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Discours programme pour une décennie décisive 2020-2030

24 janvier 2020, 07:56

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2020 ouvre une décennie dont le terme – 2030 – est une année butoir tant pour Maurice que pour la planète.

Le discours programme a lieu sur fond du forum de Davos, de l’urgence du combat contre le réchauffement climatique et d’une mondialisation en pleine mutation. Notre pays étant condamnée à l’ouverture, le discours programme devrait normalement intégrer ces dynamiques globales.

L’environnement économique international est en pleine mutation avec une sérieuse remise en cause du libéralisme économique, y compris par ceux-là même qui l’avaient proposé comme solution panacée avec le fameux TINA – There is no alternative. Aujourd’hui, la problématique des inégalités, qui a été, tout comme l’année dernière, à l’agenda du forum de Davos, est révélatrice de la mondialisation malheureuse avec ses contradictions et les révoltes qu’elle engendre dans plusieurs régions de la planète. L’Europe se cherche, les États-Unis, avec Donald Trump qui veut tout renégocier, ne croyant pas dans le multilatéralisme – la COP 21, l’accord nucléaire avec l’Iran et la guerre commerciale avec la Chine et l’Europe. La Chine ambitionne de devenir la première puissance économique et se donne les moyens pour cela, dont une géopolitique agressive en Afrique et dans la région de l’océan Indien. L’Inde, l’autre acteur de la région qui connaît un sérieux «economic slowdown» est tentée par l’idéologie du Hindutva, avec le RSS plus présent que jamais sur l’échiquier politique.

Maurice, avec sa zone économique exclusive qui lui donne un statut d’État-océan, est au coeur de la nouvelle géopolitique et géoéconomie, et de ce fait le discours programme ne peut faire l’impasse de sur ce qui va être notre diplomatie pour préserver son intégrité territoriale et sa souveraineté nationale autour de plusieurs dossiers – Chagos, Tromelin et Agalega – et impliquant l’Angleterre, les États Unis, la France, l’Inde et la Chine. Il faudra jouer finement.

Le territoire terrestre n’étant pas extensible, l’aménagement du territoire (dont le littoral), pivot de toute politique de l’environnement, devrait, avec le National Development Strategy qui est en cours de révision, normalement occuper une place centrale. Le bon sens, les menaces actuelles et à venir exigent que l’environnement soit la priorité des priorités dans les orientations stratégiques du développement pour 2020-2030. Gageons que le discours programme sera cohérent avec les plans directeurs de l’environnement et celui de l’aménagement du territoire.

Ces deux axes sont vitaux dans la recherche d’un nouveau modèle de développement à imaginer et développer avec la fin du cycle existant. Sur la stratégie de développement et les options à privilégier, nous ne pouvons plus nous voiler la face avec une fuite en avant qui va nous mener droit au mur. Ayons le courage nécessaire pour nous prévenir des mauvais diagnostics sur la crise que connaissent les piliers traditionnels. Une des grandes priorités consiste à sauvegarder les terres agricoles pour développer une production agricole dans d’une politique volontariste pour assurer la sécurité alimentaire. Le secteur touristique ne peut se contenter de remèdes palliatifs et doit, pour assurer sa pérennité, intégrer les mutations diverses que connaît ce secteur – marchés et destinations, clientèle, personnel etc. Il en est de même pour les autres piliers.

Depuis le début de cette année, l’actualité est venue mettre fortement à l’agenda certains fléaux qui rongent notre société : les violences, dont la violence conjugale, et la drogue qui continue de ravager notre jeunesse. Le discours programme devrait aussi s’adresser sérieusement à ces problématiques tout comme celle d’un système éducatif archaïque qui ne répond plus à sa finalité sociétale. L’heure n’est définitivement plus au déni et aux effets d’annonce.

L ‘argumentaire développé par les partis d’opposition pour expliquer leur décision de boycott de la lecture du discours programme avance que la démocratie est en danger – «manque de légitimité», «not free and fair elections» et d’autres points. Il porte sur les manquements et dysfonctionnement de la démocratie représentative. Le discours programme est un acte politique fondé sur le principe du bien commun. Au-delà du jeu politique partisan, il y a une nécessité d’assainir, d’enrichir et d’approfondir notre système démocratique – indépendance des institutions, meilleure représentativité des courants et sensibilités, principe/pratique fondamental de la liberté d’opinion et d’expression, transparence et droit à l’information. En clair, il nous faut oeuvrer pour une démocratie forte qui passe par une démocratie délibérative et les mécanismes pour permettre une participation active et concrète de la société civile.

Notre société, qui est sous tension manifeste et latente, a besoin d’apaisement pour inspirer chez la population et les jeunes la confiance dans l’avenir. Consolidons et multiplions les liens sociaux pour ne pas nous enfoncer dans une société dépressive nourrie par des pyromanes actifs sur les réseaux sociaux – et sur le terrain – qui souvent posent un réel problème pour notre vivre ensemble.

Vivement que le débat autour du discours programme, tant au Parlement que dans les médias, soit animé par une exigence de responsabilité à la hauteur des enjeux pour la décennie qui s’ouvre. L’heure est à la construction, avec un débat démocratique sain pour dégager des pistes concrètes et performantes d’un avenir commun.