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Entre Henry et Boris

27 juillet 2019, 07:15

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En Afrique subsaharienne, dont évidemment notre pays, les gros travaux d’infrastructure riment trop souvent avec grosses commissions. Cela en grande partie à cause de l’impotence ou la politisation des organismes de régulation ou de surveillance, à l’instar de l’ICAC chez nous, et d’une concentration des pouvoirs entre les mains d’une clique qui se prend pour des sur-hommes, ayant leurs places réservées dans des loges présidentielles – alors que le commun des mortels peine, lui, à trouver le moindre billet pour soutenir son équipe nationale.

Au Kenya cette semaine, le ministre des Finances, Henry Rotich, considéré comme un proche du président Uhuru Kenyatta, a été arrêté pour corruption et fraude, dans le cadre du «scandale des barrages», soit un projet de construction de deux barrages d’eau potable dans la vallée du Rift lancé en 2015. Comme c’est le cas à Maurice pour le Bagatelle Dam, la réfection de la route Terre-Rouge– Verdun, ou la construction du stade de Côte-d’Or, le budget initialement approuvé a vite été pulvérisé et des millions ou milliards additionnels ont été engloutis sur les chantiers.

Le projet kenyan devait coûter 46 milliards de shillings. Or, c’est un prêt de 63 milliards de shillings qui a été contracté par le Trésor de Nairobi. Soit un montant excédentaire de 17 milliards pour des infrastructures qui ne sont toujours pas sorties des terres. Pire : le bureau de Rotich aurait accordé le contrat à la société italienne CMC Di Ravenna, alors que celle-ci était en liquidation... «Henry Rotich fait partie des plus importants responsables du pays. C’est un coup majeur car le Trésor est le cœur du gouvernement, et c’est là que tout se décide», souligne la branche kenyane de Transparency International, ONG qui classe le Kenya au 144e rang sur les 180 pays recensés dans le cadre de son indice sur la perception de corruption.

Et comme à Maurice, d’autres facteurs viennent faire diversion pour obstruer le travail de la justice. Si à Port-Louis, par exemple, l’ancien Attorney General Ravi Yerrigadoo a pu déverser ses larmes, lors d’une fête religieuse, sur des ondes complaisantes, dans une tentative désespérée de retrouver son poste d’Attorney General, à Nairobi, l’arrestation du ministre des Finances reste largement commentée à partir d’un prisme communautaire.

Certains médias présentent Henry Rotich avant tout comme un Kalenjin, la deuxième tribu du pays, qui est aussi celle du vice-président William Ruto. Les Kalenjin ne ratent jamais une occasion pour montrer du doigt le président Kenyatta, qui est, lui, un Kikuyu. «Sous couvert d’une lutte contre la corruption, un combat ethnique est mené en sacrifiant ceux qui connaissent les rouages de la cuisine de Kenyatta», écrit la presse d’opposition du Kenya. Celle-ci, du reste, traite les parlementaires de «MPigs» au lieu de «MPs» car ils sont perçus par la masse comme des hyènes (qui n’ont le ventre jamais plein), et qui sont davantage intéressés à créditer leurs comptes qu’à améliorer les lendemains de leurs compatriotes.

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Ça y est ! Celui que sir Anerood Jugnauth avait refusé de rencontrer à New York pour discuter du dossier Chagos est devenu le nouveau Premier ministre de la Grande-Bretagne – alors que SAJ, lui, est de plus en plus éloigné de la sphère décisionnelle du gouvernement mauricien. Sous des dehors burlesques et une blonde chevelure quasi ébouriffée, Boris Johnson est bien plus rusé qu’il n’en donne l’air. Il serait donc intéressant de voir comment celui que les Britanniques ont toujours appelé par son prénom va réagir par rapport à la base militaire de Diego Garcia que le 10 Downing Street loue au Pentagone, malgré les résolutions onusiennes et la décision de la Cour internationale de justice.

Baptisé le Trump anglais par la presse internationale, Boris Johnson a pour l’heure les yeux rivés sur le départ de l’Union européenne programmé pour le 31 octobre prochain, quelles que soient les circonstances. Pour son premier discours comme PM, Johnson a expliqué qu’il aurait souhaité partir avec un deal, mais qu’il se prépare à toutes les éventualités. «L’accord de retrait négocié par mon prédécesseur [Theresa May] a été rejeté à trois reprises par cette chambre. Ses termes sont inacceptables pour ce Parlement et ce pays. Aucun pays qui valorise son indépendance et le respect de soi ne pourrait accepter un traité qui fait fi de son indépendance économique et de son autonomie...», insiste Johnson, qui se réclame de Winston Churchill et qui souhaite laisser son empreinte comme celui qui fera de la Grande-Bretagne la plus grande nation au monde. De quoi faire blêmir Donald Trump !