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Coronavirus: un peu de perspective, s.v.p
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Coronavirus: un peu de perspective, s.v.p
Oui, c’est vrai que le coronavirus inquiète. Ce virus sphérique et poilu de la presse populaire, qui ressemblerait plutôt à un spoutnik russe d’un autre temps, a captivé l’attention de tous et fait peur. On se mobilise à divers degrés de sophistication, de Wuhan à Dakar, de Souillac à Kyoto. En Chine, on ferme des écoles, des usines (Toyota, Tesla), des McDonald’s, des KFC et on construit deux hôpitaux de 1 000 et de 1 600 lits en 10 jours. Ils SERONT prêts le 3 et le 6 février respectivement ! On a mis Wuhan en quarantaine depuis la semaine dernière – alors que 5 millions de ses habitants avaient déjà quitté cette 7e plus grande ville de Chine depuis le début de l’épidémie*. On annule des vacances projetées, la Russie ferme sa frontière, les lignes aériennes cessent leurs vols, les autres pays rapatrient leurs citoyens, l’Australie et Singapour envoient leur cas suspect sur des îles de quarantaine (à quand l’île Plate ?), les Américains ainsi que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) décrètent l’alerte rouge, l’industrie chinoise ralentie, sauf pour celle produisant des masques sanitaires…
Tout ça, c’est un peu effrayant et on a raison d’avoir peur puisque le coronavirus est contagieux et se répand rapidement. Ceux qui, en passant, accusent les médias de trop en faire et de créer «la panique» réaliseront peut-être que, ce faisant, les médias mondiaux conscientisent les populations à plus de précaution, ce qui va forcément ralentir la diffusion du virus. D’ailleurs, quand la peste tuait la moitié des populations européennes entre 1347 et 1351, soit environ 25 millions d’humains ; qui ne concéderait pas qu’une meilleure diffusion de l’information, adossée – bien évidemment – à une science plus avancée et bien moins de superstition** aurait alors aidé à considérablement ralentir la propagation du mal ?
Mais il est aussi nécessaire de mettre en perspective! Le monde moderne qui réagit au quart de tour à l’information et qui doit composer avec le sensationnalisme des uns, autant qu’avec les «fake news» des autres, peut faire du bien, comme du mal, et requiert, idéalement, des citoyens plus avisés, moins réactifs, moins émotifs. Prenez un exemple. Depuis quelques jours, on diffuse une mappemonde identifiant les pays où l’on a pu repérer le coronavirus. Cette mappe, qui peint les pays affectés en rouge vif, et qui est rigoureusement exacte, puisque basée sur des informations rassemblées par l’université John Hopkins, donne ainsi l’impression qu’au moins 40 % de la planète émergée et non gelée est atteinte, puisqu’on y trouve déjà quatre immenses pays que sont le Canada, l’Australie, les États-Unis et la Chine. Il ne manque que la Russie pour basculer dans la psychose…
Cependant, il faut faire très attention, car à vendredi, il n’y avait que 9 cas confirmés en Australie, 3 au Canada, 6 aux USA et environ 9 800 en Chine, pays souche qui regroupait toutes les mortalités (213) jusqu’ici. Si cette mappe monde tentait plutôt de représenter ces chiffres en pourcentage de la population, le rouge vif disparaîtrait de la mappe ! Sauf peut-être pour un tout petit point à Wuhan ! Et on aurait alors, sans aucun doute, une meilleure idée des chances de contracter ce virus en visitant ces pays ! De plus, le taux de mortalité dû à ce virus est rapporté être de 3 % des cas identifiés, alors que l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en était à 10 % et que l’Ebola tue 50 % des humains infectés. Il faut en être conscient bien évidemment, mais aussi du fait qu’un virus dont les symptômes sont relativement peu sévères et dont la période d’incubation peut aller jusqu’à 14 jours va, toute proportion gardée, se diffuser plus largement. Comme l’influenza.
Prenez le SRAS aux symptômes plus violents et au temps d’incubation plus court (2 à 7 jours) et qui est donc plus visible. L’épidémie, qui débutait aussi en Chine en 2002, affectait au bout du compte 8 000 personnes seulement parce que, malgré une réaction plutôt lente des autorités, au départ, les efforts pour juguler l’épidémie furent, par la suite, rapidement un succès. Le coronavirus est plus insidieux, plus traître et il faut donc aussi reconnaître que le risque de 3 % de mortalité sur bien plus que les 9 800 personnes infectées du jour peut résulter en plus de morts que les 800 du SRAS ! Il suffit, en effet d’infecter 27 000 humains… Lire à cet effet l’excellent article de Bloomberg*** Mais le monde a connu bien pire ! La grippe espagnole de 1918, ainsi appelée parce qu’Alphonse XIII, roi d’Espagne, fut sa victime la plus célèbre, prenait aussi souche en Chine et tuait, après tout, 50 millions de personnes en deux ans, soit environ 10 % des humains infectés. Le H1N1 (grippe aviaire) est d’ailleurs un petit-fils mutant de ce virus «espagnol» ****.
Mais là aussi, il faut mettre en perspective ! D’abord les 97 % d’humains en bonne forme ne meurent évidemment pas de coronavirus quand infectés… seuls ceux qui sont déjà fragilisés sont vraiment à risque. D’autant plus de raison de les mettre à l’abri ! Ensuite, l’évidence est que, malgré nos souhaits désobligeants d’éternité – y compris pour un au-delà invérifiable mais plein de promesses – on finira tous bien par mourir, tués par des maladies beaucoup plus probables que le coronavirus à ce stade !
Par exemple, l’influenza ordinaire tuait, en 2014, 55 000 Américains alors que les armes à feu menaient à 11 000 morts et que les accidents liés au transport réclamaient, quant à eux, 37 200 vies américaines !
Selon un rapport de l’OMS de 2018, sur les 57 millions de personnes qui meurent chaque année, le hit-parade des causes est mené par les maladies de nature cardiaque, ainsi que les AVC, ce qui n’est pas surprenant vu les fabuleux prolongements des espérances de vie obtenus depuis un siècle. Le contraste entre le monde riche et le monde pauvre est pourtant encore cinglant. Chez les pays riches, les cancers (surtout des voies respiratoires), l’Alzheimer, le diabète sucré sont dans le Top 10. Chez les pays à revenus faibles le hit-parade comprend les infections des voies respiratoires (1er), la diarrhée (2e ), le VIH/Sida (4e ), la tuberculose (6e ), les naissances avant terme (7e ), l’asphyxie a la naissance (8e ) et la malnutrition (10e ) ; toutes des causes de décès qui n’apparaissent pas dans le Top 10 des «riches». Édifiant !
Une manière cocasse de remettre le coronavirus dans sa juste perspective est d’en signaler aussi ses possibles effets positifs !
Les maris chinois restent désormais à la maison et aident plus aux travaux domestiques pour ne pas s’ennuyer ? Les réunions de famille chinoises n’ont jamais été aussi longues ? Les instituts de «leçons particulières» et de «cramming» qui stressaient les enfants, victimes des ambitions de leurs parents et que le ministère n’avait jamais pu ni contrôler, ni fermer sont largement désertés ! Youpi ! Alors que les usines débraient, c’est peut-être aussi une solution inattendue à la guerre commerciale entre la Chine et les Américains ? Il y a du «stable genius» dans ce virus ?
Lavez vos mains. Évitez les foules. Évitez les bisous sur la joue et les poignées de main. Mettez un masque, si ça vous dit. «Ça ne peut pas faire de mal et ça pourrait même faire du bien !» dit un médecin en rajoutant «…surtout si vous toussez !» Ou que vous ayez mauvaise haleine…
Ce virus va se combattre avec des faits, pas de la peur, mais ce qui est vraiment à craindre, c’est une nouvelle mutation et/ou une arrivée du coronavirus dans un pays avec des services de santé et une discipline civique inferieure à ceux de la Chine ! Vous imaginez ? Vous pensez à quoi, là ?
*3 millions d’entre eux sont depuis retournés à Wuhan, mais ça, on en parle moins… ** https://www.persee.fr/doc/ ahess_0395-2649_1969_num_24_6_422183. Voir «La peste au Moyen Âge», Biraben et LeGoff, page 1498. *** http://bloomberg.com/news/ articles/2020-01-29/viral-sweet-spot-raisesfears-coronavirus-will-be-hard-to-stop ****https://wwwnc.cdc.gov/eid/ article/12/1/05-0979_article
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