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Il n’y a pas qu’Etienne qui mange bien !

25 août 2019, 07:21

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Depuis l’enfance, on entend cette devise : l’appétit vient en mangeant. Mais à ce point ! Le gouvernement, en moins de cinq ans, nous a impressionnés par son appétit qui semble être sans limites. Les factures d’Etienne Sinatambou sont mortelles. Dans la mesure où elles viennent confirmer les excès ministériels, tolérés par des hauts fonctionnaires, qui sont souvent de mèche avec les politiciens qui pillent sans vergogne l’argent du contribuable. Les notes de frais dans les grands hôtels contrastent brutalement avec la politique d’austérité instaurée par le même ministre dans les centres de refuges, où «dilo ek biskwi» sont de rigueur. 

«It is their time to eat!» Le titre de cet édito, en date du 30 avril 2016, est inspiré d’un livre sur le travail de John Githongo, journaliste qui mène, depuis de longues années, une lutte contre la corruption endémique au Kenya. Quand l’opposition y a gagné les élections de 2002, Githongo avait été nommé tsar de l’anticorruption par le nouveau président, Mwai Kibaki. L’opposition avait attiré les faveurs de l’électorat avec une promesse de balayer la corruption qui s’était corsée sous le régime de Daniel Arap Moi. Mais Githongo savait que son travail allait être ethniquement sensible. Il est kikuyu, faisant partie de la même communauté ethnique que Kibaki. Au Kenya, il existe un système rotatif d’élites tribales qui savent que le fait de contrôler la présidence, un ministère capital ou une entreprise parapublique, leur donne le droit de «manger». Au Kenya comme à Maurice, «manger» veut dire «se gaver aux dépens de l’argent public». Githongo n’allait pas tarder à connaître une situation qui allait l’affecter directement sur le plan personnel. Il a commencé à avoir des pistes sérieuses à propos d’un nouveau scandale tramé par des ministres et impliquant dix-huit contrats militaires et de sécurité d’une valeur de près d’un milliard de dollars. Si c’était assez facile de promettre d’enquêter sur les escroqueries commises par Arap Moi, d’ethnie kalenjin, en revanche, démarrer une investigation sur un kikuyu travaillant pour un président kikuyu dans un régime dominé par les kikuyus était autrement plus compliqué. Comme journaliste, Githongo pouvait trouver des motifs pour regarder ailleurs : un bon salaire, une jolie maison, une famille qui voulait une vie tranquille et une fiancée qui espérait se marier. Il était un Kenyan profondément moral, qui croyait en un État de droit non tribal. Il détestait cette phrase fétiche des politiciens : «c’est à notre tour de manger». Alors il a enregistré les conversations des ministres impliqués dans le cas «Anglo Leasing» et a choisi de fuir le Kenya, pour se cacher à Londres, afin que la vérité puisse éclater. Et elle a éclaté ! L’histoire de Githongo n’est pas si importante pour son résultat final – personne n’a été condamné ou emprisonné dans le cas «Anglo Leasing» –, mais elle a donné aux Kenyans un nouveau modèle à suivre… une nouvelle raison d’espérer. De la même façon, les factures de Sinatambou, qui nous valent des réclamations de Rs 50 millions, viennent éclairer les petites manies des ministres qui se gavent à nos dépens, avec un réseau de complices bien placés. 

Le 12 août 2016, sous le titre «It’s their time to eat (Part II)», l’on commentait le portrait-enquête de Kailash Trilochun, avec, en guise d’intro, ce questionnement : «Cet avocat, doublement parenté au ministre des Infrastructures publiques et du transport en commun, est de plus en plus grassement payé avec l’argent des contribuables; qui est cet homme ?» On pensait, manifestement à tort, qu’en braquant ainsi les projecteurs sur le cousin et beau-frère de Nando Bodha, cet article et les nombreux commentaires qu’il a effectivement générés allaient quelque peu calmer ses ardeurs. Or, en prenant connaissance de sa facture révoltante de Rs 19 millions, on n’a pu que confirmer que l’appétit des proches des ministres aussi grossit, en mangeant. 

Il y trois ans on notait que grâce à des individus comme Trilochun et des projets comme Heritage City, l’alliance Lepep avait atteint un niveau d’insatisfaction record. Car ses actes détonaient un peu trop avec les promesses de nettoyage qui ont été faites dans le cadre des législatives 2014. Certes avant Lepep, il y avait aussi Me Yatin Varma qui convoitait les cachets pour n’importe quel Legal Advice. Bodha a essayé de caser son proche : à un moment, on avait noté l’omniprésence de Me Kailash Trilochun, de la RDA à la FIU en passant par l’ICTA et la MSCL. Sous Ramgoolam, le pandit Sungkur, proche des travaillistes, avait reçu un bout de la plage publique de Trou-aux-Biches pour y construire un snack. Sous Jugnauth, l’époux de la PPS Boygah reçoit un barachois pour cultiver des bambaras. Les similitudes demeurent saisissantes d’un régime à un autre. 

En mars 2017, on s’étonnait des Rs 323 200 de revenus par mois – puisées de nos sous de contribuables ! Soit davantage que le salaire de base de la présidente (Rs 296 000), du Premier ministre (Rs 290 000), du leader de l’opposition (Rs 253 710). Quel appétit, écrivions-nous, alors, sous le titre : It’s their time to eat, Part III. Rs 323 200, ce sont les revenus indécents que touchait Vijaya Sumputh comme directrice au centre cardiaque de Pamplemousses (contre Rs 117 000 pour l’ancien directeur). Ce n’est pas Anil Gayan, pourtant adepte des salaires des autres (surtout du mien), qui avait levé le voile sur ce chiffre impressionnant. Mais le courageux Anwar Husnoo, visiblement choqué par ce sombre contrat, finalisé en quatrième vitesse, par son prédécesseur à la Santé. On avait du reste salué la position du ministre Husnoo qui avait réclamé une enquête sur ce flagrant abus du système gouvernemental par rapport à une nomination, pourtant effectuée par son parti, le Muvman Liberater du «nain politique» qu’est Ivan Collendavelloo (dixit Xavier-Luc Duval). Ce faisant, Husnoo avait placé l’intérêt du pays au-delà des règles du ML, un parti confetti qui se sent pousser des ailes depuis le départ des coqs dans le poulailler de Lepep. N’importe quel gestionnaire honnête aurait trouvé indécent ce salaire de Sumputh. Indécent puisqu’à la base, sa nomination est en litige devant la justice pour conflit d’intérêts. Et ce, à la suite d’une enquête initiée par l’ancien président de l’Equal Opportunities Commission (EOC), Brian Glover – qui, depuis, a été éjecté de son siège. Indécent aussi parce qu’on vient nous dire qu’elle a été augmentée (de Rs 100 000) parce que le centre avait, à un moment, un chirurgien cardiaque en moins à payer. Et alors que la directrice exécutive du Trust Fund for Specialised Medical Care plaidait pour l’annulation de sa convocation, en jouant sur le fait que Me Gayle Mary-Jane Yerriah, une nominée du MSM, faisait partie de l’EOC alors qu’elle n’avait pas cinq ans d’expérience comme avocate. Le ML n’a pas toujours été solidaire du MSM lorsqu’il s’agit de défendre les revenus de ses chéries, ou de manger à tous les râteliers.