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#J-22 : Un p’tit porte-à-porte et puis s’en va

16 octobre 2019, 07:15

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«Cette fois-ci, on ira seul aux élections. Ce sera une vraie rupture. On va rester à l’écoute des Mauriciens (…) On va changer votre vie et le destin du pays (…) L’eau va couler sans interruption dans vos robinets. On va créer des emplois pour que les jeunes ne quittent pas Maurice. On va arrêter la dilapidation des fonds publics (…) Il y aura un libre accès à l’information, de la transparence. Et l’égalité des chances ne sera plus un concept creux… et la MBC sera bientôt du même niveau que la BBC !» Paroles, paroles, paroles…

On entend en boucle, depuis quelques jours, ces belles promesses de politiciens qui se déplacent à pied jusqu’à nos portes. Ils tentent simplement de justifier le ticket magique (un véritable sésame) que leur leader a bien voulu leur donner. Délaissant leurs berlines, ils viennent faire la causette avec nous, et nous demandent même le nom de notre chien, ou des nouvelles de notre grand-mère déjà décédée. Les politiciens sont accompagnés des hommes et femmes de la région, des intermédiaires qui monnayent leurs services. Et qui connaissent, souvent vaguement, un membre de notre famille ou l’un de nos voisins. Ils accepteront volontiers une tasse de thé ou juste un verre d’eau, en restant debout car il y a du pain (bénit pour eux) sur la planche électorale. D’autres voudront utiliser nos toilettes, car le porteà- porte cela donne envie de se vider… Comment leur dire non, l’envie est si pressante.

Si on voit les symboles, candidats, campaign managers, agents, journalistes, en revanche, on ne voit pas les proches des candidats, encore moins les «bouncers» qui ne s’exposent pas trop lors des campagnes de proximité. Ils sont dans les coulisses, actifs.

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Il n’y a pas lieu d’avoir un faisceau lumineux pour éclairer les maux qui ont rongé la défunte alliance Lepep. L’image dominante est celle du traditionnel panier de crabes, ou un KGB à l’interne. Dans cette guerre intestine, le MSM et le ML ont perdu leurs lieutenants (Yerrigadoo, Soodhun, Lutchmeenaraidoo, Bhadain, Dayal, etc.). Collendavelloo se retrouve, ces temps-ci, isolé, amputé de ses lieutenants comme Gayan, Rutnah ou Fowdar. Ils vont laisser un vide dans nos risibles actualités. Face aux outrances d’un Gayan qui voulait connaître les salaires des journalistes ou d’un Rutnah qui a traité une de nos collègues de «femel lisien», des milliers d’entre vous, indignés comme nous par leur attitude, se sont chargés de leur régler leur compte. Dans le cas de Gayan, en lui expliquant, entre autres, la différence fondamentale entre le fait d’être employés, comme mes collègues et moi, par une firme privée et le fait d’être un ministre de la République (comme lui, c’est-à-dire payé de nos roupies de contribuables) ou payée des fonds publics comme Vijaya Sumputh. Ils sont (ou étaient) là pour nous servir – et non pas pour se servir (en s’octroyant des per diem pour voyager en première classe, des emplois pour les proches, etc.).

«(...) Les réactions – nombreuses et vigoureuses – des lecteurs commentateurs de lexpress.mu nous ont proposé une autre perspective. Celle d’un public prêt à soutenir le titre qui le rassemble, à s’engager auprès de lui contre l’arbitraire et les diverses arrogances dont se parent Gayan et ses semblables», faisait ressortir le modérateur de lexpress.mu il y a deux ans.

Face aux salaires et autres privilèges que s’offrent nos élus, vous, lecteurs, avez souvent exprimé, durant cette législature comme la précédente, votre ras-le-bol. Ce sentiment de rejet de notre classe politique est quasi généralisé. Il est manifeste que l’équipe au pouvoir écope davantage que l’opposition parce qu’elle est sur le devant de la scène. Mais, dès que Ramgoolam et Bérenger sortent la tête, ils en ont, eux aussi, pour leur argent comptant, croyez-nous, surtout quand ils protègent leurs proches… le népotisme n’étant plus acceptable.

Une analyse plus fine de vos commentaires quotidiens démontre que nos politiciens sont souvent, à tort ou à raison, mis dans un même panier à crabes – où les crabes donnent l’impression de s’entre-tuer : quand ce n’est pas Jugnauth contre Ramgoolam, c’est Duval contre Collendavelloo ou Bérenger. Quand ce n’est pas Mohamed versus Uteem ou Soodhun, c’est Hanoomanjee contre Ganoo, et ainsi de suite. Ils sont, à vous lire, tous issus d’un même moule.

Ainsi, le poste obtenu par Sumputh au Cardiac Centre, celui de Naila Hanoomanjee au Port-Louis Waterfront, ceux de Me Kailash Trilochun (double parent de Bodha) ou le montant des per diem de Bhadain et d’autres pigeons voyageurs de ce gouvernement (dont les conseillers du PMO comme Ken Arian), le bail accordé au fils Soodhun, le barachois livré à l’époux Boygah, l’attitude complaisante de la police face à un Richard Duval (contrairement au sort de son chauffeur) ou à un Thierry Henry vous servent souvent d’illustration au triste fait que nos politiciens sont tous, plus ou moins, pareils. Ce n’est peut-être pas exact dans les faits, mais c’est clairement votre perception, et on peut difficilement vous donner tort, à voir comment évoluent ou pas les choses de la vie politicienne.

Selon vos propres dires, nos politiciens sont en quête (pour eux-mêmes ou pour leurs mignons) de bout, de prébendes et de sinécures lucratives, de per diem, de duty free, de loans à des taux défiant toute concurrence, de factures qu’on peut oublier, de lobbies sectaires, de décorations décernées au Réduit…

Et, manifestement, ce «changement», qu’on vous a promis en 2014 et qui ne s’avère pas, ne calme pas vos ardeurs. Il ne suffira pas d’éteindre les radars pour automobilistes ou de débrancher les caméras du projet Safe City pour rendre le sourire à un peuple qui en a marre que des partis traditionnels lui mentent comme ils respirent. D’où le nombre grandissant d’indécis, qui pourraient avoisiner les 45 % de l’électorat – soit bientôt un électeur sur deux – qui ne se reconnaîtraient plus dans aucun des partis politiques traditionnels.

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L’immobilisme et l’attentisme demeurent les pires ennemis de notre pays. La cause de notre jeune République est noble et le triste sort réservé à Rezistans ek Alternativ (qui risque de voir ses candidatures aux prochaines législatives être rejetées) devrait être un blâme collectif. Nous n’avons pas pu réformer le système électoral à cause des lobbies qui nous retiennent en arrière et qui nous empêchent de devenir de vrais Mauriciens. Quand sortirons-nous enfin de nos quatre cases «communales» ?