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Boris Johnson à cheval entre les États-Unis et l’Europe

15 décembre 2019, 07:31

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Boris Johnson, l’acteur principal du Brexit, joue double. Il sait qu’il a désormais, avec une majorité parlementaire claire, de bonnes cartes en main. Sa réélection, avec un panache inattendu, lui confère une dimension autre – qu’il entend bien faire rayonner sur la scène mondiale. C’est une suite logique à sa fulgurante ascension politique, lui qui a déjà conquis une majorité de Britanniques et cloué le cercueil politique d’un Jeremy Corbyn fatigué, en partance. Le bouillant Johnson a un pied solidement implanté dans chacun des deux côtés de l’Atlantique. D’une main, il serre la poignée ferme et amicale de Donald Trump et, de l’autre, il discute, avec bien plus d’aise, des échéances courtes avec Bruxelles, soit le 31 janvier 2020, pour le divorce et la fin de 2020 pour sceller les termes du nouvel accord commercial qui doit être négocié. L’entrée en scène de Johnson vient donner des sueurs, malgré la saison des neiges, à Macron et à Merkel, qui voient, eux, le Brexit sous un angle forcément différent, et avec leurs propres préoccupations et pressions domestiques. Ils sont aussi pleinement conscients de la nature des relations étroites entre Trump et Johnson. «Mon souhait, c’est que le Royaume-Uni reste un pays allié, ami et un partenaire extrêmement proche. La condition, c’est définir les règles d’une relation loyale (…) Si Boris Johnson veut un accord commercial très ambitieux, il faut une convergence réglementaire très ambitieuse… Be my guest», a lancé le chef de l’État français.

 Pas plus tard qu’hier, mettant fin à quelque 18 mois de guerre commerciale sans pitié, Pékin et Washington, DC, finalisaient un accord préliminaire portant sur des tarifs douaniers plus civilisés et moins punitifs entre les deux géants économiques. Ceci, afin de se faciliter l’accès à leur marché respectif, en harmonisant, par exemple, les réglementations relatives au respect de la propriété intellectuelle – ce qui est, par ailleurs, une ruse communicationnelle de la Maison Blanche afin de détourner un peu l’attention sur le talk of the town : le procès de destitution du président Trump qui devra s’ouvrir sous peu au sein du Sénat. Trump est accusé d’abus de pouvoir et d’entrave à la bonne marche du Congrès. «Il a mis son intérêt personnel avant la sécurité nationale», a conclu la commission judiciaire de la Chambre des représentants. Pour Trump, c’est «une imposture, un canular, conçus par des démocrates». Il n’en fait pas grand cas, car il sait que c’est sa famille politique qui contrôle le Sénat, et que sa famille le soutient durant la violente tempête qui s’abat sur lui. Dans le même souffle, dans le sillage de la réélection de Boris Johnson, Washington, DC, rappelle sa volonté d’étendre la «solide relation économique» avec la Grande-Bretagne par la signature d’un accord général de libre échange post-Brexit qui serait d’envergure. «Je veux féliciter Boris Johnson pour sa fantastique victoire», a déclaré Donald Trump depuis le Bureau ovale à l’occasion de la visite du président paraguayen, Mario Abdo Benitez. Sur Twitter, Trump a été plus loin : «La Grande-Bretagne et les États-Unis seront maintenant libres de conclure un énorme nouvel accord commercial après le BREXIT. Cet accord est potentiellement beaucoup plus gros et plus lucratif que n’importe quel accord qui pourrait être conclu avec l’Union européenne (UE). Bravo Boris !» Mais l’enthousiasme manifeste de Trump fait sourciller les Britanniques. Selon un sondage de 2 000 personnes, réalisé en octobre, plus de 70 % des personnes interrogées pensent que le National Health Service (NHS) devrait être protégé, tandis que 45 % ont déclaré que la déclaration «Boris Johnson ne dit pas la vérité» sur le futur du NHS. Les conservateurs et les travaillistes ont tous deux évoqué davantage de fonds pour le NHS, davantage d’hôpitaux et davantage de médecins.

Sans tarder, Bruxelles s’est réunie pour accorder les violons européens afin de ne pas être pris de vitesse. Les 27 dirigeants de l’UE font savoir qu’ils sont «prêts» à négocier la future relation avec la Grande-Bretagne de Johnson. «Nous avons défini nos priorités», a lancé le président du Conseil européen, Charles Michel, au deuxième jour d’un sommet. Les Européens vont accorder leur soutien à un «retrait ordonné» de la Grande-Bretagne sur la base de l’accord – signé par Boris Johnson lors du précédent sommet, en octobre, et brandi par Johnson lors de la campagne électorale. Ce sera à leur avantage d’œuvrer vers une relation aussi étroite que possible avec le gouvernement de Johnson tout en mettant en avant le fait qu’elle devra être «fondée sur un équilibre des droits et obligations et garantir des règles du jeu équitables» en matière de concurrence. Des sujets qui sont d’ores et déjà considérés sensibles et compliqués comprennent, entre autres, les services, la pêche ou Gibraltar. Johnson pourrait pousser la Grande-Bretagne vers l’Espace économique européen, comme c’est le cas pour la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein.

Dans ce cas de figure, «l’essentiel des relations commerciales serait préservé et les dégâts minimes». Mais si le gouvernement de Johnson et les 27 n’arrivent pas à tomber d’accord, alors les relations entre la Grande-Bretagne et l’UE seront alors dictées par les règles de l’Organisation mondiale du commerce. Comme avec Maurice d’ailleurs.


 P. S. : COP 25.

Malgré toute l’agitation médiatique, les accusations de Greta Thunberg et la pression des jeunes, l’on a obtenu un résultat proche du zéro pointé. «C’est la COP des pleurs», selon un observateur. La présidence exercée par le Chili, incapable d’accueillir la conférence sur son sol, s’est avérée extrêmement faible, observe la presse internationale. «La présidence est un chef d’orchestre. Si tous les musiciens jouent faux, le chef d’orchestre ne peut pas faire grand-chose», a réagi Lucile Dufour, du Réseau Action Climat France, sur les sites de développement durable. Il convient de noter que le principal sujet de ce rassemblement portait sur les objectifs fixés par l’Accord de Paris en 2015 et les retards des États pour les atteindre. Les quelque 200 pays représentés à la COP 25 devaient dégager une stratégie pour s’entendre sur des axes de manœuvre pour contenir le réchauffement dans la trajectoire 1,5°C. En vain. Les longues et laborieuses discussions ont été peu concluantes. Le blocage : le marché carbone, ce fameux article 6 de l’accord de Paris. Cette question a en fait divisé les États en deux camps : les premiers ont accusé les seconds de freiner les avancées, tandis que les seconds ont accusé les premiers de moralisme. La Chine, le Brésil, l’Australie, le Canada, le Japon, entre autres, rechignent à plier sur cette question, face notamment à l’UE. Mardi, Inde, Afrique du Sud, Chine et Brésil ont parlé d’une même voix par le biais d’un communiqué, dans lequel ils «exhortent les pays développés à respecter leurs engagements», notamment «pré2020». Point notable : 73 pays, 14 régions, 398 villes et 786 entreprises se sont engagés à la neutralité carbone en 2050. Du côté de Bruxelles, l’UE a conclu un accord dit «historique» : devenir neutre sur le plan climatique d’ici le demi-siècle, mais sans la Pologne, encore trop dépendant du charbon. Au final, le fameux slogan de COP 25 «Time for Action» ne sera donc pas pour cette année. Peut-être l’an prochain