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Choisir (le moins mauvais…)

22 septembre 2019, 07:36

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Les Mauriciens sont obnubilés par la politique. Ne me demandez pas pourquoi, mais même s’ils se disent déçus de l’un ou de l’autre ou d’eux tous, c’est la politique qui occupe leurs pensées, qui chatouille leurs méninges, qui alimente leurs thèses et nourrit leurs analyses. Avec la même passion accordée à Dallas ou à Marimar, sauf que dans cette télénovela-ci, on s’y retrouve au beau milieu !

À la sortie d’un bureau mardi, à Port-Louis, quelqu’un se présente à moi. «Ou pa konn mwa, mé mo konn ou. Mo finn deza zwenn ou dan lakour. Ou enn gran analist dan lagazet ou, mo ENA boukou respé pou saki ou ekrir. Ki ou pansé lalit a trwa, ek lor eleksion pé vini?»

Et sans attendre ma réponse, il procède immédiatement à me faire part de ses thèses à lui ! Avec conviction et sans beaucoup se soucier de mon absence de réaction. «Dan 1, 2, 3, 4, pena MSM, ENA PTr kont MMM. Dan 5,6, 7, 8, 9, 10,11, MMM kapav fer dezord, mé zis MSM avek PTr ki pou tir depités. Dan 12, 13, 14,15, tou lé trwa kapav meté. Dan 16,17, 18,19, 20, mo trouv MMM pé al gagné» Et d’ajouter : «Si MMM met enn kreol dan no 5, kapav ENA bel sirpriz!» Ah oui ? Les espoirs de ce monsieur semblent clairement collés à une meilleure fortune du MMM. Il rajoute sa conviction que les élections sont communales, même si j’essaie de lui expliquer que c’est seulement «à la marge» que c’est «communal» et que l’on vote, en fait, plutôt «le parti» et son leadership que la «communauté» dans ce pays. Il insiste et rajoute à sa concoction que les Tamouls comme lui pourraient ne plus être élus désormais ! Il ne m’explique pas pourquoi…

Ils sont nombreux ceux qui, comme ce monsieur, ont une opinion «experte» à partager. Chacun d’entre eux a un favori et tente de rationaliser sa thèse ou sa préférence. Certains ont des thèses particulièrement raffinées, en y rajoutant des considérations existentielles, castéistes ou socio-économiques. Cependant, si ces nombreux citoyens déjà engagés auprès de leurs favoris sont bien présents, il est probable que le plus fort contingent d’électeurs du pays se retrouve, une fois encore, parmi les indécis, ou les «ne savent pas» (nsp), ou plus exactement, ces jours-ci, les «ne savent plus du tout» (nspdt), tellement la politique semble les avoir franchement déçus ou s’être éloignée de leur quotidien et de leurs aspirations. Ils sont au moins 40 % des électeurs à ce stade, peut-être plus. Si le taux de participation reste à peu près semblable à ceux du passé (et il y a quand même un scénario possible de baisse, alimenté par les déçus, au point où ils renoncent à leur vote démocratique – ce qui serait un comble !) – il est clair que ce seront les «nsp» qui décideront des prochaines élections…

S’ils votent, comment voteront-ils éventuellement ? Et, plus important encore : qu’est-ce qui les motiveront à voter l’un plutôt que l’autre ?

Il y aura les inévitables décisions de ceux à qui on fera une promesse particulière (un emploi, un contrat, une licence) et certains y croiront encore. Le problème ici, c’est qu’après de nombreuses élections, les électeurs savent bien que les politiciens promettent bien plus qu’ils ne peuvent effectivement assurer et que dans un tel système, il y aura inévitablement plus d’insatisfaits que de satisfaits, dont probablement eux-mêmes. Car, il y a évidemment une limite au nombre de contrats de transport du personnel ou de fourniture de nourriture à la prison ou ailleurs ! Les autres seront motivés par une foultitude d’autres raisons, mais les indécis ne seront probablement pas motivés par un vote communal et se laisseront bien moins facilement prendre par un slogan creux à fort contenu émotionnel comme le «Viré mam!» de 2014. Car qui s’est laissé prendre une fois…

Il faut espérer qu’ils voteront les hommes et les femmes de qualité, qui ont des principes, qui sont honnêtes, qui ont des idées, quel que soit le parti dans lequel ils se retrouveront… Pourvu qu’il y en ait dans l’offre éventuelle !

C’est la saison ! Veille d’élections ? Contestations pour essayer d’obtenir des concessions d’un gouvernement qui a besoin de votes ! Médecins ! Ti planteurs ! Educators’ Council ! Même farine ? À qui le tour ?

Quand on regarde la planète et le comportement des «grands pays», il n’est pas interdit de se poser quelques questions. La vague anti-libérale, qui a cycliquement produit Trump, Salvini, Orban, BoJo et d’autres, conditionne une nouvelle image aux pays qu’ils dirigent. Par exemple, si on questionnait souvent les États-Unis, caricaturalement arrogant et viscéralement mercantile, dans son rôle de gendarme du monde, aujourd’hui, on regrette le gendarme d’hier ! Mais plutôt que cette question-là, il est, me semble-t-il, plus logique de la prendre par un autre bout et, comme aux élections, de se demander «Qui d’autre ?» ou «Qui sont les moins mauvais ?»

L’Angleterre du Brexit foufou, qui s’accroche aux Chagos, même face au vote défavorable d’une grosse pluralité des nations du monde et qui pond «Wind rush» des décades après l’émigration caribéenne de l’après-guerre? La Chine, le plus important pollueur du monde, contrôleur de tout ce qui se dit sur le Net chez lui, rééducateur des Ouïghours, des Tibétains et de Falun Gong, cyclope prêt à avaler Hong Kong et Taïwan, ultranationaliste et autoritaire (demandez à Cathay Pacific !)? La Russie, qui organise des élections en disqualifiant ses adversaires ou en les mettant en prison, qui peut apparemment tuer ses dissidents même à l’étranger, qui peut envahir quiconque le défie ? L’Inde qui peut, semblet- il, éventuellement rayer la citoyenneté de 1,9 million de résidents en Assam (et qui prépare la réintroduction d’un Citizenship Amendment Bill pour protéger les minorités fuyant les pays tiers, mais de manière discriminatoire) ou qui punit des journaux critiques du BJP, comme le Hindu ou le Times of India ou le Telegraph, en les boycottant de publicité, ou qui permet à Kuldeep Singh Sengar de sévir en Uttar Pradesh pendant plus de deux ans avant de s’en distancer ? Ou les États-Unis, envahisseurs de l’Iraq au motif d’armes de destruction massive, séparant des familles à la frontière Sud, mettant certains en cage, renversant, sans bonnes raisons, des décisions pro climat comme la Clean Air Act ou l’appartenance à la COP21, rejetant unilatéralement l’accord nucléaire avec l’Iran ? La France des touristes les plus sonores qui soient et qui a soutenu puis défait Bokassa, puis soutenu Ben Ali et qui souffre toujours de sa période bleue de la Francafrique?

Choisissez vous-mêmes… Et n’oubliez surtout pas de contrebalancer le ci-dessus (d’ailleurs incomplet) par leurs attributs positifs qui existent aussi, à des degrés variables, bien entendu.

Ce qui est certain, c’est ce qui s’est passé au Liban ou en Syrie, où des puissances externes se sont engagées pour soutenir des factions diverses, menant à des situations irréconciliables et irréversibles et donc à la guerre sanglante. La leçon en est qu’il nous faut continuer à être extrêmement prudents face aux puissances étrangères et les tenir à bout de bras, surtout s’ils s’ingèrent dans le fragile tissu socioculturel local… Rappelons-nous de la Libye qui aurait pu avoir engendré notre propre spirale vers l’enfer ! Merci SAJ !

Les États ont tous des intérêts, c’est entendu ! Nous aider, d’accord ! Nous dicter quoique ce soit, pas question ! Nous voulons des amis, pas des beaux-pères à la fois exigeants et encombrants !