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Arrangement postélectoral mais attention ne mettons pas le feu aux poudres
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Arrangement postélectoral mais attention ne mettons pas le feu aux poudres
Il est plus que certain que le Parti travailliste (PTr), le Mouvement socialiste militant (MSM) et le Mouvement militant mauricien (MMM) seront engagés dans une lutte à trois pour tenter de remporter une majorité de sièges aux prochaines élections. Le PTr et le MSM bénéficieront d’un soutien supplémentaire de petits alliés. Le MMM, à moins d’une alliance miracle avec le MSM, part seul à ces élections. Suivant les réactions diverses notées lors des élections de 2014, on devrait exclure dès maintenant tout pacte préélectoral entre Navin Ramgoolam et Paul Bérenger. Quant à la zoli mamzel Parti mauricien social-démocrate (PMSD), elle se retrouverait vraisemblablement dans le harem des Rouges bien qu’un rapt du Sun Trust n’est pas à écarter.
Contrairement aux amateurs des théories du complot qui voient une intervention de Narendra Modi pour qu’une alliance préélectorale soit dégagée entre le Labour et le MSM, une telle éventualité est difficilement réalisable. C’est croire que Modi exerce une telle influence sur Navin Ramgoolam et Pravind Jugnauth qu’il pourrait sommer les deux à enterrer leurs différences et tomber d’accord pour pouvoir battre le MMM ou le Parti Malin qui menace les intérêts de l’Inde ?
Donc, lutte à trois entre MMM, MSM et PTr. La dernière fois qu’il n’y a pas eu de bipolarisation aux élections, cela remonte à 1976 quand le Labour (soutenu par le Comité d’Action Musulman), le MMM et le PMSD affrontèrent l’électorat, chacun de son côté. Depuis, les élections générales ont toujours vu l’affrontement entre deux blocs. Cette formule est largement dictée par le système électoral First Past The Post (FPTP).
Dans une situation à la 1976, si trois partis s’affrontent à Maurice, le résultat reste incertain, à moins que l’un de ces partis parvienne à s’imposer nettement par rapport aux autres. En 1976, des candidats des trois partis se firent élire dans la plupart des cas avec moins de 50 % du vote. Dans le cas particulier de Paul Bérenger, à Belle-Rose–Quatre-Bornes, il se fit élire avec 36 % des voix. Le PMSD Robert Rey fut proclamé élu avec 35 % des voix dans le no20. Les votes étaient tellement divisés entre trois partis que le FPTP faussa tout le jeu électoral. Ce qui pourrait se passer en 2019, si un parti n’arrive pas à impressionner l’électorat comme vainqueur inévitable dans les circonscriptions rurales tout comme urbaines.
Aux élections de 1976, bien que recueillant nettement une minorité de voix comme dans le cas de Bérenger, le MMM s’imposa comme le plus grand parti du pays, enlevant à lui seul 30 sièges sur 60 de l’île principale de Maurice. Le PTr obtint 25 sièges et le PMSD, sept. Avec la désignation de quatre best losers au MMM, trois au PTr et un au PMSD, le Parlement se retrouva donc avec un MMM disposant de 34 sièges, les travaillistes 28 et le PMSD 8. Donc, quand le Labour et le PMSD concluent une alliance postélectorale, ils ne disposèrent que d’une majorité de deux sièges, 36 contre 34.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, les partisans du MMM, bien que convaincus d’avoir été «volés» d’une belle victoire, ne se livrèrent, en décembre 1976, à aucun acte de violence pour exprimer leur mécontentent. Il faut reconnaître que l’alliance PTr-PMSD parut «naturelle» auprès de leurs partisans, surtout depuis l’adhésion du PMSD dans un gouvernement de coalition avec sir Seewoosagur Ramgoolam en 1969. Aussi, en 1976, il aurait été totalement impensable – on aurait crié à l’hérésie idéologique – si le MMM et le PMSD avaient conclu une alliance postélectorale. Ces deux partis ensemble auraient contrôlé pas moins de 42 sièges au Parlement contre 28 aux Travaillistes.
Mais sait-on encore comment les partisans travaillistes auraient réagi en 1976 si le MMM et le PMSD s’étaient ligués pour s’approprier le pouvoir ? Que se passerait-il en 2019 si on se retrouve devant un tel scénario ? Si un accord postélectoral est perçu par une bonne section de l’électorat comme un vol de leur vote ? Une lutte à trois est annonciatrice de sérieux troubles politiques et sociaux si le verdict de l’électorat n’est pas tranchant mais ambivalent comme en 1976.
Un autre scénario difficile à gérer se produirait quand un parti obtient une majorité de voix mais pas une majorité de sièges. Le FPTP favorise de telles perversions. Ainsi, en 1976, avec 38,34 % des votes, le MMM s’appropria 30 sièges mais avec seulement 0,74 % de votes de moins, les travaillistes n’eurent droit qu’à 25 sièges. Perversion suprême quand aux élections de 1982, le PTr rallia 25,78 % des voix mais ne remporta aucun siège. En 2019-20, suivant une lutte à trois, un parti pourrait remporter un nombre relativement important de sièges sans vraiment obtenir un pourcentage convaincant de voix. Un genre de remake du MMM de 1976.
Le scénario du pire serait le regroupement de deux partis qui ont une faible majorité de sièges mais qui ensemble n’ont recueilli que moins de 50 % des votes. Les partisans s’estimant floués par cette alliance postélectorale pourraient descendre dans la rue, fermer des établissements privés et publics, bloquer la circulation routière, mettre le feu aux bungalows IRS et faire fuir les touristes.
Tout arrangement postélectoral devrait être conclu sur des résultats tangibles et incontestables prouvant qu’une force politique a mérité la victoire sur sa base de l’adhésion majoritaire de la population. Pour cette raison, les deux principaux partis, le MSM et le PTr, pourraient être tentés de rallier le plus large possible, en cherchant même le soutien des partisans du MMM. Est-ce dans la perspective de cette stratégie que le MSM a récemment débauché un certain nombre d’éléments pro-MMM ou issus de ce parti ? Navin Ramgoolam pourrait lui aussi lancer un appel aux pro-MMM de voter utile pour déboulonner les Jugnauth.
D’une part, les Jugnauth vont inviter les partisans du MMM à empêcher le retour de Navin Ramgoolam. Ce dernier invitera, pour sa part, au plus grand nombre possible de voter utile, voter travailliste, pour déboulonner les Jugnauth et Lakwizinn.
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