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Quand la Chine éternue…

29 janvier 2020, 07:23

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Le virus voyage et le bilan s’aggrave ! La transmission entre humains est avérée. On a dépassé la barre d’une centaine de morts dans la province de Hubei et celle de 4 000 malades dans toute la Chine. Les États-Unis, l’Australie, le Japon, le Maroc, la France et le Canada, entre autres, organisent l’évacuation sanitaire de leurs ressortissants. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) tente de récolter, aux quatre coins du monde, des données pour déterminer si, oui ou non, l’épidémie de Novel coronavirus (2019-nCoV) se transformera en… pandémie (c’est-à-dire d’envergure nationale à mondiale). Pratiquement tous les ingrédients sont réunis, surtout sur les réseaux sociaux qui cultivent les Fake News, pour une psychose mondiale, défiant notre imaginaire qui se cogne ces jours-ci aux frontières du réel et de l’irréel.

Étrange coïncidence : on se croirait en plein dans la nouvelle série-documentaire Pandémie (disponible sur Netflix depuis le 22 janvier), qui relate l’histoire de professionnels de la santé, qui font tout pour endiguer un virus, afin d’éviter qu’il ne devienne pandémique. Ou encore pourrait-on se croire acteurs, malgré nous, du jeu vidéo surréaliste de Plague Inc., dont le but est, précisément, de répandre un virus mortel à travers le monde, en essayant de prendre de vitesse les scientifiques qui veulent, eux, sauver la race humaine de l’extinction. En plein cauchemar du coronavirus, ce jeu vidéo, qui se mue aujourd’hui en réalité augmentée, fait actuellement un carton en Chine, tout comme il avait connu un pic de téléchargements en 2014, en pleine crise du virus Ebola en Afrique.

Trop souvent, la difficulté de notre métier de journaliste, c’est d’informer le public, sans le paniquer, en séparant les informations crédibles des rumeurs de la rue ou des préjugés culturels tenaces. S’agissant du coronavirus, la propagation de l’épidémie de pneumonie virale a de quoi inquiéter les habitants du monde entier. Avec la globalisation des échanges, tout devient, de plus en plus, interconnecté. En d’autres mots, même si l’épicentre du nouveau virus est le marché de Wuhan, en Chine, nous sommes, aujourd’hui, tous dans le même bateau, avion, métro ou autobus, qu’on habite Beijing ou Souillac, Cap-Malheureux ou Toronto. Encore heureux que les autorités chinoises ont informé – même tardivement – l’OMS, sinon la situation aurait pu être pire aujourd’hui.

À Maurice, l’on ne peut que suivre l’avis des spécialistes d’ailleurs, entre autres de l’OMS, du National Institutes of Health des États-Unis, ou de l’Institut Pasteur de Paris. Si les autorités locales font tout pour rassurer en essayant de repérer les malades contaminés et de les placer en isolement dans le Sud, force est de constater que nous ne pouvons pas, médicalement, affirmer s’il y a, à ce jour, des cas d’infection avérée sur le sol mauricien. Ce qui pourrait faire enfler les rumeurs, surtout quand des sites supposément d’information apportent leur grain de sel démagogique dans leur tentative de faire du buzz à partir de rien, ou de régler des comptes avec les Chinois. N’est pas The Lancet, ou autre référence médicale ou presse de référence, qui veut ! Il faut trier, prendre le bon grain et jeter l’ivraie.

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La santé publique demeure directement liée à la qualité de l’environnement et celle-ci est tributaire du civisme ou de l’incivisme des habitants.

Au-delà du visible, réalise-t-on vraiment le danger qui nous guette ? Au-delà des discours qui se veulent rassurants, avons-nous concrètement une stratégie régionale pour lutter contre le coronavirus, la peste, le choléra, la tuberculose, ou la grippe A (H1N1) ? Le journaliste-écrivain Camus nous rappelle, à juste titre, que les épidémies réveillent les instincts les plus primitifs de l’être humain… Raison pour laquelle nous devons tout faire afin de ne pas ostraciser les Chinois – comme certains médias occidentaux se font un malin plaisir de le faire. L’heure n’est pas au règlement des comptes politiques, économiques, ou idéologiques.

Dengue, chikungunya, malaria, et coronavirus… ne blâmons pas uniquement les moustiques, les rats ou les chauves-souris. En tant qu’homo sapiens sapiens nous avons notre part de responsabilité, surtout par rapport à notre incivisme collectif, qui donne bien de foyers à nombre de virus ou bactéries. Combien de terrains en friche et de saletés jonchant le sol voyonsnous chaque jour sans qu’on lève le petit doigt pour y remédier ? En 2020, Maurice est sacrément en retard en termes de salubrité publique ou de respect des normes sanitaires… Ce n’est pas aujourd’hui qu’il faut courir pour placer des Hand Sanitizers dans chaque école ou dans chaque hôpital. Cela aurait dû être déjà dans nos normes et moeurs.

À l’évidence, les autorités, déjà ensevelies sous les plaintes, sont dépassées, et nos drains, bouchés par nous, provoquent de plus en plus d’inondations, de moustiques et de rats. Ici aussi, avant de blâmer les «flash floods» et le changement climatique (qui viennent certes compliquer la donne), nous devons faire notre propre examen de conscience.

Pourtant, tout le monde le sait : pour contrer les maladies importées, le sursaut doit avant tout venir de la population elle-même. Au-delà des «cleanup campaigns» ponctuelles, on doit sensibiliser et se mobiliser dès l’école primaire, mais pas que. Pour développer une conscience écologique, chacun devrait s’engager pour une salubrité commune. En fait, idéalement, chacun doit profiter du danger sanitaire, ou de la peur de contamination, pour enrayer, une fois pour toutes, nos mauvaises habitudes qui vont immanquablement jouer contre nous un jour.