrogant et creux – et fait croire qu’il travaille 7 sur 7 – il est utile de faire revenir des philosophes dans l’agora mauricienne afin d’essayer de donner du sens à ce qui se passe.

En janvier 1971, sous la plume chirurgicale du Dr Philippe Forget, l’express avançait que les principales tendances de la politique mauricienne sont celles qui la polarisent vers les totalitarismes de droite et de gauche. «L’affreuse constatation, c’est qu’il n’y a pas d’alternative valable à ces formes d’asservissement, distinctes par les moyens employés, semblables dans leur effet: la restriction des libertés.»

En effet, l’évidence historique est massive : quand les régimes politiques sont tentés par le totalitarisme et quand ils prennent le pouvoir, comme l’alliance Lepep, ils ne veulent plus le lâcher – coûte ce que cela coûte à la démocratie, à la liberté, et à l’économie…