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L’un a gagné les élections, l’autre a perdu. Mais quand est-ce que Maurice gagnera les élections ?

24 novembre 2019, 07:39

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L’un a gagné les élections, l’autre a perdu. Mais quand est-ce que Maurice gagnera les élections ?

Clairement, les Jugnauth n’ont pas organisé les dernières législatives pour les perdre. Les enjeux étaient bien trop importants. Davantage pour eux, personnellement, que pour le pays, habitué aux alternances entre les mêmes dynasties politiques. Cependant, pour la première fois, plus de deux semaines après la proclamation officielle des résultats, nombre de nos compatriotes, pancartes en main, aux quatre coins du pays, continuent à marteler des questions fondamentales sur le scrutin lui-même ; des questions qui restent, dans une large mesure, sans réponse. Et qui contribuent à un climat lourd de doute, méfiance, et suspicion. Au gouvernement, l’on table sur les pensions revues à la hausse et les fêtes de fin d’année pour que l’on sorte de cette sinistrose collective.

Les allégations de fraude électorale, visant à modifier la volonté du corps électoral sont suggérées, à la fois, par des membres de la société civile et de l’opposition. Ceux-ci, à leur tour, viennent questionner, sur le plan constitutionnel, entre autres, les rapports entre la justice, les institutions et le pouvoir politique, en particulier le sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs et les hommes et femmes appelés à oeuvrer en toute indépendance, par exemple ceux siégeant sur l’Electoral Supervisory Commission et l’Electoral Boundaries Commission…

Dans pareille situation nébuleuse et malsaine, où les frontières entre un gouvernement nouvellement réélu et l’État (ou plutôt l’appareil d’État) sont floutées par un manque d’éclairage, il nous faut songer à recentrer la démocratie autour du vrai détenteur de la souveraineté nationale qu’est le peuple ; la démocratie devant, théoriquement, être la constitution d’un «gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple»… Et en raison de l’importance d’une élection dans l’obtention du pouvoir politique, la fraude sera toujours perçue comme présente, surtout de la part de ceux qui se sentent exclus d’un système électoral inique – avec un pourcentage de votes qui ne reflète pas le pourcentage de sièges (avec 37 % des votes, l’Alliance Mauricien a raflé 63 % des 70 sièges au Parlement).

La série ininterrompue de contestations postelectorales entache la réputation du pays ; les élections constituant l’instrument à l’aide duquel la communauté internationale classe ou déclasse les systèmes politiques/démocraties. Ces temps-ci, après la guerre impitoyable des clips peu flatteurs visant à anéantir l’une ou l’autre dynastie, l’on se rapproche davantage du continent où les transitions politiques laissent, souvent, apparaître des élections entachées d’irrégularités. Celles-ci tendent à se généraliser et à se diversifier à plus d’une étape du processus électoral, comme rappelé diplomatiquement par les observateurs de la SADC. Heureusement que chez nous, les perdants qui s’estiment «volés» préfèrent recourir à la justice qu’à la violence. Tant mieux !

Mais, en attendant les longues procédures des pétitions électorales, l’on gagnerait à prendre un recul nécessaire par rapport à la compilation de la liste d’électeurs et de candidats, ainsi qu’au déroulement des élections. Puisque cela soulève le problème de la réception de la démocratie. D’où l’idée, répandue par des chercheurs en Afrique, que ce ne sont pas tant les manipulations qui sont au coeur des problèmes de la dynamique électorale que l’acclimatation ou la «tropicalisation» du nouveau constitutionnalisme lui-même avec son cortège de limites constitutionnelles et institutionnelles. Par exemple, devrait-on revoir la Constitution, afin d’avoir un juge constitutionnel ou électoral ?

Exclure une partie des décideurs ou de la classe politique des élections libres ne passera pas. Dans nos sociétés, il y a, surtout, deux logiques différentes : l’une plutôt d’essence autoritaire ou institutionnelle où le droit électoral semble exclusivement régi par les gouvernants au pouvoir, l’autre d’essence disons plutôt démocratique qui implique que les droits électoraux, propres aux peuples, doivent être garantis, objectivement à tous et subjectivement à chacun, par les gouvernants agissant collectivement. La question demeure : comment mettre fin à cette logique d’affrontement ?

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Ailleurs, en matière électorale, la fonction d’un juge électoral par exemple comprend l’opération par laquelle ce juge veille au triomphe et à l’effectivité de la loi électorale. L’exercice de ce contrôle ne peut se faire sans la reconnaissance d’un redoutable pouvoir juridictionnel au profit du juge.

À Maurice, la contestation doit se faire au niveau de chaque circonscription. On peut contester l’élection d’un candidat ou des «magouilles» dans une circonscription spécifique. Historiquement, on n’a jamais contesté des élections dans leur ensemble au niveau national. Pour que l’affaire soit admise en cour, l’on doit, dans un délai ne dépassant pas 21 jours, récolter des «preuves» dans chaque circonscription. Comme il n’y a jamais eu de jurisprudence, ce sera à la Cour suprême de trancher et de décider s’il faudrait de nouvelles élections ou pas. D’où l’importance d’avoir une vraie séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire. Mais quand c’est l’exécutif qui choisit le président et vice-président de la République parmi les anciens juges, avant de soumettre le «vote» au Parlement, la perception que les dés soient pipés, ou que le doute s’installe encore plus est bel et bien là… Je ne sais plus qui a dit que la majorité a toujours raison, mais la raison a bien rarement la majorité aux élections... mais cela résume bien notre situation, n’est-ce pas ?