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Messieurs-dames les indécis, c’est à vous !

27 octobre 2019, 07:46

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Les indécis ont toujours été ceux qui ont décidé des élections !

Contrairement à ce que l’on pense, ce ne sont pas ceux que l’on voit dans les meetings ou qui s’affichent dans des «congrès» ou qui vocifèrent sur les radios ou qui, sous le couvert de l’anonymat, lacèrent leurs adversaires avec des critiques acerbes sur Facebook qui sont effectivement représentatifs de ce que l’électorat va décider.

Rappelez-vous d’ailleurs qu’un meeting très réussi de 50 000 personnes ne représente, en fin de compte, que 5 % de l’électorat ! Vingt aboyeurs sur une radio peuvent paraître faire impression sur plusieurs milliers d’auditeurs, mais restent des acteurs, pas des hypnotiseurs. Dans le micro-trottoir, dans les sondages, très peu de citoyens exhibent leurs choix politiques. Ils ont appris à rude école que dans cette république émaciée par de la partisannerie stupide, souvent oublieuse du bien commun, se faire voir du mauvais côté de la table politique peut coûter cher…

Les T-shirts, les fanions sur les ronds-points, les bases aux couleurs du prince, tout cela c’est pour créer une impression que le parti est populaire, qu’il est déjà «devant», avec l’espoir que cette impression de vague va effectivement… créer la vague.

Cependant, l’électeur n’est jamais aussi influençable que ne l’espèrent les partis politiques et leurs chefs de campagne, sauf au paroxysme peut-être quand une espèce de frénésie s’installe et que tous les ingrédients de la mayonnaise font soudain corps.

Les indécis, à quelques semaines des élections, se pointent généralement à 40, parfois 45 % de l’électorat. Un sondage récent indique que ce chiffre est encore plus haut cette fois-ci, à 53 % ! On peut aussi noter que ce taux d’indécis augmente d’une élection à l’autre, en parallèle d’un taux de participation des votants qui, lui, baisse (88 % des électeurs inscrits en 1982 et seulement 72 % en 2014), au fur et à mesure que s’érode le taux de confiance de la nation dans la politique et les politiciens installés. Les électeurs ne sont plus des survoltés de la politique. Ils en parlent beaucoup mais vont moins aux meetings, deviennent plus cyniques, sont devenus plus calculateurs aussi.

Les indécis, par définition, NE SAVENT PAS ENCORE. Ils n’ont donc pas encore été convaincus par ce qu’ils ont vu ou entendu. Or, il reste à peine 12 jours jusqu’au vote ! Sur quoi se baseront-ils pour décider ?

On peut postuler que les débats télévisés sont importants. On dira aussi que les promesses des manifestes intéresseront certains. Mais aussi cruel que cela puisse être pour les p’tits nouveaux de la politique, c’est surtout sur le bilan passé que les formations politiques seront jugées et que les votes vont s’aligner… Quels sont ces bilans ?

Pravind Jugnauth peut revendiquer le salaire minimum, la 13e place au rang de «Ease of doing business», la pension améliorée, le Metro Express financé à 50 % par l’Inde, la «Negative Income Tax», divers travaux publics d’envergure, dont le stade de Côte-d’Or, la réparation de la route Terre-Rouge–Verdun, une certaine amélioration du réseau d’eau, le tertiaire gratuit, l’échangeur de Phoenix (en cours), etc. Cependant, il y a un refrain extrêmement indigeste à ces réalisations : sur le plan économique, le déficit budgétaire intrinsèque a explosé puisque la croissance «miraculeuse» (jusqu’à 7,2 % !), sur laquelle son parti comptait pour résorber ces dépenses, n’a pas eu lieu et des financements ont dû être cachés dans des SPV, par exemple. L’endettement du pays s’est détérioré massivement, les déficits du commerce (Rs 126 milliards !) et des comptes courants (7,3 % du PIB !) inquiètent, des compagnies textiles ferment leurs portes et certains projets massifs vont nous coûter plus qu’il ne nous rapporte ET ON NE SAIT MÊME PAS COMBIEN (Safe City, Stade Côte-d’Or, Metro, etc.). L’autre volet du refrain se trouve sur le plan de la gouvernance et de la démocratie : népotisme chronique, ministres ne payant pas leurs factures, non-respect des contre-pouvoirs, institutions indépendantes invariablement minées, contrats et accords systématiquement considérés «confidentiels», lois promises pas votées (dont la «Freedom of Information Act», la «Police And Criminal Evidence Act», cette dernière devant mettre de l’ordre avec les dérapages des «provisional charges», la réforme électorale, le financement des partis, la mauricianisation du code électoral, la loi anti-transfuge !), lois modifiées «personnalisées» («Immigration Act» pour le pilote Hofman, «Prosecution Commission Bill» pour le DPP), nominations politisées à l’«Electoral Supervisory Commission», MBC non reformée, licences radio partisanes, ponction de Rs 18 milliards des réserves de la BoM pour rembourser la dette nationale, etc.

Leur manifeste électoral ne va pas aider la situation économique. La pension à Rs 9 000 grimpant à Rs 13 500 représentera, l’an prochain, environ Rs 10 milliards de plus au budget et un budget total de Rs 49 milliards en 2024. Qui paiera surtout si l’économie reste flasque (malgré le «Ease of doing business», un peu théorique) et qu’il faut, en plus créer 10,000 emplois dans le gouvernement, avancer le PRB de 2021 à 2020 (en sus des Rs 1 000 votés au récent budget ?),revoir le salaire minimum à la hausse, ce qui favorisera inévitablement des licenciements, distribuer des manuels scolaires et boucher le «trou» laissé par les taxes municipales que se propose d’abolir Pravind.

C’est possible même, tout ça ? Si oui, une petite question couillonne s’impose : pourquoi le dernier Budget ne l’a pas fait si les chiffres le permettaient ? 10 000 emplois pour jeunes à mettons Rs 20 000 par mois en moyenne c’est, brutalement, Rs 2,6 milliards de plus. Rs 100 000 «kado» aux taxis, c’est Rs 700 millions à trouver et si les taxis marrons, les propriétaires de bus individuels et ceux qui possèdent des bateaux de pêche ou de plaisance, etc., demandaient la «non-discrimination», on fera comment ? Ou s’arrêtera la spirale démagogique ?

Par contre, «full marks» pour l’idée des dix parcs de 20 arpents chacun – on pourra au moins y respirer, sinon soupirer – et pour avoir été les premiers à publier votre manifeste !

Le bilan de Navin Ramgoolam est plus lointain et l’on sait que les électeurs oublient vite, mais personne n’a tout à fait effacé une notion toute particulière de la «démocratisation de l’économie» qui fut prétexte à soigner les siens, les dossiers qui dormaient trop longtemps, les «white Christmas» symptomatiques, les épisodes Amul, Desbro et «un gradué par famille» – trop souvent synonyme de nivellement par le bas. Ce sont les travaillistes aussi qui signent le contrat Tianli, puis celui de Neotown, tous deux «secrets», tous deux foireux. Ils peuvent se comparer au MSM en ce qui concerne la réforme électorale (pas chaud du tout), de «Freedom of Information Act» (promise, plus jamais revue) ou de boycott publicitaire de journaux qu’ils n’apprécient pas…

À leur crédit, la gratuité du transport pour vieux et jeunes, de nombreuses routes qui «bypass» les gros villages, un aéroport neuf, la route Terre-Rouge–Verdun– Ébène ou Réduit qui offre une alternative solide aux bouchons de Port-Louis/Camp-Chapelon, du moins quand elle ne s’écroule pas.

Leur manifeste se fait toujours attendre… il ne reste pourtant que 12 jours pour en lire toutes les promesses ! Mais on peut commencer par 25 % en moins sur l’électricité (Rs 3,6 milliards) et le gaz (400 millions) ! Ce sera puisé des réserves ! Et quand les réserves seront… épuisées, on fait quoi ? Les réserves, l’épargne, c’est désormais mal vu ?

Le MMM (comme le PMSD d’ailleurs) a été partenaire de gouvernement plusieurs fois déjà, mais n’a jamais véritablement mené un gouvernement de lui-même, même s’il a toujours tenu à imposer un minimum vital à un manifeste commun. Il affrontera l’électorat seul cette fois et l’ironie veut que c’est peut-être au moment où il a le plus perdu de ses cadres (ce qui a permis, en passant, de faire de la place) qu’un vent frais de renouveau souffle en direction des «mains propres» et des «têtes hautes». Il faudra aussi des «têtes bien faites», pour sûr, notamment pour l’économie duquel tout le reste dépendra ! De toutes les mesures prônées par le MMM, les Rs 5 000 destinés aux 18 000 jeunes chômeurs pèseront juste plus qu’un milliard, qu’il faudra rajouter aux Rs 10 milliards à trouver pour payer la pension à Rs 9 000…

On sait exactement ce qu’on aura avec les deux alliances, la Nationale et la Morisien(ne). C’est du déjàvu. Du déjà essayé. Plusieurs fois ! Pour qui en a assez, il ne reste, vraisemblablement, qu’un choix à tenter le 7 novembre !