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Workers’ Rights Bill 2019 – Right ahead or Left behind?

30 août 2019, 09:41

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Excellente impression à la première lecture du Workers Rights Bill 2019, impression se renforçant après plusieurs lectures et beaucoup de lectures parallèles, pour en apprécier tout le suc.

Appréciation d’abord de l’énorme travail abattu pour redéfinir le Employment Rights Act de 2008, en gardant les éléments pertinents, en gardant même la structure d’origine (voir résumé ci-dessous), mais en changeant radicalement ce que seront, pour les 10 ans à venir, les droits des travailleurs et les obligations des employeurs.

Travail ayant demandé la prise en compte d’une pratique de la négociation et de la pratique syndicale depuis 10 ans, d’une jurisprudence des juges chargés de la mise en application du texte de 2008, avec leurs réserves sur tel ou tel aspect, d’une pratique patronale face aux défis du monde de l’entreprise, mais ayant aussi demandé une solide appréciation de ces éléments et un savoir-faire de légistes pour pouvoir les remanier et les ré-agencer, tous cela sous l’arbitrage du pouvoir politique.

Et qui nous a fait passer des 18,300 mots en 75 articles dans 15 parties de 2008 aux 27,800 mots en 123 articles dans 15 parties – dont 13 sont identiques à celles de 2008 – en 2019.

Chapeau donc à tous ceux à qui nous devons cela. En saluant l’esprit de ce dialogue social sous le regard de la loi maintenant ancré dans notre quotidien (au lieu de son alternative hideuse, la force).

Et deux premiers vœux. Lors de nos budgets annuels (qui concernent une population de 1,2m), nous avons, dans les jours qui suivent, toutes sortes d’analyses et de mises en perspective de divers cabinets de comptables, d’audit ou d’économistes pour nous éclairer sur ce qui se joue. Ne pourrait-on pas, pour faire pendant à ces festins d’évaluations lors des budgets, avoir, à l’occasion de tout nouveau texte de loi, des évaluations juridiques de cabinets d’avocats, d’abord, mais aussi d’économistes (si possible pas de tel ou tel bord politique dans les deux cas) sur ce qui va affecter le quotidien de centaines de milliers de personnes et les décisions d’investissements de milliers d’entrepreneurs ? Ne pourrait-on pas, par ailleurs, publier tous les comptes-rendus de réunions, non seulement entre les différentes parties (pour faire le point, par exemple et entre autres, sur qui a proposé quoi, sur chaque article final, et à quel moment), mais aussi ceux des légistes, en interne, pour faire progresser le dossier, pas à pas sur des mois? Avec quelques-unes des directions envisagées et des options de rédaction qui ont circulé avant d’arriver à celle, finale, qui a été retenu ? Un peu comme les propositions de ‘regulations’ qui sont circulés avec la ‘regulation’ finale et qui, me semble-t-il, éclairent à la fois les enjeux pour les citoyens qui s’y intéressent et les juges qui viendront ensuite interpréter tel ou tel article.  Ou faire, comme pour les EIA, des accès publics pour analyse et avis ?

Ceci afin de mieux ancrer la direction prise pour de longues années et qui nous obligera tous après le compromis fait par quelques-uns.

Une fois cela dit, venons-en à quelques éléments du nouveau Bill, bientôt Act.

Dissymétrie des parties et corrections en conséquence.

Une relation d’embauche est d’ordinaire asymétrique et de là vient, il me semble, les corrections ou les garde-fous que la loi apporte pour corriger la dissymétrie.. 

D’un côté, un entrepreneur avec un plan pour développer une activité de production et de service, avec ses études de marché, ses équipements à acheter et à faire mettre en route, ses fonds propres (ou à emprunter) requis, le rendement qu’il attend de ceux qui feront vivre cette activité, etc, etc, pour arriver enfin, au rendement sur le capital qu’il investit. Rendement annuel souvent du même ordre de grandeur, sinon plus, que le niveau de tous les salaires payés par le projet annuellement.

De l’autre, un futur salarié avec plus, ou moins, de compétences générales, de compétences techniques ou spécialisées ou de management, et qui intègrera généralement une équipe (ou, plus souvent, une hiérarchie) à un certain niveau de responsabilités, avec des taches d’exécution ou d’organisation ou de contrôle, etc, etc, et qui pourra, ou non, faire son chemin, s’il le souhaite, dans l‘entreprise.

Une loi comme la Workers’ Rights Bill, vient actualiser un certain nombre de bases sur ce que ces deux parties ont le loisir de convenir ou de conclure entre eux au départ – et durant le cours – de leur relation. D’où toutes les stipulations sur les types de contrat possibles, les heures de travail, les salaires et leur paiement, les pauses et les congés, etc, etc, et qu’on s’attend à voir soit s’améliorer (temps d’attente de transport, non payé, passant de 45 à 30m, 14 semaines de congé maternité au lieu de 12, éligibilité à 13e mois sans faire 80% de l’année avec son dernier employeur,), soit s’élargir (travail à temps partiel, remboursement des jours de congés maladie accumulés, Redundancy Board, Protection de rémunération, Gratuité retraite, etc, etc) lors de leur toilettage tous les dix ans.

Difficile ici de faire le bilan de tout ce qui reste, de tout ce qui change, mais, pour ce que cela intéresse, vous pouvez consulter https://drive.google.com/open?id=10xxgRCmArdVJWVe890uKvEmRDO5RO0lM pour un comparatif, dans un même document word, des deux textes, qui peuvent alors, par un simple split screen, se lire article contre article correspondant.

Avancées attendues donc et, bien souvent, légitimes, pour le travailleur, sur la plupart de ces bases. Mais avec son revers usuel: est-ce-que la nouvelle donne incite ou pas à continuer (ou à se décider) d’entreprendre ? Est-ce que trop de balises freine (ou peut même tue) l’embauche actuelle ou future ? Car si personne n’embauche – ou pire si certains désembauchent – du fait de la perception, par exemple, d’un carcan trop étroit, de charges trop lourdes imposés, tout le monde est perdant. C’est, semble-t-il, la base même des objections au nouveau texte, même si je dois avouer que j’ai cherché, sans trouver, le fond de ces objections – comme si leur formulation et leur argumentation posaient problème. J’y reviendrai sur cet élément, qui me semble être le fond de l’affaire avec un simple constat : Combien de milliards faut-il compter pour infléchir une politique d’embauche ? Rs1 milliarld ? Rs2mlds ? Rs5mlds ? Rs10mlds ? Et nous verrons que de tels chiffres sont effectivement en jeu sans que personne ne les ait encore, à ma connaissance, mentionnés.

Dissymétrie souvent, dissymétrie toujours ?

En attendant, est-on toujours dans une situation dissymétrique radicale comme celle évoquée plus haut ? En faisant donner de l’artillerie lourde contre tout non-paiement de rémunération par un nouveau « Protection of Remuneration » de 10 articles, avec même l’option d’un « Protective Order » sur les biens de l’employeur ? Je continue en anglais pour mieux me rapprocher des textes.

“Employer” is defined (in both 2008 and 2019) simply as “a person who employs a worker and is responsible for the payment of remuneration to the worker”, without consideration for motive of person employing 
(a) in expectation of a profit that will result from an activity of an employee, with investment of the employer for the purpose, as outlined in previous subsection,
(b) to service a need or to make up for an handicap or, finally, for convenience, eg a maid, a cook, carer or driver, with no profit motive as such.

Note: In case of (a), the amount of profit expected is usually at the same scale as that of salaries and wages paid (and sometimes can be significantly higher), with an asymmetry on means from each party at start and during the employment, asymmetry that the legislator has to circumscribe. With thus protection order on the assets of an investor, not in my mind, an inordinate measure in such cases.

Whilst in (b) there is no investment as such for the purpose of the recruitment (the cook will, in most cases, use the same kitchen, the driver will use the same car, the carer will use the same bathroom – even if some minor additions may be required because of the incapacity of the employer) and the asymmetry in such cases, at start and during the employment, is less evident.

In my mind, distinction between (a) & (b) should be introduced as gratification of employer actually very different in each case. Especially if, as is now the case, the property of the employer can be engaged at discretion of a supervising officer (“where he thinks fit” – Part VI, Protection of Remuneration, section\article 32) in case of arrears of remuneration (even if application needed to Judge in chambers and amount or value of the property must be shown to be proportionate to the amount of the unpaid remuneration), with protective order, and then actual order, against a property. Shall we need an embezzlement case against employee of a deceased person to put this right? 

Note: above issue possibly linked to low current yearly Rs30k tax allowance for employment of carers. Allowance only granted to old age persons earning (through pensions or dividends) more than Rs310k per year (Rs26k per month). As most people are below this threshold (or below of threshold of yearly Rs420k for persons with one dependent), they get no help for carers, despite their craving need for such carers. Should an allowance for carers be granted (as from 75, 80 or 90 yrs) to alleviate the problem?

Such an allowance (payable if person earning less than Rs310k yearly, as pension or other revenues, and if person has either registered carer at MRA or if person in a home) would amount to

  • Rs 150m if Rs5,000 paid monthly to 3,000 persons above 90,
  • Rs 540m if Rs5,000 paid monthly to 9,000 persons above 85.

Balance needed to finance a carer would then be at old person’s and family’s expense.

Note: Increasing the threshold for Income Exemption Relief for dependent would unfortunately not solve problem as most people with dependent parent(s) do not earn more that the IEF.  

Above figures (3,000 persons above 90 and 9,000 above 85) deducted from 2011 census figures below, with figures probably already higher and expected to go higher in the coming years as our population grows older in structure, with job employment possibly double the number of persons requiring carers.

Retirement Gratuity

Je pense (car je n’ai pas trouvé d’autre ayant le même impact) que là réside la principale objection aux nouvelles règles. Même si la clause qui donne droit à 15 jours d’indemnité de départ (Retirement Gratuity), en cas de retraite ou de décès, n’est pas nouvelle et existe depuis le texte de 2008, le texte de 2019 ne faisant que durcir les règles d’application (dont sa portabilité et la création d’’un fond de gestion, la Portable Retirement Gratuity Fund et qui cognera à la porte de tout employeur pour tout shortfall) qui étaient bien vagues en 2008.

Cette éligibilité, basée sur le dernier salaire, n’est pas négligeable.

Si quelqu’un touche une base mensuelle de, disons Rs15,000 et qu’il est employé depuis 1 an, son indemnité de départ en cas de retraite ou de décès est de Rs 8,100 (en faisant jouer le 13e mois sur le revenu mensuel).
S’il est employé 

  • depuis   5 ans, cette indemnité de départ est de Rs 40,500,
  • depuis 10 ans, cette indemnité de départ est de Rs 81,000,
  • depuis 15 ans, cette indemnité de départ est de Rs 121,500,
  • etc

les sommes devenant donc non négligeables au fur et à mesure de l’ancienneté (l’équivalent d’un an du dernier salaire après 24 ans de service).  Bien sûr, sous certaines conditions dont la principale est l’absence de retraite de l’employeur.

L’article 93 du Workers’ Rights Bill mentionne le paiement par l’employeur d’une contribution mensuelle, qui sera crédité dans le compte individuel de chaque travaileur qu’il emploie au Portable Retirement Gratuity Fund et ce pour payer le Retirement Gratuity. Et ce même article mentionne que les taux de ces contributions seront prescrits (the contributions under this Act, in respect of each worker in his employment, at such rate as may be prescribed), mais sans dire combien et par qui.

Il est facile de calculer le taux plancher de ces « rates of employer contribution » considérant que

  •  l’employeur est le seul qui paye (pas de contribution de l’employé),
  • la somme dûe par l’employeur est exigible pour chaque année pendant laquelle l’employé est chez lui et doit se comptabilise sur son dernier salaire chez cet employeur.

Sous ces hypothèses, si quelqu’un touche Rs10,000/mois (comme base de salaire, soit Rs120,000 par an), avec son 13e mois, il touche en fait Rs10,840/mois (10,000 X 13 / 12) et c’est ce dernier montant (his emoluments dit le texte, qui définit aussi earnings et remuneration) qui est pris en compte pour le paiement de sa Retirement Gratuity (RG), soit 15 jours pour l’année en cours [article 95(4)], soit Rs 5,420, soit 4.5% de son salaire de base annuel. Avec paiements par l’employeur en 12 mensualités de Rs451.66, soit 4.5% de son salaire de base mensuel

Donc, avec ce montant annuel payé, l’employeur est couvert par son obligation envers l’employé pour la RG. Je ne tiens pas compte des intérêts que cet argent pourra rapporter par la gestion du Portable Retirement Gratuity Fund, car ce dernier, dans le contexte actuel va probablement générer que du 2-5% par an (voir note ci-dessous). Et couvrant donc seulement une partie de l’augmentation requise des sommes payables du seul fait de l’augmentation annuelle des salaires.

En fait, l’augmentation annuelle des salaires (et la nécessité de la couverture RG sur le dernier salaire) fait que la contribution pour le RG passe à de 4.5% (du salaire de base) à l’année 1 à 5% à l’année 3 et à l’année 1 à 5.7% à l’année 3.

Avec des sommes significatives engagées, comme le démontre les 2 tableaux ci-dessous avec deux hypothèses d’augmentation de salaire annuel (et où l’on retrouve les sommes mentionnés plus haut de Rs1mlds / Rs2mlds / Rs5mlds). 
J’assume, pour calculer l’augmentation des contributions,

  • qu’entre 100,000 et 350,000 personnes sont concernés par la RG – reste gouvernement ou privés déjà pensionnés par leur employeur, 
  • un salaire moyen de Rs15,000/mois ,
  • des augmentations annuelles comme ci-dessous.

Avec 3% d’augmentation de salaire annuel :

 
Avec 5% d’augmentation de salaire annuel :
 

Ce qui compte, c’est que l’on doit considérer les sommes ci-dessus comme des ponctions sur les profits des sociétés qui la payeront et que l’on doit donc se poser la question de leur effet sur l’emploi.

Mais j’avais parlé de Rs10 milliards de possible ponction. Ce dernier chiffre se déduit facilement de l’obligation de tout employeur de couvrir, sur la base du dernier alaire, les années passées par l’employé chez lui.

On a vu que, pour l’année en cours, Rs2.8mlds de provision sont requis pour couvrir la RG pour 350,000 personnes. Si l’employeur a des employés avec une moyenne d’âge de 4 ans, il lui faudra 11.2 mlds pour couvrir les 4 précédentes années et s’il le fait en 3 ans, cela ferait Rs3.7mlls par an. CQFD.

Voir feuille 4, pour détails des calculs ci-dessus.

Note 1 : Le Portable Retirement Gratuity Fund recevra, si 350,000 sont employés à Rs15,000/mois de salaire de base (Rs 16,250 avec 13e mois), Rs2,8milliards par an de contributions et, si elle paye 10% aux retraites ou décédés, un net annuel de ± Rs2,5mlds à gérer (Rs1.8mlds si 250,000 concernés).

Note 2 : Problème pas clair dans le Bill.
Prenons le cas suivant : Un employé de 40 ans, en 2019, 

  • éligible donc, d’après le bill, à un Retirement Gratuity en 2039 (lors de ses 60 ans), 
  • ayant 20 ans d’embauche préalable chez 2 employeurs (autres que son employeur actuel) comme suit : 2000-2009 chez employeur A, 2010-2016 chez employeur B (et depuis 2017 chez son employeur actuel).

Pour lui payer son entière RG en 2019, il faudra que le PRGT récupère les contributions suivantes :
(i)    3 ans de contributions chez son employeur actuel (et ses contributions depuis 2019 jusqu’en 2039 s’il le demeure),
(ii)    7 ans de contributions (2010-2016) de l’ancien employeur B,
(iii)    10 ans de contributions (2000-2009) de l’ancien employeur A.

Est-ce que le PRGT pourra récupérer (ii) & (iii)

  • Si l’employé a signé, lors de son départ de chez A & B, comme c’est d’habitude le cas, un solde de tout compte ?
  • Si l’employeur A ou B ou les deux ne sont plus en activité ?
  • Si des prescriptions doivent être tenues en compte ?

Et on est en droit de se demander si l’équipe de légistes, que j’avais admirée, s’est laissé surprendre par l’étendue du réel ?

La PRGF se donnera-t-elle les moyens pour récupérer ces arriérages ? Dans quels délais ? Il me semble que le mois prévue pour de telles récupérations [dans l’article 95, alinéas (1) &(2)] sera largement insuffisant pour récupérer tous les montants pour tout le monde et que le PRGF dans sa notification périodique aux employés sur les contributions à leur nom, devra mentionner les montants non encore récupérés et qui, s’ils ne le sont pas, réduira le lump sum prévue par la loi lors de leur retraite ou décès.

Avec, par ailleurs, si la récupération aboutit, une augmentation sensible (quelques milliards, excusez du peu …) de la ponction faite sur les entreprises.

Note 3 : je réserve, pour plus tard pour ne pas faire trop long, d’autres points qui pourraient être soulevés par ailleurs sur le PRGF dans ses multiples fonctions (collecter, informer, gerer, payer)

A last one for the road (after the stiff drink needed to swallow above)? 
Where have the employees gone? All now workers?

Definition of terms “employer” and “worker” same in both 2008 and 2019 texts (except that contract of service, used in 2008 to define an agreement – “agreement” means a contract of employment or contract of service between …”) is omitted in 2019, with term employee never used (even if employ as part of word – employer or employment – and as verb employ used 432 times in 2008 and 633 in 2019). 

In fact, 

  • ACT 2008 mentions “employer” 216 times & “employment” 177 times, whilst Bill 2019 mentions “employer” 360 times & “employment” 193 times.
  • ACT 2008 mentions “worker” 442 times, whilst Bill 2019 mentions “worker” 682 times.

I was surprised by the elimination of the distinction. My suspicion is that the state burial of employee occurred some time around 2014 as can attest the following 2014 regulation concerning the Catering & Tourism Industries:

Recommendations

Final regulations a few weeks later:

Have we eliminated the wrong word? What’s in a name some may object? And if we need to distinguish the two terms, should we do so on what basis? And for what benefit? Or for what outrage? Heavy, weighty, questions that left me very thoughtful and on which I would welcome some clarifications.

Workers’ Rights Bill – Right ahead or left behind? (Part 2)

Denis Rivet
drivet@intnet.mu