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Homo politiciens
Qu’il s’agisse de l’amendement à la Declaration of Assets Act ou du projet de loi sur le financement des partis politiques, il semblerait qu’on va laisser, encore une fois, ces mêmes anciens réflexes claniques et forces rétrogrades centrifuges et occultes nous dicter. C’est tourner en rond autour du problème, ou, carrément, comme l’a dit Paul Bérenger hier, c’est évident que l’«on recommence à zéro».
Personne ne comprend le pourquoi de cette urgence de dernière minute, qui s’apparente à un autre de ces gestes désespérés alors que le sablier de cette législature se vide, et que d’aucuns tentent de déshabiller la Banque centrale pour habiller le bilan économique nécessaire pour asseoir son pouvoir. L’amendement pour la déclaration des avoirs a été soumis le vendredi 28 juin pour être examiné ce mardi 2 juillet. Super Fast Track! Bien plus rapide que la fameuse Freedom of Information Act, jadis jetée aux crédules, comme de la poudre aux yeux.
La question est de savoir si — avant les prochaines élections générales, qu’elles soient tenues fin décembre 2019 ou durant le premier trimestre de 2020 —, nous aurons accès aux déclarations des avoirs de nos élus ? Sur quel raisonnement l’ICAC, un instrument politique notoire, devrait être le seul gardien des secrets et des clés pour comprendre certains positionnements des uns et des autres, notamment sur le plan de la bonne gouvernance. Il y a aussi le dossier du financement des partis politiques qui risque d’être repoussé, une énième fois, sous le tapis démagogique — à l’heure où les clignotants économiques sont au rouge vif et que le petit prince soleil se prépare pour affronter le lion.
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Avant les dernières législatives, vers la mi-2014, avec ses 31 députés rouges contre 28 au Remake MMM-MSM, le Premier ministre d’alors, Navin Ramgoolam, ne faisait pas grand cas de l’éventualité qu’il pourrait perdre ses béquilles bleues. Du reste, il l’avait d’ailleurs publiquement reconnu lors d’une célébration de Divali («mo pa bizin okenn bekiy mwa !»), ce, bien avant d’humilier son partenaire du PMSD en jouant la carte Michaël Sik Yuen, qui, lui, ne se faisait pas prier pour abattre son jeu face à l’un des plus fidèles lieutenants de Xavier-Luc Duval, dans la victoire comme dans la défaite, Robert Desvaux. Ramgoolam avait pu provoquer une scission dans la basse-cour.
À l’époque, avant le scrutin de 2014, obtenir l’emblème du coq de Duval (avec ses trois députés) revêtait davantage une signification symbolique pour le Remake MSMMMM qu’il ne représentait un risque de déstabilisation pour le PTr. Le tandem d’alors Bérenger-Jugnauth aurait pu, alors, inverser une tendance qui avait, jusqu’ici, tourné à l’avantage du PTr au pouvoir.
Se souvient-on toujours que grâce au pouvoir d’attraction de l’appareil d’État, le PTr de l’époque avait facilement aimanté Mireille Martin, Jim Seetaram et Pratibah Bholah (tous du MSM), alors que l’opposition, malgré ses nombreux effets d’annonce, n’a jamais pu magnétiser aucun des membres de la majorité gouvernementale.
Ceux qui avaient analysé les différentes permutations possibles avec le total de 69 députés que comptait notre Hémicycle, étaient catégoriques. Le pouvoir n’aurait jamais pu échapper à Navin Ramgoolam avant les législatives de 2014. Et puis, il y a eu le «viré mam», avec les conséquences que l’on sait désormais...
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Alors que le MSM critique, de manière presque humiliante, la baisse de popularité et de représentativité du MMM au fil des scrutins, faisant ainsi le jeu du PMSD des Duval sur l’échiquier des négociations politiciennes, il convient, si on veut comprendre le terrible conflit mauve-bleu, de se rappeler le nombre de fois que Xavier-Luc Duval et Paul Bérenger se sont copieusement insultés avant et surtout depuis l’étranglement manqué (dans les couloirs du Parlement) du premier par le second ? Le patronyme Duval a souvent été à la base du rapprochement avec les Jugnauth et le clan de Bérenger pour contrer la dynastie Ramgoolam.
Dans un précédent éditorial, en 2014, l’on évoquait un programme, mis en place par un de nos compatriotes, à Harvard, pour le compte de Google, qui permet de compter le nombre de fois qu’un terme ou mot est utilisé afin de dégager des tendances historiques. «Le N-Gram Viewer de notre compatriote Jean-Baptiste Michel (conçu avec son ami Erez Aiden) nous révèle que les mathématiques peuvent aider à comprendre le monde et ses acteurs. De nos jours, à l’ère du ‘Big Data’, il est devenu possible d’analyser les tendances ayant défini les sociétés et leur contexte, bref d’utiliser les mathématiques pour une compréhension plus large des phénomènes humains. Chez nous, le nombre de fois que les mots ‘Ramgoolam’, ‘Jugnauth’, ‘Bérenger’ et ‘Duval’ ont été associés à notre courte histoire politique est largement supérieur à la somme totale de tous les autres patronymes réunis. Ce sont toujours les mêmes qui jouent et gagnent, même quand ils perdent !»
Loin de nous l’intention de recenser ici tous les patronymes qui jalonnent, de grand-père en petit-fils, notre histoire politique. Mais quelques exemples que nous renvoient les actualités méritent que l’on s’y attarde, ne serait-ce que pour soulever quelques interrogations et poser quelques questions… Car il existe toujours le risque que, défaitiste, on finisse par intérioriser ces dynasties qui sont contraires à l’esprit républicain.
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Le pays, on le sentira de plus en plus, passe à l’heure électorale. Ce n’est pas vraiment une nouvelle : la vérité c’est que notre pays et ses politiciens sont en campagne permanente. Nos chefs politiques ont un vrai problème : trouver, dans les prochains jours ou mois, une équation pour concilier le rôle de leader d’un petit parti politique et celui d’une alliance pouvant arracher le pouvoir aux prochaines législatives.
C’est pour cela que la vision de nos politiciens s’arrête au renouvellement ou pas de leur mandat. Leur raisonnement est simple : il faut être au pouvoir pour initier des réformes. Et pour être au pouvoir, il faut être populaire. Et pour être populaire, il faut séduire l’électorat en essayant de partager le gâteau qui se rétrécit entre différents groupes de votants. Pareille survie politicienne n’est pas compatible avec le présent contexte économique.
Qu’il s’agisse de juger des effets d’une politique économique, le journaliste-économiste français Frédéric Bastiat (1801-1850) mettait, il y a longtemps déjà, en balance «ce que l’on voit» et «ce qu’on ne voit pas». Pour lui, dans la sphère économique, un acte politique, comme la réforme économique, ou le transfert des «paper profits» de la Banque centrale aux fonds gérés par un gouvernement qui est en campagne électorale, n’engendra pas seulement un effet, mais une série d’effets, qu’on verra progressivement, dans le temps. C’est totalement vrai : entre la série de bons économistes (Rama Sithanen, Ramesh Basant Roi, Sushil Khushiram, Pierre Dinan) et de mauvais économistes, la différence c’est que les bons tiennent compte de l’effet qu’on voit et de celui qu’on ne voit pas avant de demander aux responsables politiques de prévoir, bref de faire ce pourquoi ils sont payés. Triste sort. Tout le monde veut gouverner. Personne ne veut, peut prévoir.
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