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Quand la campagne dérape…

30 octobre 2019, 08:50

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En l’absence d’un sondage crédible et sérieux, personne ne peut avec certitude se prononcer sur l’issue de l’échéance électorale du 7 novembre. Et pour cause, depuis les élections de 1976, la population n’a pas eu droit à une lutte à trois où les deux principales alliances électorales du moment, l’Alliance Morisien de Pravind Jugnauth et l’Alliance Nationale de Navin Ramgoolam, ne semblent pas en mesure jusqu’à présent de rallier seules une majorité susceptible de former un nouveau gouvernement. Et ce, sans passer obligatoirement par le MMM dont l’apport pourrait être crucial, le 8 novembre, à l’un comme à l’autre bloc politique, pour dégager une majorité confortable et prendre éventuellement le chemin de l’hôtel du gouvernement.

Du coup, il n’est pas étonnant d’entendre, à la question politique du moment sur l’alliance qui sortira vainqueur aux urnes la semaine prochaine, la réponse qui résume parfaitement la situation électorale. Celle d’un match visiblement serré et la possibilité de voir plus clair dans quelques jours.

Sans doute, il y a du vrai car en l’absence de vrais enjeux sociétaux et économiques, comme la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, les menaces d’une nouvelle récession, plus forte et plus profonde que celle de 2008, ou encore le réchauffement planétaire, entre autres, la campagne électorale a pris une tout autre tournure. Celle des attaques de bas étage où des allégations de corruption sur des candidats se mêlent à l’exposition médiatique de la vie privée des leaders et de leurs proches sur les réseaux sociaux, devenus entre-temps la plateforme privilégiée des dirigeants et agents politiques pour faire campagne.

Et ces derniers jours, à l’instar du fameux Watergate qui avait forcé dans les années 70 l’ex-président américain Richard Nixon à quitter le pouvoir, nous avons nos Navingate, Sherrygate, Serenitygate et d’autres encore qui vont apparaître prochainement. À bien y réfléchir et selon certains observateurs, Maurice n’a jamais connu de campagne électorale où la limite est le ciel en termes de «deep fake news» et de promesses électorales.

L’enjeu électoral est certes de taille pour Pravind Jugnauth. Il sait qu’il a un bilan à vendre auprès de l’électorat. L’avènement du Metro Express, la modernisation des infrastructures routières, les mesures économiques pro-travailleurs comme le salaire minimum, l’impôt négatif, le Workers’ Rights Bill ou encore le Portable Retirement Gratuity Fund sont certes à mettre à son crédit.

En même temps, ce bilan, qu’on ne conteste nullement, ne pourra faire occulter que durant son mandat, il y a eu aussi une succession de scandales, les uns plus choquants que les autres. Avec le business de biscuits de Sheila Hanoomanjee, les nominations politiques contestées, comme celles de Vijaya Sumputh au Cardiac Centre, des proches de la famille Jugnauth dans des conseils d’administration d’institutions d’État comme le haut fonctionnaire Nayen Koomar Ballah ou encore Naila Hanoomanjee à Landscope Ltd. Sans compter l’équipe de la «Lakwizine» venue se substituer à certaines décisions de l’État. ]

À un moment où Pravind Jugnauth réclame un nouveau mandat, il sera difficile de fermer les yeux sur ces scandales comme d’ailleurs sur son silence douteux face aux frasques de certains de ses députés et ministres (Tarolah, Rutnah, Sesungkur, Gayan et autres). Sans compter la politique de népotisme pratiquée au plus haut niveau de l’État. Certains diront qu’elle a toujours existé d’un gouvernement à l’autre, mais pas forcément dans cette ampleur.

Parallèlement, Navin Ramgoolam, qui traîne encore des casseroles, ne peut prétendre qu’il est blanc comme neige quand il recherche, à 74 ans, en alliance avec Xavier-Luc Duval, un nouveau mandat pour une rupture avec le passé et une certaine gouvernance à laquelle le pays était habitué depuis l’Indépendance. En termes de slogan, cela accroche mais en réalité le leader du PTr ne donne aucune indication de la manière dont il compte engager cette rupture. Est-ce à travers l’exécution des 21 mesures prioritaires pour «libérer le pays» ?

Face aux deux alliances endommagées politiquement, le MMM de Paul Bérenger retrouve ces jours-ci une certaine force et émerge comme une alternative. Sa décision d’aller seul et de faire la politique autrement tout en insistant (Bérenger dixit) que tous les politiciens ne sont pas des corrompus suscite actuellement une certaine adhésion populaire mais peut-être pas suffisamment pour pouvoir aspirer à décrocher le jackpot le 8 novembre. Par contre, après neuf défaites électorales depuis 2005, le parti mauve a lui aussi à prouver – et à se prouver – qu’il est capable de remporter une victoire électorale.

À plus d’une semaine du jour J, les jeux ne sont pas encore faits. Il existe au moins 50 % d’indécis qui feront leur choix à 48 heures avant les élections. Ils n’appartiennent à aucun parti politique et ne s’affichent pas publiquement dans des réunions et des meetings mais leur poids politique est déterminant pour provoquer une vague électorale en faveur d’une alliance ou d’un parti.

En même temps, il faut savoir que depuis les années 90, les sondages politiques ont toujours montré un «hard core» MSM qui varie entre 10 et 20 % de l’électorat, selon les époques et les circonstances, contre une moyenne de 25 à 30 % pour le PTr et 20 % à 25 % pour le MMM. Des chiffres éloquents dans le contexte électoral actuel.

Cependant, le système actuel impose des alliances pour parvenir à rallier 36 sièges et remporter une majorité confortable. Ce qui implique de gagner dans 12 des 20 circonscriptions.

Qui réussira cet exploit ? Rendez-vous le 8 novembre…