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Gouverner en paix
Pourquoi cette odeur des dernières élections flotte-t-elle toujours dans l’air ? Tenace.
Pourtant, cela fait bientôt deux mois depuis les dernières élections.
Pourtant, Calvinia et les fumées des pétards du 31 décembre se sont, eux, dissipés dans la nature. Évaporés, presque. Sous le vent. Pourtant, de nouveaux ministres ont prêté serment et profitent pleinement de la période de grâce qui prendra fin le 19 février, après 100 jours. Ils ont bien raison. Car personne ne sait vraiment de quoi demain sera fait.
D’anciens ministres ont migré vers la présidence, ou ont été nommés ambassadeurs. D’autres encore, comme Gayan et Soodhun, ont disparu de la circulation, en attendant d’être parachutés ailleurs, sous des cieux moins orageux, là où des journalistes irrévérencieux ne les connaissent pas. Des Ravi Rutnah ou Sanjeev Teeluckdharry, moins importants de la hiérarchie de la dernière législature, sont restés «dans la plaine». Même si Ivan Collendavelloo, qui aime jouer les consolateurs des affligés – qui a pu caser son ami Eddy Boissézon à la dernière minute au Réduit (un lot de consolation après avoir perdu les clés du château qui étaient jadis entre les mains d’Ameenah Gurib-Fakim) – a promis, sur des ondes, de sauver Rutnah de l’anonymat total. Car il est gentil après tout. Il aboie, mais il ne mord pas vraiment…
Le tram qu’on appelle faussement Metro – en rodage et gratuit – circule au milieu des voitures, sans barrières (comme jadis des cabris envahissaient les rues portlouisiennes), et n’a pas encore sublimé les esprits. Le revenant Alan Ganoo, le ministre de tutelle, semble puiser de ses séances de méditation transcendantale pour s’ériger en réparateur des âmes de ce Metro Express qu’il a lui-même tant honni hier, à Quatre-Bornes, avec d’autres manifestants devenus, entretemps, ministre et PPS. Devenus aussi, par là même, muets. Un peu comme Nando Bodha, le père du tram, qui n’a pu déclarer son enfant prématuré, repris par un Ganoo qui devrait lui-même se méfier d’un Das Mootanah, friand de bonne presse, qui manifestement ne connaît pas la différence entre information (d’intérêt public) et communication (artifice pour dorer la pilule)… Les généreux bonus de décembre ont été dépensés. Mais si ce parfum électoral flotte toujours dans l’air, de manière persistante, c’est sans doute parce que le Premier ministre n’arrive pas à faire comme si c’était business as usual. C’est Pravind Jugnauth luimême qui reprend l’argument de Navin Ramgoolam, dans son message de fin d’année, et parle d’«élections truquées». Ce faisant, au lieu de tourner la page, il remet les pieds dans le plat. Et fait maladroitement un lien avec le message de Navin Ramgoolam qui l’avait précédé sur Facebook et qui a longuement expliqué pourquoi les dernières élections ne sont pas «free and fair».
Comme argument pour soutenir que la Commission électorale devait être félicitée pour l’organisation des élections, le Premier ministre cite la mission d’observateurs de la SADC, de l’Union africaine et de la Francophonie. Si ces organisations étaient vraiment fiables, on aurait assisté à une vraie démocratisation du pouvoir politique en Afrique, n’est-ce pas ? Or, tel n’est pas le cas. Pravind Jugnauth, en se réfugiant derrière la SADC et l’Union africaine, donne l’impression d’utiliser un seau percé pour apporter de l’eau à son moulin.
Or, les pétitions électorales ne sont plus – heureusement d’ailleurs – entre les mains des politiciens. C’est désormais à la justice de trancher – comme cela a été le cas en 2007 pour Ashock Jugnauth, qui a eu à démissionner. Une décision qui a fait jurisprudence. Aujourd’hui la question en suspens est : à quoi servaient ces computer rooms ? Pourquoi les candidats n’y ont pas eu accès – sauf un Senior Minister qui est sorti, in extremis, en troisième position, presque à la fin du counting…
Si la loi prévoit 21 jours pour déposer les pétitions – ce qui indique clairement que les législateurs ont compris l’urgence pour un pays de ne pas faire durer un suspense postélectoral –, il est quand même dommage qu’il n’existe aucun délai pour écouter et trancher ces pétitions, dont certaines sont déposées conjointement par le PTr, le PMSD et le MMM. Souhaitons, donc, que la Cour suprême saisisse aussi le besoin d’aller vite – car le climat politique actuel n’est pas sain. Mine de rien, on oublie que le PM ne dispose (que) de 37 % de soutien des votants alors que son challenger direct a derrière lui environ 34 % des suffrages… et bénéficie, désormais, clairement, du soutien du MMM (22 % des voix) et d’un Paul Bérenger qui évoque son départ à la tête de son parti, si Ramgoolam aussi envisage sa retraite. Les Jugnauth sont au pouvoir, grâce au système First Past The Post d’abord et avant tout. Et ils le savent fort bien.
Au-delà des intérêts des uns et des autres, il est temps donc de trancher, pour le bien commun, cette interrogation qui est entretenue par les leaders eux-mêmes : les dernières élections seront-elles validées ou invalidées ? C’est la condition sine qua non pour que le nouveau régime, quel qu’il soit, puisse gouverner. En paix enfin !
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