Publicité

From Nehru’s bato langouti to Modi’s Padma Vibhushan

1 février 2020, 07:43

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Ce n’est pas dans l’allégresse populaire que les Mauriciens ont accueilli la décision de l’Inde d’octroyer le titre de Padma Vibhushan à Sir Anerood Jugnauth. Malgré le fait que des médias, pas trop familiers avec la culture politique indienne, ont à tort qualifié le Padma Vibhushan de «plus haute décoration» que l’Inde pourrait conférer à des personnalités, sir Anerood a en effet bénéficié d’un traitement de «enn tigit pli tipti ki Bondie» car la plus haute distinction de ce pays, c’est le Bharat Ratna.

Si on exclut les réactions des Mauriciens et des médias gagnés à la cause des Jugnauth, cette affaire de Padma Vibhushan est venue raviver les sentiments anti-indiens qui ont animé, sur le plan politique, des Mauriciens depuis les années 1950/60. Il est vrai que dans le contexte actuel, 63 % des Mauriciens ont voté contre la famille Jugnauth aux dernières élections et il ne fallait pas s’attendre à des pétarades qui se produisent dans le pays quand Manchester United ou Liverpool remporte une grande victoire.

La psychose anti-indienne à Maurice remonte à 60 ans de cela et il est bien malheureux que sir Anerood se voit pris dans une controverse alors que le Padma Vibhushan devait en fait réjouir les citoyens. Car cette distinction indienne vient couronner la carrière d’un illustre fils du sol. Surtout qu’elle vient s’ajouter à une haute décoration que la reine d’Angleterre – et de Maurice avant la République – avait octroyée à l’enfant de Palma en l’élevant au titre de chevalier, faisant de lui un Sir. Titre auquel il s’est jalousement agrippé, sir cuit aux élections ou sir majestueux au pouvoir.

Il est bien malheureux que toutes les situations sont bonnes à Maurice pour s’adonner à ce passe-temps qu’on appelle de l’India-bashing. Fin des années cinquante, début des années soixante, le Parti mauricien avant son avatar en PMSD fit de son fonds de commerce une intense campagne d’India-bashing qui finira par provoquer une massive émigration de Mauriciens surtout vers l’Australie. En effet pour compromettre les chances du Parti travailliste d’œuvrer en faveur de l’indépendance du pays, le PMSD adopta une stratégie d’épouvante sur une éventuelle indianisation du pays après le départ des Anglais. Ainsi, le PMSD fit croire à des partisans bien ciblés qu’une fois le pays indépendant, les hommes mauriciens seraient contraints de porter… le langouti, quelle que soit leur origine ethnique. Pour mieux illustrer cette horrible indianisation, le PMSD expliqua que le Premier ministre indien d’alors, Jawaharlal Nehru, allait diriger des navires remplis de dhoti vers Port-Louis pour pouvoir satisfaire la demande. Soixante ans après, de telles histoires pourraient faire rire mais à cette époque des Mauriciens en gobaient volontiers. L’autre grande histoire du PMSD fut le remplacement de la statue de Marie-Reine-de-la-Paix surplombant Port-Louis par celle du Mahatma Gandhi.

Le PMSD eut une telle réussite avec cette campagne que quand il devint apparent que les travaillistes allaient remporter les élections et que le pays accéderait à l’indépendance, des milliers de Mauriciens, très compétents dans leur domaine, abandonnèrent la fonction publique, notamment à la police, et des jobs extrêmement importants dans l’industrie sucrière, pour fuir le pays soi-disant maudit et s’établir à l’étranger, en particulier en Australie mais aussi en Afrique du Sud et en Rhodésie (aujourd’hui Zambie et Zimbabwe) et évidemment en France et en Grande-Bretagne.

Cette psychose d’India-bashing a toujours existé de façon latente et l’arrivée au pouvoir à New Delhi de nationalistes hindous n’a fait que de l’accentuer et lui donner une nouvelle dimension. Avec Agalega. On dit que les Jugnauth ont «vendu» Agalega à l’Inde tout en cherchant à expulser les Anglais et les Américains de Diego Garcia.

Agalega alimentera pendant des années encore des soupçons qu’on entretient à propos de l’Inde. On ne sait pas encore si les Indiens envisagent de militariser Agalega car devenus des alliés des Américains, des Saoudiens et des Israéliens, ils ne voudraient pas investir pour concurrencer les Yankees à Diego Garcia. Les Indiens, selon les indices recueillis, travaillent sur une tout autre stratégie, probablement avec la bénédiction des Américains qui cherchent à utiliser l’Inde pour contenir la Chine. Il est question d’une exploitation maximale par des Indiens des ressources se trouvant dans les eaux territoriales de Maurice. En effet, ce que font les Indiens à Agalega semble bien être l’aménagement d’importantes infrastructures portuaires et aéroportuaires pour permettre l’accostage de navires de grande envergure et d’avions gros-porteurs avec une piste de trois kilomètres s’il vous plaît. Ce qui faciliterait le transfert vers l’Inde des nodules polymétalliques dont de cobalt se trouvant dans le lit des eaux territoriales de Maurice. Pas commercialement exploitable en ce moment mais l’innovation technologique le permettra dans quelques années. Comme l’exploitation actuelle des schistes bitumineux par les Américains pour produire du pétrole et mettre fin à la dépendance sur le Moyen-Orient. Cela n’était pas exploitable quelques années de cela.

Pour revenir à sir Anerood, pourquoi récompense de deuxième catégorie pour lui et non pas la consécration suprême, le Bharat Ratna, qui veut dire le joyau de l’Inde ? On ne perd rien pour attendre. Une fois Agalega devenu l’un des premiers fournisseurs de matières premières pour soutenir l’expansion économique de l’Inde, New Delhi pourrait songer à récompenser un autre Mauricien ayant rendu possible l’exploitation des ressources dans l’océan Indien. Comme pour donner raison au poète anglais William Wordsworth, on dira que the child is the father of the man.