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Lauréats d’un système en perte de vitesse

8 février 2020, 07:48

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Comme chaque année, la liste des lauréats, avalisée par le Premier ministre, a été dévoilée hier par la ministre de l’Éducation, Leela Devi DookunLuchoomun, sous les feux des projecteurs. Ce n’est pas forcément un exercice politisé, mais on sent le bonheur communicatif de la ministre en égrenant le chapelet de noms de ceux qui arrivent en tête du système, sans même tiquer quand elle annonce ceux – au nombre de six quand même – du collège Maurice Curé, où Soondress Sawmynaden a fait du bon boulot, quoi qu’en disent ceux qui veulent sa tête au sein du ministère, parce qu’il est précisément contre la pensée unique et pour l’esprit critique. Un peu comme Steve Obeegadoo avant !

La magie des lauréats opère toujours dans les collèges. Le cri de ralliement et les selfies avec les camarades de classe, les profs et les recteurs resteront indélébiles bien des années après, même quand les chemises avec les orthographes des amis auront pali ou disparu. Cependant, l’effervescence tend à diminuer d’année en année pour raisons multiples. Avant-hier, la presse publiait les noms de tous ceux ayant réussi au HSC (ils étaient considérés comme des héros), tout comme elle publiait la liste des 500 classés au CPE (après une compétition coupe-gorge qui a perturbé plus d’un). Hier encore, les lauréats étaient des stars qui faisaient la une des journaux pendant plusieurs jours – on les interrogeait sur tout et rien : les noms de leurs profs (qui ne sont pas enregistrés à la MRA), leurs lectures et autres livres de chevet, leurs recettes de révision, leurs vues sur la politique et l’économie, locale et internationale, leurs centres d’intérêts et ce qu’ils feront pour aider au développement socioéconomique de Maurice. Depuis, la société s’est transformée et des alternatives, académiques ou techniques, au HSC ont brisé le monopole des examens de Cambridge. Le public a aussi fini par admettre que les lauréats, qu’on mettait sur un piédestal, ne revenaient plus au pays, après leurs bourses, en dépit du Bond (légal mais pas moral) qui les lie à la République.

Si les lauréats incarnent le succès d’un système de manière ponctuelle, les autres actualités liées à l’éducation nationale nous dépeignent durablement un système éducatif qui exclut davantage qu’il n’inclut. Sur les quelque 15 000 inscrits au primaire, moins de la moitié parvient jusqu’au bout du cycle secondaire. «Madame Dookun pé agir kouma enn otokrat. HSC finn dépasé. La plipar bann zélev zordi zot péna 5 credits. HSC pa prépar bann zélev pou lémond travay», s’exclamait Steve Obeegadoo en mai 2017, au temps où il n’avait pas peur de froisser Leela Devi Dookun-Luchoomun ou la famille Jugnauth, et cultivait sa liberté de penser.

Bon an, mal an, l’on continue à dépenser une fortune en bourses (bien au-delà de Rs 100 millions par an) pour récompenser des lauréats qui vont travailler pour le PIB d’autres pays. Ils ne reviennent pas uniquement en raison de la dynamique migratoire. Le manque de méritocratie et la politisation à outrance des institutions et des opportunités/débouchés pour jeunes diplômés sont des freins non négligeables pour un retour au pays natal.

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Aussitôt repris, les travaux parlementaires se retrouvent en mode «pause». On n’aura pas la chance de voir nos parlementaires à l’œuvre avant le 14 février parce que le Premier ministre en a décidé ainsi. «Je ne souhaite pas que le Parlement siège durant mon absence», a lancé, avec suffisance, Pravind Jugnauth, qui se rend à Addis-Ababa, en Éthiopie, non sans rappeler que l’opposition actuelle, en visant le PTr et le MMM, n’avait pas siégé pendant plus de neuf mois en 2014. Donc, puisqu’ils ont bafoué la démocratie parlementaire en 2014, il n’y a aucun souci à en faire de même en 2020. Après le soleil, viennent la pluie et les inondations. Avec l’Umbrella de Rihanna, on n’est pas sorti de l’auberge, alors là, pas du tout…