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#J-2 Silencieux, invisibles

5 novembre 2019, 07:11

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Ces jours-ci, quasiment tout le monde s’est transformé en analyste politique, agent des services de renseignement, journaliste-commentateur, pronostiqueur, devin, conseiller en com. Dans la rue, on pose souvent la question : alors, qui va gagner vendredi «kan pou kas bwat» ? Au moins un, en effet, va perdre gros si les résultats de vendredi débouchent immanquablement sur une nécessaire coalition gouvernementale afin d’arriver à une majorité de 36 sièges. Quand l’on m’interroge, je tends à répondre : «C’est serré, on peut difficilement prédire, tout peut arriver.» Mais, insatisfaits de cette réponse, l’on revient assez vite à la charge, certains même avec des résultats détaillés, des explications simples, des scénarios tout faits, sortis du studio de leur imagination.

Pourtant, il y a la perception et la réalité – surtout la réalité de cette masse silencieuse (elle-même un bloc qui n’est pas du tout monolithique), celle qui ne se rend pas aux meetings, congrès, réunions, celle qui n’interpelle pas dans la rue ou qui n’anime pas des conférences dans des tabagies, autobus ou salons de coiffure…

La perception et la réalité peuvent, parfois, se rejoindre mais, à la base, elles ne reposent pas sur la même chose. La première est fondée sur ce que l’on voit (souvent en surface, de manière superficielle – ici si les oriflammes avaient un droit de vote, le MSM-ML aurait déjà remporté la joute avec une sacrée avance), ce que l’on entend (souvent de la part de ceux qui crient dans chaque micro) et ce que l’on croit savoir (via l’anecdotique, au hasard de nos rencontres et lectures). La réalité, elle, est considérée comme un critère de vérité (et l’on sait qu’il n’existe pas une, mais plusieurs vérités qui s’opposent). La réalité repose sur des faits concrets, peut-être pas exacts mais mesurables, tangibles et vérifiables ; c’est en somme l’adéquation de la pensée et des faits ou chiffres. Les chercheurs en sciences sociales font souvent ressortir que «la vérité est une approximation, par ‘rectifications’ successives, d’une réalité qui se construit progressivement».

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Autres perceptions qui ne se vérifient pas toujours dans les chiffres ou dans la compréhension des enjeux, celle liée à l’emploi. En 2015, après la chute de l’empire BAI et malgré les promesses de créations d’emplois tous azimuts par Lepep, on avait l’impression qu’il y avait davantage de pertes que de créations d’emplois. Or, le rapport de Statistics Mauritius de l’époque donne à voir que l’on a effectivement créé 5 900 emplois de plus que lors du 1er trimestre 2014 ainsi que 5 000 chômeurs de plus.

Cela a été un conflit similaire entre perception et réalité dans le tourisme. D’une part, on nous disait que les arrivées étaient en hausse et, de l’autre, que les recettes chutaient. Entre-temps, comme pour brouiller davantage les esprits, le ministère de tutelle contestait les chiffres de la Banque centrale. Même son gouverneur a mis en cause la méthodologie de la Banque de Maurice, en faisant ressortir que les recettes encaissées dans les comptes des petits opérateurs échappent à la consolidation au niveau des comptes nationaux. D’où le «mismatch» dans le secteur et dans les discours publics. Tout cela provoque toutes sortes d’infos qui circulent. Ajoutez à cela les phénomènes Fake News et Deep Fake, qui occupent pas mal de discussions d’électeurs…

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Après avoir été déchiré, il est grand temps que le nouveau gouvernement, quel qu’il soit, replace l’économie au centre de nos préoccupations. Quelques orateurs n’ont pas hésité à comparer la présente joute électorale au scrutinréférendum pour l’indépendance du pays. L’indépendance fraîchement acquise, la transition achevée, la cohérence, elle, sera tributaire de trois éléments : le pouvoir politique en place, l’opposition en face, et l’opinion publique, un peu partout. La classe politique actuelle est dépassée et assez coupée de la jeunesse qui ne se retrouve pas dans les grilles ethniques des partis. L’opposition sortira de la guerre totalement épuisée, exténuée et peut-être démembrée. Mais l’opinion publique, elle, aura toujours ce devoir d’empêcher que l’immobilisme, ou pire, s’installe.